[Au tribunal] Doit-on dénoncer à la caution des travaux additionnels?

31 août 2018
Par Yann-Julien Chouinard, Avocat

L’obligation pour un sous-contractant de dénoncer par écrit son contrat à la caution est bien connue. Toutefois, si des travaux ou des matériaux supplémentaires sont requis, le sous-contractant est-il tenu d’expédier un nouvel avis écrit à la caution afin de l’informer de l’augmentation de la valeur de son contrat?

La Cour d’appel du Québec, dans une décision récente, Industries Panfab inc. c. Axa Assurances inc.1, a déterminé que selon les termes du contrat de cautionnement dans cette affaire, le fournisseur de matériaux, Industries Panfab inc., n’avait pas une telle obligation.

 

Les faits

Dans le cadre d’un projet de construction de trois immeubles de logements situés à Longueuil pour le compte de l’Office municipal d’habitation de Longueuil («  OMHL  »), l’entrepreneur général, Groupe Geyser inc. («  Geyser  »), obtient de la compagnie d’assurances Axa Assurances inc. («  Axa  ») un cautionnement pour garantir le paiement de la main-d’oeuvre et des matériaux au bénéfice de l’OMHL.

 

Le 3 avril 2011, Geyser confie les travaux de fourniture et d’installation du revêtement extérieur à la compagnie Les Revêtements RMDL inc. («  RMDL  »). RMDL accorde, le 5 juillet 2011, le contrat pour la fourniture des panneaux de revêtements métalliques à Industries Panfab inc. («  Panfab  »). Le prix initialement convenu pour la fourniture des panneaux de revêtements métalliques s’élevait à 330 000 dollars, taxes en sus, soit 11 dollars du pied carré pour une superficie de 30 000 pieds carrés.

 

Le 18 août 2011, avant sa première livraison, Panfab envoie un avis écrit à Geyser, l’OMHL et Axa afin de les informer du contrat conclu avec RMDL. L’avis écrit de Panfab indique le montant du contrat intervenu avec et sans les taxes, mais ne précise pas le prix unitaire ni les quantités de panneaux de revêtements métalliques commandés par RMDL.

 

En cours d’exécution des travaux, des quantités supplémentaires de panneaux sont commandées à Panfab par RMDL en raison d’une erreur commise par cette dernière dans son estimation initiale. Ainsi, les 9 et 23 mai 2012 ainsi que le 26 juin 2012, Panfab envoie des avis écrits additionnels à Geyser, l’OMHL et Axa afin de les informer des augmentations associées à la valeur de son contrat.

 

À l’automne 2012, RMDL fait faillite alors qu’un solde de 125 206,40 dollars demeure impayé à Panfab. Ce montant correspond au solde contractuel de 54 830,66 dollars et de 70 375,74 dollars pour les matériaux supplémentaires. Panfab s’adresse alors à Geyser et Axa afin d’obtenir le paiement de ce solde.

 

En première instance, la Cour supérieure a accueilli en partie la réclamation de Panfab et lui a octroyé la somme de 54 830,66 dollars, soit le solde payable sur la valeur initiale du contrat. Quant au solde restant, le tribunal refuse de compenser Panfab puisque les avis écrits pour les matériaux supplémentaires étaient tardifs.

 

La décision

La Cour d’appel infirme le jugement de première instance et condamne Geyser et Axa, conjointement et solidairement, à payer la somme de 125 206,40 dollars à Panfab, soit la totalité du solde impayé par RMDL. Dans son analyse, la Cour note que le contrat de cautionnement oblige effectivement la personne n’ayant pas conclu de contrat directement avec l’entrepreneur général, en l’occurrence Panfab, à transmettre un avis écrit dans les soixante (60) jours suivant la livraison des matériaux.

 

Cependant, le contrat de cautionnement d’Axa n’exige pas que Panfab indique la valeur de son contrat dans l’avis écrit qu’elle doit envoyer, mais requiert uniquement que le contrat fasse mention de l’ouvrage concerné, de la nature du contrat et du nom du sous-traitant. La Cour d’appel souligne les propos de la juge en première instance à l’effet que « [l]’objectif visé par les formalités prescrites dans le contrat de cautionnement est d’informer l’entrepreneur général qu’un contrat est intervenu avec l’un de ses sous-traitants1. » Ce que Panfab avait valablement fait.

 

Ainsi, la Cour d’appel conclut que, compte tenu qu’il n’existait qu’un seul contrat entre Panfab et RMDL, un seul avis écrit devait être transmis. Puisque le premier avis écrit de Panfab avait été transmis dans les délais impartis, celle-ci pouvait donc réclamer le paiement à la caution. Panfab n’avait d’ailleurs pas à envoyer un nouvel avis écrit chaque fois que la valeur de son contrat faisait l’objet d’une augmentation.

 

Conclusion

Même si la Cour d’appel a déterminé que Panfab n’avait pas à envoyer de nouveaux avis écrits à la caution à la suite de l’augmentation de la valeur de son contrat, cette décision rappelle l’importance pour les entrepreneurs et les fournisseurs de matériaux n’ayant pas contracté directement avec l’entrepreneur général de lire attentivement le contrat de cautionnement pour main-d’oeuvre et matériaux. En effet, il est essentiel de respecter les formalités donnant droit à sa mise en oeuvre afin de pouvoir bénéficier de la protection offerte.

 


1. Industries Panfab inc. c. Axa Assurances inc., 2018 QCCA 1066 (CanLII)

2. Ibid., par. 19.


Pour toutes questions ou commentaires, vous pouvez joindre Me Yann-Julien Chouinard par courriel au ychouinard@millerthomson.com ou par téléphone au 514 871-5445.

 

 

Miller Thomson avocats

 

 

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Cet article est paru dans l’édition du vendredi le 17 août 2018 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.