Commission d'enquête sur la construction : les réactions de l’industrie

Communiqué

À la suite du dépôt du rapport de l'Unité anticollusion et du témoignage de monsieur Jacques Duchesneau en commission parlementaire, et au terme d'une analyse et de consultations, le gouvernement du Québec annonçait hier soir la mise sur pied d'une Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction.

 

« Plusieurs considérations ont guidé cette démarche dont, au premier plan, l'importance de ne pas nuire aux enquêtes policières actuellement en cours. Ainsi, les travaux de la Commission seront complémentaires à ceux effectués par  l'Unité permanente anticorruption (UPAC), et les fruits de son travail pourront être communiqués aux policiers. Ils nourriront la preuve et les enquêtes », a affirmé le premier ministre Jean Charest.

 

Les commissaires, le mandat et le fonctionnement

 

C'est au juge en chef de la Cour supérieure du Québec, l'honorable François Rolland, que le mandat a été confié de recommander le juge qui présidera cette commission d'enquête. Il a désigné l'honorable France Charbonneau, juge à la Cour supérieure du Québec. Cette dernière devra s'adjoindre deux commissaires de son choix afin de la seconder dans son mandat. Ils disposeront ainsi de toute l'indépendance nécessaire pour réaliser la tâche qui leur est confiée.

 

Le mandat de la Commission , d'une durée de deux ans, porte sur l'existence de stratagèmes et de possibles activités de collusion et de corruption dans l'octroi et la gestion de contrats publics dans l'industrie de la construction, incluant notamment les organismes et les entreprises du gouvernement et les municipalités, et leurs liens possibles avec le financement des partis politiques. La Commission a également la responsabilité de dresser un portrait de possibles activités d'infiltration de l'industrie de la construction par le crime organisé, d'examiner des pistes de solution et de faire des recommandations.

 

Les travaux de la Commission couvrent les activités des 15 dernières années. Les commissaires auront toute la latitude pour définir leur champ d'intervention. Des rapports d'étape publics pourront également être effectués par la Commission selon l'avancement des travaux.

 

La Commission utilisera deux modes de fonctionnement. Un mode de fonctionnement sans séances publiques, pour recueillir toute information pertinente, et un mode de fonctionnement en séances publiques pour recevoir les témoignages d'experts et de témoins qui, de l'avis des commissaires, permettraient de démontrer les stratagèmes, d'examiner des pistes de solution et de faire des recommandations en vue d'établir des mesures permettant d'identifier, d'enrayer et de prévenir la collusion et la corruption dans l'octroi et la gestion des contrats publics, ainsi que l'infiltration de l'industrie de la construction par le crime organisé.

 

L'audition des témoins ne doit pas nuire aux enquêtes policières en cours ou compromettre la preuve accumulée, et l’information recueillie par la Commission pourra être transmise à l'UPAC, au DGE ou à tout autre organisme à qui elle estime pertinent de le faire.

 

Dans le respect des enquêtes policières, la Commission n'accordera pas le droit d'immunité de poursuite aux témoins qui seront entendus par la Commission. Conséquemment, la Commission ne pourra contraindre quelqu'un à témoigner.

 

De multiples réactions

 

À ce jour, diverses réactions ont été émises :

 

Le Conseil du patronat a dit appuyer la décision du gouvernement du Québec d'aller de l'avant avec cette enquête, celle-ci devant permettre de faire la lumière sur les problèmes et les enjeux reliés à la corruption et la collusion qui ont éclaboussé l'industrie de la construction au cours des dernières années. Le souhait que cette commission propose des solutions concrètes afin de protéger l'intérêt public à long terme a également été émis par la Conseil, qui reconnaît que tous les autres moyens mis en place par le gouvernement doivent se poursuivre parallèlement aux travaux de la commission.

 

Le Réseau des ingénieurs du Québec s’est quant à lui dit amèrement déçu de la formule de la commission d’enquête annoncée, la qualifiant de molle et insuffisante. Précisant que la réputation des ingénieurs a été gravement touchée par les allégations exprimées sur la place publique, le Réseau a cité pour l’occasion un sondage d'opinion mené en 2009 auprès de ses membres révélant que deux ingénieurs sur trois croient qu'une commission d'enquête publique permettrait de renouer avec la confiance du public.

 

De son côté, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ) a dit appuyer la tenue de cette commission, qu’elle considère comme un exercice complémentaire aux enquêtes policières. « Elle ne doit pas interférer avec le travail des enquêteurs et du directeur des poursuites criminelles qui eux recueillent une preuve qui pourra être utilisée devant procès ; en ce sens nous soutenons la démarche du gouvernement », a mentionné la directrice générale de l'ACRGTQ, Mme Gisèle Bourque.

Mme Bourque a poursuivi : « L'objectif gouvernemental doit être de retirer du marché les individus et les organisations malveillantes qui violent les principes d'éthique et de saine concurrence reconnus au Québec et au Canada. Dans ce contexte, cet exercice doit rendre les lettres de noblesse à une industrie qui souffre d'une image ternie par des allégations de collusion et de corruption. »

 

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) a, quant à elle, salué cette annonce, compte tenu, notamment, que cette commission pourra aborder la question du financement des partis politiques. « La FTQ partage les mêmes préoccupations que la population du Québec quant aux coûts des travaux publics, l'octroi des contrats et le financement des partis politiques. On espère qu'une bonne fois pour toutes, la lumière sera faite sur les allégations de collusion, de corruption et d'infiltration du crime organisé dans l'industrie de la construction », a déclaré le secrétaire général de la centrale syndicale, Daniel Boyer, précisant qu’il s’agit toutefois d’une réaction préliminaire puisque l’équipe juridique de la FTQ examinera plus en détail les pouvoirs et le mandat de la Commission.

 

La Ville de Montréal a dit reconnaître les efforts faits par le gouvernement pour faire toute la lumière sur les allégations de collusion et de corruption, mentionnant qu’elle apporterait son entière collaboration dans le cadre de cette commission d'enquête, qu’elle considère comme un outil additionnel pour lutter contre la collusion et la corruption. « Toutefois, nous ne pouvons agir que sur les domaines qui relèvent de notre responsabilité. C'est pourquoi je réitère ma demande au gouvernement de revoir les règles d'attribution de contrats pour que nous ne soyons plus toujours obligés d'octroyer les contrats au plus bas soumissionnaire conforme, dans les circonstances que j'ai déjà rendues publiques », a conclu le maire Tremblay.

 

La CSN a salué la mise en place de la commission d'enquête ainsi que la nomination de la juge Charbonneau et la marge de manœuvre dont elle dispose pour constituer son équipe de travail. Toutefois, la centrale regrette que cette commission ne soit pas instituée en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, ce qui fait craindre que l'on ne puisse réunir toute l’information pour mettre fin au système frauduleux dont on parle depuis plus de deux ans. « Nous avons bien l'intention de scruter à la loupe toute l'information qui transpirera de cette commission. Nos membres, et plus particulièrement ceux qui œuvrent dans l'industrie de la construction, attendent depuis plus de deux ans que le gouvernement annonce qu'il s'attaquera à la collusion et à la corruption, car ils veulent que ça change », conclut le président de la CSN.

 

L'Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ) a réagi à l'annonce en souhaitant que le processus indépendant, ordonné et soucieux de protéger la preuve judiciaire et les réputations retenu pour cette commission d'enquête puisse faire la lumière sur les différents problèmes de collusion et de corruption évoqués publiquement depuis 2009. Selon l’AICQ, cette commission sera utile pour faire la part des choses et pour permettre d'identifier et de dénoncer les responsables d'éventuels actes répréhensibles. Elle déplore que l'évolution du dossier, au cours des derniers mois, ait eu pour effet de générer des sentiments négatifs et malsains envers l'ensemble des acteurs de l'industrie, sans distinction, alors que seuls les responsables de ces actes, s'ils sont démontrés, devraient être visés. La formule du huis clos est un élément intéressant à cet égard, tant sur le plan de la protection des réputations que sur celui de l'incitation à témoigner, a conclu l'Association.

 

L'Association de la construction du Québec a salué l'initiative du premier ministre, accueillant favorablement cette décision et affirmant voir d'un bon œil les travaux de cette commission d'enquête. « La structure de fonctionnement proposée par le gouvernement ainsi que la durée de deux ans de la commission d'enquête semblent adéquates. Nous souhaitons que cet exercice permette d'assainir, une fois pour toutes, les mœurs dans notre industrie », a mentionné le président de l'ACQ.

 

L'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ) a accueilli avec un certain scepticisme l'annonce du premier ministre Jean Charest. Pour l'APCHQ, qui s'est déjà dite en faveur d'une telle commission, la formule proposée est décevante. Selon elle, sans le pouvoir d'obliger à témoigner et sans la promesse d'immunité liée aux témoignages, la commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction ne permettra pas de régler la situation et de mettre à jour les stratagèmes liés à l'octroi des contrats publics, aux entreprises concernées et au financement des partis politiques.

