Îlot Balmoral : des locaux sur mesure pour un joyau de la culture

5 mai 2017
Par Léa Méthé-Myrand

La Société d’habitation et de développement de Montréal réalise des améliorations locatives hors du commun pour loger le siège social de l’Office national du film au sein de l’Îlot Balmoral. La construction de cet immeuble aux allures de rocher cristallin constitue la phase finale de la Place des Festivals et densifiera encore la présence culturelle dans le Quartier des spectacles.

Cela fait déjà un certain temps que les installations de l’ONF sur Côte-de- Liesse, bâties en 1956, ne sont plus en phase avec l’évolution des technologies cinématographiques. La localisation excentrée avait été retenue à l’époque pour aménager de grandes superficies destinées au tournage en studio, au traitement de la pellicule et à l’archivage de matériel sur support analogique.

 

Le virage numérique effectué par l’ONF en 2007 a mené l’institution à convoiter des locaux plus centraux et mieux adaptés à la production actuelle. Le besoin : des espaces plus petits, mais plus performants, fonctionnels et accessibles aux créateurs comme au public. Le déménagement de l’institution s’inscrit dans une volonté de créer un centre mondial d’innovation et d’excellence dans les nouvelles formes audiovisuelles.

 

Loger une diva

Carl Bond, directeur de la Gestion immobilière SHDM. Crédit de SHDM

 

L’organisme occupera plus du tiers de la superficie locative de l’Îlot Balmoral. « Le programme fonctionnel et technique élaboré par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada pour le compte de l’ONF comportait énormément d’éléments complexes, dit Carl Bond, directeur de la Gestion immobilière à la SHDM. Il exigeait des améliorations locatives inhabituelles et beaucoup d’adaptation sur le plan structural et mécanique. »

 

Plusieurs espaces requéraient notamment des hauteurs libres plus élevées que les 2,7 mètres prévus aux étages types. Un théâtre de visionnement a donc été installé en mezzanine du hall principal. Le premier étage a quant à lui été rehaussé à plus de 5 mètres, puis un percement a été effectué dans la dalle entre les niveaux deux et trois pour accommoder des studios d’animation.

 

Si la localisation au coin du boulevard Maisonneuve et de la rue Balmoral offre aux occupants une vue imprenable sur la Place des Festivals, l’acoustique du bâtiment doit également tenir compte de l’intensité sonore des spectacles diffusés à un jet de pierre pendant toute la saison estivale. De plus, les différents théâtres et studios exigent une étanchéité acoustique impeccable, autant de l’intérieur que de l’extérieur. Cette condition est remplie en installant, en coffrage perdu, des dalles flottantes coulées sur des matelas munis de ressorts et d’amortisseurs en néoprène.

 

Patrick Pretty, coordonnateur de projets à la SHDM

 

« Placer tout ça, c’était comme résoudre un cube Rubik, dit Patrick Pretty, coordonnateur de projets à la SHDM. Le résultat est très impressionnant sur le plan volumétrique, c’est justement la complexité du mandat et notre capacité à le réaliser qui mettent en relief la valeur ajoutée de la SHDM dans ce projet. »

 

L’ONF occupera un peu plus de 10 000 mètres carrés sur six étages en plus d’un entrepôt au sous-sol. « Nous avons signé une entente sur 20 ans avec l’ONF, mais dans des conditions comme ça, on espère qu’ils y resteront pour toujours », ajoute Patrick Pretty.

 

La vocation du dernier îlot ceinturant la Place des festivals a été décidée d’entrée de jeu, la Ville de Montréal ayant fixé à 25 % le minimum d’occupation réservé aux organisations culturelles. Pour réaliser cette vision, la Ville, qui était propriétaire de plusieurs des terrains, a vendu ces deniers à la SHDM qui constitue son « bras immobilier ».

 

Un immeuble « phare »

Par son aspect monumental et asymétrique, l’îlot Balmoral, conçu par Provencher Roy, évoque un bloc de cristal qu’on aurait fracturé pour révéler une ligne de faille de couleur rouge Canada. L’édifice de 13 étages compte en tout 26 000 mètres carrés d’espace locatif.

