9 mars 2011
Par François Cantin, M. Sc. Arch.

Depuis maintenant quatre ans, le souper annuel Hydro-Québec, issu d'un partenariat entre la section du Québec du CBDCa et Hydro-Québec, fait figure d'événement « vert » incontournable pour les professionnels du domaine de la construction au Québec. Après la conférence inspirante de l'an dernier donnée par Bill Dunster, concepteur principal de l'éco-quartier anglais BedZED, c'était maintenant au tour de Bill Reed de venir présenter sa vision d'une pratique durable.

Reconnu internationalement, Bill Reed est l'un des architectes les plus visionnaires de notre époque. Membre cofondateur du U.S. Green Building Council, il œuvre principalement en tant que consultant spécialisé en approche durable au sein de la firme Integrative Design Collaborative. Il est de ceux qui croient fermement que l'architecture doit s'inscrire au sein d'un système élargi et qui développent des projets en ayant recours à un processus de conception complet. De LEED à une architecture qui participe activement à la création de milieux de vie durables, Bill Reed décrit un monde de possibilités où les seules limites sont celles que l'on veut bien s'imposer.
 

 

Au-delà de LEED
Au dire de Bill Reed, LEED, au moment de sa création, avait comme principal objectif d'encadrer la migration du marché de la construction vers de nouvelles pratiques plus responsables et non pas de définir explicitement ce qui est « vert » et ce qui ne l'est pas. Au-delà de l'aspect plutôt simpliste, voire austère, que certains ont perçu dans l'approche de type check list préconisée par LEED, les concepteurs les plus avant-gardistes ont su utiliser ce système comme véritable tremplin créatif. Bref, ils sont parvenus à bâtir autour d'une vision commune, vision supportée par LEED et non pas dictée par ce dernier.

Maintenant que LEED a su mobiliser les troupes, ou du moins, plus souvent qu'à son tour, participer au débat relatif à l'architecture dite verte, quelle est la prochaine étape ? Pour Bill Reed, l'objectif premier est de soutenir la vie, rien de moins ! Afin de bien comprendre cette mission, il faut accepter qu'aucun matériau, projet ou technologie en soi, aussi performants et pertinents qu'ils puissent l'être, ne permettront à l'homme de générer la durabilité tant recherchée. Ainsi, en tant que simple objet, un bâtiment ne sera jamais durable. En revanche, l'inspiration qu'il peut insuffler aux gens qui y résident ou encore les interactions positives qu'il peut établir avec son entourage bâti et naturel constituent des éléments qui peuvent être qualifiés de durables. Il faut donc voir le projet architectural, toutes échelles confondues, comme une opportunité de travailler au sein de ce que Bill Reed appelle le système global ; traiter chaque projet comme une partie intégrante des écosystèmes auxquels il se greffe.
 

 

De passif à actif, une idéologie récurrente
Rien de nouveau, diront certains. La nuance ici néanmoins, c'est que pour espérer avoir un impact positif à l'échelle du système global, il faut avant tout y participer ; ne pas uniquement chercher à limiter les dommages, mais bien devenir acteur au sein de l'environnement.

Lors de la série de conférences PLEA (Passive and Low Energy in Architecture) tenues à Québec en 2009, tous avaient convenu de la nécessité d’approcher l'architecture de manière à faire évoluer l'occupant passif d'un bâtiment en un habitant actif grâce à une conception plus adaptée. La réflexion que Bill Reed propose se veut similaire, mais requiert un travail à une échelle encore plus grande, celle de l'environnement naturel.
 

 

Retour aux sources: habiter le territoire
Lors de sa présentation, Bill Reed fait souvent allusion à l'étude des bassins versants comme point de départ à un projet. Plus souvent qu'autrement, l'eau se retrouve au centre des synergies environnementales observables sur un site. Par exemple, aménager un développement urbain sur des terres sans en étudier au préalable l'hydrographie peut nuire au projet lui-même tout en accélérant la dégradation des terres avoisinantes. L'équation est simple : pour maîtriser une intervention et en assurer la justesse, il faut en comprendre le milieu d'implantation. Au passage, le conférencier ne manque pas de mentionner que les professionnels se doivent d'être proactifs. Pour lui, ils ont l'obligation de questionner les différents mandats qui leur sont confiés afin de les élargir au besoin et ainsi se donner l’opportunité d’intervenir globalement.

L'objectif ultime de la démarche proposée par Bill Reed étant de ne plus se contenter d'occuper le territoire, mais bien de recommencer à l'habiter, il faut donc se remémorer collectivement les relations privilégiées qu'entretenaient nos ancêtres avec la nature. L’idée est de créer un potentiel, de construire des relations réciproques, non pas de générer du matériel ou de simples objets. Pour ce faire, comme Bill Reed se plaît souvent à dire, « il n'est pas nécessaire de demander la permission... »

 

L’auteur est stagiaire en architecture chez Hudon Julien et Associés ainsi que membre bénévole au sein de la section du Québec du CBDCa.

 

Conseil du bâtiment durable du Canada