Aéroport international Jean-Lesage : exemplarité énergétique et haute voltige mécanique

21 novembre 2018
Par Marie Gagnon

Le projet d’agrandissement et de réaménagement de l’aérogare Jean-Lesage a donné lieu à des prouesses d’ingénierie. Un survol.

Lancé en 2015, YQB 2018 représente le plus important projet d’agrandissement de l’histoire de l’Aéroport international Jean-Lesage (YQB) avec un budget de 277 millions de dollars et plus d’une dizaine de chantiers de construction. Sa finalité : doubler la superficie de l’aérogare et offrir un service à la fine pointe de la technologie. Le projet vise en outre à faire de YQB l’une des aérogares les plus efficaces en Amérique du Nord en termes d’efficacité énergétique.

 

Pour l’équipe de projet, le défi est de taille. Non seulement les activités aéroportuaires doivent être maintenues tout au long des travaux, mais ces derniers sont également réalisés en régime accéléré. Aussi, pour que l’intégration du nouveau terminal à l’aérogare existante soit une réussite sur tous les plans, l’équipe d’ingénierie a eu recours à la conception intégrée et au BIM (Building Information Modeling), un processus qui propose une version unifiée des projets, basée sur des données standardisées.

 

L’avantage BIM

Avec le BIM, le travail collaboratif s’effectue autour d’un modèle numérique – une base de données avec une expression géométrique visuelle : la maquette. En plus de favoriser la coordination multidisciplinaire, cette approche facilite la logistique au chantier, le suivi auprès des sous-traitants et l’estimation des couts. Elle permet de plus de réduire les interférences entre les différents systèmes avant même la mise en chantier. Bref, le BIM offre la possibilité de faire de meilleurs projets à meilleur cout.

 

Marie-Noëlle Simard, directrice du projet YQB 2018. Photo de Aéroport international Jean-Lesage de Québec (YQB)

 

« Il y a quatre ou cinq ans, on faisait figure de pionniers avec un bureau de projet réunissant tous les intervenants et en poussant au maximum la conception intégrée, mentionne Marie-Noëlle Simard, directrice du projet YQB 2018. Le BIM était peu connu à cette époque, on a dû s’éduquer au début du projet. Mais le jeu en valait la chandelle : il nous a entre autres permis de détecter plusieurs noeuds dans l’échéancier et de réaliser des économies intéressantes en bout de ligne. »

 

À l’aéroport de Québec, le BIM a contribué à optimiser les systèmes mécaniques afin de maximiser le confort des usagers et les économies d’énergie. Pour faire de la nouvelle aérogare un modèle d’efficacité énergétique, les ingénieurs ont mis en oeuvre un faisceau de mesures, dont la construction d’une nouvelle centrale thermique regroupant toute la production de chaleur et de froid, de même que la génération d’électricité d’urgence, pour l’ensemble de l’aérogare.

 

Des mesures efficaces

Ce choix a été dicté par les contraintes architecturales associées au design de l’aérogare construite en 2008. Le réseau de chauffage du bâtiment existant devait en effet être maintenu à haute température alors que le concept pour l’agrandissement reposait sur une alimentation en eau à basse température et la récupération de chaleur. Pour réunir ces deux fonctions à première vue inconciliables, les concepteurs ont dû faire preuve d’ingéniosité.

 

Ils ont d’abord spécifié des chaudières à condensation à double retour dans la centrale thermique. Les chaudières alimentent ainsi un réseau primaire qui injecte de la chaleur à haute température dans le réseau existant, puis de la chaleur à basse température dans le nouveau. Histoire d’assurer une redondance en cas de bris des conduites, ces deux réseaux de chaleur sont bouclés à l’intérieur de l’aérogare. Cette approche ouvre également la porte à une éventuelle modification du réseau existant.

 

Louis-Alexandre Dubé, chef de projet en mécanique et électricité du projet YQB 2018. Photo de Aéroport international Jean-Lesage de Québec (YQB)

 

« Il fallait s’assurer que tous les systèmes électromécaniques rentrent dans le bâtiment, tout en demeurant invisibles pour les passagers, commente Louis-Alexandre Dubé, chef de projet en mécanique et électricité. Autrement dit, ils ne devaient pas transparaitre dans l’architecture ni empiéter dans les espaces réservés aux passagers. En concentrant les équipements dans une seule pièce, on facilite aussi leur entretien et leur maintenance. »

 

Des contraintes supplémentaires

Dans le même esprit, les ingénieurs ont conçu une nouvelle salle mécanique, qui abrite les équipements affectés au chauffage et au refroidissement des réseaux secondaires et les équipements de ventilation. Intégration architecturale oblige, l’installation d’appareils de chauffage au bas des fenêtres n’était pas une option. Ils ont donc opté pour un système de chauffage hybride pour satisfaire les besoins de chauffage dans les aires communes et au périmètre des fenêtres.

 

Dans la zone centrale, le chauffage est ainsi assuré par un système radiant constitué de plus de 43 kilomètres de conduites, tandis qu’en périphérie, la charge de chauffage est complétée par des diffuseurs linéaires de type changeover. Ce type de diffuseurs distribue l’air chaud de haut en bas, prévenant ainsi la formation de condensation sur les parois vitrées, qui atteignent jusqu’à 10 mètres de hauteur par endroits. En mode refroidissement, l’air est diffusé horizontalement afin de ne pas incommoder les usagers.

 

Des bénéfices tangibles

Diverses mesures éconergétiques viennent compléter ce tableau, comme la géothermie, les détecteurs de présence pour la gestion de l’éclairage ainsi que la récupération de chaleur sur les refroidisseurs et le système de ventilation. Bien sûr, ces mesures se traduisent par des bénéfices appréciables, sur le plan économique comme environnemental. Ensemble, elles devraient atteindre une cible de 1,25 gigajoule par mètre carré (GJ/m2), soit 35 GJ/m2 de moins que prévu initialement.

 

Toujours selon les prévisions, ces mesures devraient générer des économies annuelles de 8 000 GJ de gaz naturel, soit environ 400 tonnes d’équivalent CO2. « Si toutes les mesures fonctionnent comme prévu, on devrait économiser 861 tonnes d’équivalent CO2, indique Louis-Alexandre Dubé. Comparativement aux 3 500 tonnes d’équivalent CO2 émises en 2017, ça représente une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’environ 25 pour cent. »

 

RÉCAPITULATIF DES MESURES LES PLUS ÉCONERGÉTIQUES
  • Récupération de chaleur sur l’air évacué au moyen de roues thermiques;
  • Détection de CO2 dans les aires ouvertes pour régler le débit d’air neuf;
  • Récupération de chaleur sur les refroidisseurs;
  • Installation de chaudières à condensation;
  • Entrainements à fréquence variable sur toutes les unités de ventilation et la majorité des pompes;
  • Éclairage à DEL avec détecteur de luminosité dans les aires ouvertes.