 

Il est divisé en deux ailes et traversé par un atrium diagonal vitré sur toute sa hauteur pour faire pénétrer un maximum de lumière naturelle. Les deux volumes sont structuralement dépendants et reliés par de vertigineuses passerelles en béton.

 

Les faces opposées des deux ailes sont inclinées et colorées rouge vif. Réalisées à l’extérieur à l’aide du même mur-rideau qui enveloppe l’ensemble du bâtiment, la couleur opaque est appliquée par sérigraphie sur le verre et ponctuée de fenêtres translucides. L’effet se poursuit à l’intérieur où les murs de gypse de l’atrium sont également peints en rouge.

 

Le hall principal est un lieu de circulation accessible à tous ; on l’emprunte notamment pour se rendre à la salle multifonctionnelle de 230 mètres carrés qui constitue la vitrine de l’ONF sur l’espace public. Un escalier monumental de verre et d’acier permet aussi d’accéder au théâtre de visionnement au niveau mezzanine.

 

Comme demandé par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, le bâtiment est conçu en vue d’obtenir la certificationLEED 2009 de niveau Or. Les stratégies pour y arriver incluent l’installation de six bornes de recharge pour les véhicules électriques, des commodités pour les cyclistes et un toit vert accessible.

 

Grâce notamment à la récupération de chaleur, à l’installation d’un chauffage périmétrique à l’eau chaude et à un système de tour d’eau avec réseau d’eau refroidie pour la climatisation, la SHDM, conseillée par la firme de génie mécanique Dupras Ledoux, compte atteindre une performance énergétique 24 % plus élevée que la norme ASHRAE 2007. Pendant le chantier, on entend cumuler des points LEED par l’intégration de matériaux à contenu recyclé ainsi que par l’utilisation de bois certifié par le Forest Stewardship Council.

 

Chantier majeur

Le projet de 125 millions de dollars est réalisé en gérance par Groupe TEQ : « Nous avons choisi d’aller en gérance de projet et de procéder par lots pour gagner du temps. Autrement, on aurait dû consacrer une année supplémentaire aux plans », affirme Patrick Pretty. Les travaux ont commencé en octobre 2015 avec l’installation d’une paroi moulée (voir encadré) avant de poursuivre avec l’érection de la structure de béton.

 

« Le choix de la paroi moulée a été dicté par les ingénieurs, notamment parce que la nappe phréatique est trop haute pour procéder avec un mur berlinois. On souhaitait descendre les parois moulées jusqu’au roc afin de constituer un ensemble étanche. » Nicolet Chartrand Knoll est la firme de génie responsable de la structure. L’espace souterrain de cinq niveaux comprendra 186 places de stationnement et plus de 50 places de rangement pour vélo assorties d’un vestiaire avec douches à l’usage des occupants. Un espace d’entreposage destiné à l’ONF est également prévu aux niveaux 2 et 3.

 

Dix des treize étages de la structure étaient complétés à la fi n mars 2017 et on prévoit finaliser celle-ci en juin. Les murs-rideaux sont attendus entre juin et décembre et la construction intérieure débutera vers janvier 2018 pour se terminer autour de juin 2018. La livraison est prévue pour l’été 2018, mais des travaux intérieurs au service des futurs locataires se poursuivront jusqu’en 2019.

 

TECHNIQUE DE LA PAROI MOULÉE

La paroi moulée est une technique de construction de mur de soutènement et de fondation. Elle consiste à creuser dans le sol une tranchée de la largeur du futur mur, avant d’y glisser l’armature d’acier et d’y couler, par la suite, du béton.

Afin d’empêcher les parois de s’affaisser dans l’intervalle, une boue contenant de la bentonite est introduite dans la tranchée. Une fois le périmètre complété par sections, on peut procéder à l’excavation en dégarnissant peu à peu la face interne du mur. Dans le cas de l’îlot Balmoral, le mur de 16 à 18 mètres de profondeur a par la suite été fixé au roc à l’aide de tirants installés à 45 degrés.

 

 


Cet article est tiré du Supplément thématique – Projets 2017. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !