CHUSJ : innover tout en simplifiant la redondance

21 novembre 2018
Par Jean Caron

Programmer en double la régulation automatisée de chacun des systèmes électromécaniques d’un bâtiment est une opération incontournable pour assurer leur bon fonctionnement en permanence et sans interférence. L’ingénieur Slimane Bouakiz a innové en centralisant cette redondance dans le système principal de gestion du Centre hospitalier universitaire de Sainte-Justine (CHUSJ) et de son centre de recherche.

Les professionnels et spécialistes en mécanique du bâtiment savent à quel point l’organisation et la régulation automatisée des systèmes de traitement de l’air intérieur est une tâche délicate et ardue, particulièrement lorsqu’il s’agit de programmer en parfait équilibre les séquences de contrôle des systèmes de chauffage, ventilation et conditionnement de l’air  (CVCA) d’un hôpital. Une telle mission a été accomplie de main de maitre par l’équipe de concepteurs-constructeurs de SNC-Lavalin, dont faisait partie l’ingénieur junior Slimane Bouakiz, dans le cadre du projet « Grandir en santé », lequel visait l’agrandissement et la modernisation du CHUSJ. Réalisé en mode accéléré (fast track) sur une période de 52 mois, ce vaste chantier de type clés en main présentait de nombreux défis en matière de performance énergétique et de gestion serrée de l’échéancier.

 

Des améliorations de grande valeur

Non seulement le projet « Grandir en santé » a été livré à temps conformément au cahier de charges et aux attentes du client, mais il comporte en plus des améliorations innovantes qui y ajoutent de la valeur. Ces améliorations portent principalement sur l’optimisation des contrôles du traitement de l’air en centralisant la redondance de 19 systèmes de régulation, et ce, même si ces derniers présentaient des paramètres variables de température, d’humidité, de pressurisation et de filtration de l’air des locaux de l’établissement. « En gros, le concept consiste en un système de traitement de l’air centralisé, polyvalent et capable de répondre adéquatement aux besoins de chacun des locaux. La conception d’un tel système a été particulièrement complexe en considérant le niveau critique des blocs opératoires, qui requièrent une grande fiabilité », explique M. Bouakiz.

 

Le projet « Grandir en santé » du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine - Photo de Stephane Brugger

 

Concrètement, l’ingénieur a programmé des séquences de contrôle dans le système de gestion du bâtiment (SGB) central qui gère normalement la régulation automatique des systèmes mécaniques de CVCA et les alarmes en cas de défaillance ou de panne, mais qui assure en plus leur redondance de façon centralisée. Autrement dit, ce qui nécessitait auparavant la présence de deux systèmes par bloc ou local, un en fonction et un autre de secours, n’en nécessite plus qu’un puisque la redondance est centralisée dans le système principal sans interférence avec le fonctionnement de l’ensemble des systèmes. Cela se traduit donc par une optimisation des systèmes de contrôle en place, mais aussi par une réduction de leur nombre et de la maintenance subséquente pour les maintenir à jour : « La redondance des systèmes mécaniques a pour but de maintenir en tout temps leur bon fonctionnement afin d’assurer la salubrité, le confort et la sécurité des locaux pour les occupants en cas de panne ou de maintenance de ces systèmes », précise Slimane Bouakiz.

 

Une telle optimisation est significative dans un établissement hospitalier où les besoins de chauffage, de ventilation et de conditionnement de l’air peuvent varier d’un local à l’autre. Par exemple, dans certains blocs opératoires, il faut hausser ou abaisser la température pour effectuer certaines chirurgies, tandis que dans d’autres salles spécialisées, il faut assurer un parfait confinement et une filtration de l’air pour éviter les contaminations. D’où l’importance d’une redondance fiable des systèmes de contrôle.

 

Slimane Bouakiz est même allé un peu plus loin dans cette programmation en optimisant également le système de désenfumage en cas d’incendie. Il a programmé à cette fin une séquence de contrôle entre le système de gestion et le système de protection contre les incendies répartis dans l’édifice. Normalement, quand le système détecte un foyer d’incendie, une alarme est activée et nécessite une intervention du contrôleur. Une fois l’incendie maitrisé, il doit appuyer sur un bouton de commande de désenfumage sur le panneau de contrôle afin d’évacuer la fumée et éviter ainsi la contamination des autres locaux. La nouvelle séquence programmée rend le système de gestion du bâtiment encore plus intelligent en détectant précisément le lieu de l’incendie et en déclenchant automatiquement le confinement et le désenfumage du local circonscrit plutôt que de tout l’étage, voire de l’ensemble du bâtiment. En bout de ligne, l’intervention mécanique se révèle plus rapide et plus sécuritaire.

 

Une contribution hors pair

La conception de ces innovations par M. Bouakiz a compté pour beaucoup dans l’optimisation des performances des divers systèmes électromécaniques des nouveaux bâtiments du CHUSJ. Agissant également comme agent principal de mise en service mécanique, il a participé étroitement au démarrage des systèmes avec les entrepreneurs afin d’ajuster leur fonctionnement aux conditions d’opération optimales prévues.

 

Modestement, Slimane Bouakiz avouera avoir fait ses classes à la dure en s’impliquant corps et âme durant cinq ans dans toutes les phases cruciales d’implantation des systèmes mécaniques, depuis la conception des plans jusqu’à la mise en service des équipements, la supervision des tests de performance et la formation du personnel d’entretien. Sa contribution a été des plus significatives dans son rôle d’intégrateur-coordonnateur des cinq salles mécaniques de l’établissement, alors qu’il devait gérer la régulation automatique des contrôles des systèmes de traitement de l’air d’une capacité totale de 413 360 pcm, des systèmes de chauffage et refroidissement d’une capacité de 4 140 tonnes et d’une puissance nette de 2 700 BHP ainsi que de l’ensemble des systèmes de plomberie. Jean-François Dionne, qui a agi à la fois comme mentor de M. Bouakiz et comme concepteur principal et responsable mécanique de l’équipe SNC-Lavalin sur le projet du CHUSJ, a d’ailleurs souligné la grande compétence et l’apport technique de son apprenti lors de la mise en candidature de ce dernier pour le Grand Prix de la relève du génie-conseil québécois 2018. En effet, M. Bouakiz a contribué à atteindre la cible énergétique établie à 1,55GJ/m2 et à réduire la consommation d’énergie de 28 % par rapport au bâtiment de référence, nécessaire à l’obtention de la certification LEED Or du projet. M. Dionne avait vu juste puisque Slimane Bouakiz a bel et bien remporté ce grand honneur, récoltant ainsi le fruit de ses efforts et la reconnaissance de ses pairs.

 

La réalisation du projet du CHUSJ s'est faite à l’intérieur d’un processus de conception intégrée et de gestion en modélisation de données de bâtiment (BIM) avec le programme Revit. Le rôle d’intégrateur-coordonnateur des salles mécaniques qu’a assumé l’ingénieur Slimane Bouakiz avait une importance cruciale dans ce projet, puisqu’il impliquait les responsabilités suivantes :

  • vérifier la conformité de la conception selon le contenu du programme fonctionnel et technique (PFT) et les exigences du client;
  • valider la constructibilité des concepts avec la participation des entrepreneurs;
  • assurer l’absence d’interférences entre les systèmes installés dans les salles mécaniques;
  • effectuer la coordination détaillée pour chacun des équipements avec les divers professionnels (électricité, structure, architecture, régulation automatique, etc.);
  • participer activement à la planification et la coordination des travaux.