11 juillet 2016
Par Marie Gagnon

Entretien avec la sous-ministre adjointe aux Transports, Anne-Marie Leclerc.

Q. Quelles sont les principales avancées technologiques mises en oeuvre au cours de la dernière décennie, notamment en ce qui concerne les matériaux et les façons de faire ?

R. Au ministère, on suit de près les avancées de la recherche, on s’intéresse aux nouvelles technologies et pratiques. Au cours des 10 dernières années, il y a eu beaucoup de progrès sur le plan des matériaux, leur durabilité, leurs performances et leur mise en oeuvre. Mais ça, ce sont des aspects plutôt traditionnels. Aujourd’hui, on regarde davantage du côté des technologies de l’information. On travaille entre autres avec l’Institut national de l’optique pour aller chercher l’information. Aujourd’hui, on est capable d’obtenir des relevés sur le confort, l’orniérage, la fissuration. Ça nous permet de modéliser et de comparer la dégradation des chaussées. Ça aurait été impensable il y a 10 ans.

 

Il y a aussi les équipementiers, qui proposent continuellement de nouveaux équipements. Je pense entre autres aux systèmes embarqués pour le compactage des chaussées. On cherche constamment comment intégrer ces percées, et dans quelle mesure, pour améliorer la performance des chaussées. On observe de grands pas aussi en matière de contrôle de la qualité. Entre autres avec la thermographie infrarouge, qui s’apprête à révolutionner l’approche qualité. Maintenant, plutôt que de procéder par échantillonnage, on va avoir du feedback en continu sur la qualité. Cette technologie est implantée depuis 2012, on ne l’utilise pas encore sur tous les projets, mais son usage devrait bientôt se répandre.

 

Parmi les autres pistes d’amélioration, il est important de mentionner l’évolution en matière de dimensionnement des chaussées. Auparavant, on utilisait plutôt une approche empirique. Aujourd’hui, on privilégie davantage l’approche mécanistique. Et cette tendance devrait s’accélérer dès cette année. Sur le plan des matériaux, on constate aussi une évolution. Par exemple, avec le Code canadien sur le calcul des ponts routiers, mais aussi avec les politiques québécoises sur l’aluminium, le bois d’ingénierie. Ça va nous amener à perfectionner les méthodes de conception. On retient les avancées en fonction de leur efficacité. Mais c’est toujours délicat d’introduire un nouveau matériau. C’est pourquoi on applique le principe de précaution, en faisant des projets pilotes et de démonstration, avant de les intégrer dans la pratique courante.

 

Q. Quels moyens privilégiez-vous pour assurer le maintien du réseau ?

R. Au ministère, le maintien du réseau est une priorité et un défi à la fois. On le sait, le réseau est soumis à un trafic incessant, et le transport et la mobilité sont essentiels à l’économie. Il faut que les routes soient aptes à supporter ce trafic, mais aussi des conditions climatiques agressives, comme les cycles de gel et de dégel. Pour garder le réseau en bon état, on doit donc faire en sorte que nos interventions soient le plus durables possible, par exemple en suivant l’évolution des déficiences mineures et en résorbant les déficiences majeures, tout en maintenant la sécurité des usagers.

 

Sauf que le territoire est vaste. Environ 40 % des ponts se retrouvent dans la région métropolitaine et 66 % des ponts ont été construits en 60 et 70. On est héritier de ça, mais on pense aussi aux générations suivantes. On doit donc éviter les pics d’investissement pour ne pas créer de trop fortes pressions sur les budgets. Notre inventaire des structures, sur 15 ans, nous permet de lisser les courbes d’intervention de manière à maintenir un rythme d’investissement plus stable.

 

Q. Depuis 2001, le Ministère établit un plan d’action pour améliorer la sécurité aux abords des chantiers routiers. Quels constats dressez-vous aujourd’hui  

 

R. La sécurité aux abords des chantiers routiers reste un enjeu primordial. C’est un clou qui ressort chaque année, il faut taper dessus. On doit continuellement faire des efforts de sensibilisation pour rappeler aux usagers et aux travailleurs que les chantiers routiers sont des milieux perturbés. On a mis en place des normes de signalisation, comme des limitations de vitesse plus sévères, pour bien délimiter l’aire de travail et assurer la sécurité du chantier.

 

Les travailleurs aussi doivent être sensibilisés pour adopter un comportement sécuritaire. Quand ils se sentent trop en confiance, ils baissent la garde. Les formations en ce sens ont été revisitées et rafraîchies. Au cours des dernières années, on a aussi mis l’accent sur le travail du signaleur, qui joue un rôle important dans la gestion sécuritaire de la circulation au chantier. On a amélioré ses conditions de travail et diminué les risques du métier. Maintenant, il est habillé différemment, pour être plus visible. Il a aussi une meilleure compréhension de son rôle. Là-dessus, on s’inscrit dans la mouvance américaine. On collabore avec d’autres instances, aux États-Unis comme en Ontario et dans le reste du Canada. Lorsqu’on découvre de bonnes idées, on les implante ici.

 

Q. Quels sont les plus grands défis du ministère pour 2016 et les années à venir ?

 

R. Un des plus grands défis, c’est le territoire. Le réseau compte environ 30 000 km de route et la plus forte densité de population se trouve dans les grands centres. En plus, on a 30 % du réseau qui dessert seulement 5 % de la population. Sans compter le réseau stratégique, soit 7 000 km de route en soutien au commerce extérieur qu’on doit entretenir de façon prioritaire. Le défi, c’est de bien gérer tout cela, pour assurer la mobilité sur le réseau, la sécurité des usagers et des travailleurs, le maintien des actifs, tout en étant à l’affût des bonnes idées qui pourraient surgir.

 

En 2016, beaucoup de chantiers sont programmés, on prévoit donc beaucoup d’entraves et la mobilité sera perturbée. Cela demande beaucoup de discipline de la part des gestionnaires de réseau adjacent. Ils doivent discuter de leurs interventions, les synchroniser, pour réduire les irritants chez les usagers. Mais ce qui nous préoccupe le plus, ça reste la sécurité des travailleurs et des usagers. Le chantier est par définition un milieu perturbé. On doit constamment le remettre à l’avant-plan et rappeler aux usagers de respecter les limites de vitesse et, aux travailleurs, d’éviter de se mettre à risque.