 

L'APCHQ a tenu à rappeler à la population que malheureusement, tout ce qui entoure les contrats publics porte ombrage à des milliers d'entreprises du secteur résidentiel, lesquelles ne sont pas pointées du doigt dans les divers scandales annoncés jusqu'ici, puisqu'elles transigent essentiellement avec les consommateurs. Prévoyant plus de 45 000 mises en chantier pour 2012, l'APCHQ croit d'ailleurs que les consommateurs font les frais de la collusion et de la corruption, puisque les coûts qui en découlent se retrouvent dans les infrastructures et sont inévitablement « refilés » aux nouveaux acheteurs.

 

L'Association Québécoise des Entrepreneurs en Infrastructure (AQEI) a dit recevoir l'annonce avec circonspection et souhaiter ardemment que la lumière soit faite pour que l'industrie poursuive sa mission et se remette à l'ouvrage la tête haute. «L'AQEI espère que la Commission se révèlera un moyen efficace pour recueillir plus d'informations sur les circonstances entourant les problématiques soulevées récemment. Nous croyons toutefois essentiel de laisser toute la latitude nécessaire aux enquêtes policières actuellement en cours pour que les coupables, légalement reconnus, en assument les conséquences, de déclarer la Directrice générale de l'AQEI, Me Caroline Amireault.

 

L'AQEI compte suivre de près les travaux de la Commission pour notamment comprendre son orientation et sa mise en œuvre. Elle accueille favorablement la nomination de la juge France Charbonneau à titre de Commissaire.

 

L'Association patronale des entreprises en construction du Québec (APECQ) a désiré réitérer son support et son étroite collaboration au gouvernement du Québec. L'APECQ a tenu à saluer cette initiative « courageuse de la part du gouvernement et souhaitée depuis longtemps par ses membres et l'ensemble de ses partenaires. De façon particulière, l'APECQ est très sensible à la détermination du gouvernement, entre autres, pour faire le ménage au sein de l'industrie et contribuer ainsi à restaurer la confiance du public envers les entrepreneurs et tous les travailleurs et travailleuses de ce secteur d'activité économique qui, pour la très grande majorité, sont des personnes honnêtes et de grande compétence » a mentionné l’association par voie de communiqué.

 

La Fédération québécoise des municipalités (FQM) a dit prendre acte de la décision du premier ministre, précisant que dans un contexte où les allégations ne cessent de se succéder et où tout indique la présence d'un système de collusion érigé dans le système, la Fédération a toujours privilégié la tenue d'une enquête publique, seule mesure susceptible à ses yeux d'assainir l'environnement et d'assurer la confiance des citoyens dans leurs institutions.

La FQM a mentionné qu’elle prendra le temps d'analyser plus en profondeur la portée de l’annonce effectuée afin de savoir si celle-ci s'avère suffisante pour mettre fin au climat de suspicion qui perdure depuis trop longtemps et permettre de rétablir une fois pour toutes la confiance de la population envers les élus municipaux. Enfin, la FQM a assuré le gouvernement de sa collaboration dans le cadre des travaux à venir, invitant les municipalités à faire de même.

 

Enfin, l'Union des municipalités du Québec (UMQ) s’est dite satisfaite de l’annonce. Le 10 novembre 2010, l'UMQ avait adopté une résolution unanime demandant la tenue d'une enquête publique sur l'industrie de la construction jugeant le climat malsain pour la démocratie municipale. Elle accueille donc favorablement cette nouvelle et offre sa collaboration au ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire, monsieur Laurent Lessard, dans la mise en place de mesures immédiates offrant aux municipalités de nouveaux outils pour être plus efficaces dans la gestion des fonds publics. Ainsi, outre les modifications législatives permettant aux municipalités d'avoir plus de latitude dans le processus d'octroi de contrats, l'UMQ souhaite la création d'un bureau municipal d'évaluation des prix, pour assurer une saine concurrence et prévenir la collusion sur l'ensemble des marchés publics partout au Québec. Le bureau aurait pour mandat de recueillir les données de tous les contrats publics et de produire, pour chaque région du Québec, des indices annuels permettant aux municipalités de mieux évaluer les prix des soumissions.

 

Sources : Parti Libéral du Québec, Conseil du patronat, RIQ, ACRGTQ, FTQ, Ville de Montréal, CSN, AICQ, ACQ, APCHQ, AQEI, APECQ, FQM, UMQ