Dans quelle mesure le MTQ doit-il renseigner les soumissionnaires?

8 mai 2013
Par Me Jean-Benoit Hébert, avocat

Droit et construction - La chronique de Dufresne Hébert Comeau

 

Une chronique du cabinet Dufresne Hébert Comeau - Quelle est l’obligation de renseignement d’un maître de l’ouvrage ? Cette question a maintes fois été abordée par nos tribunaux. Récemment, la Cour supérieure, dans l’affaire Tro-Chaînes inc. c. Québec (Ministère des Transports), vient rappeler les principes applicables alors que le Ministère des transports (MTQ) a omis de remettre un rapport d’étude géotechnique avec ses documents d’appel d’offres pour le remplacement d’un pont au-dessus de la rivière Petit Saut, près de Sainte-Croix-de-Lotbinière. Cette omission a occasionné des coûts additionnels à l’entrepreneur qui a dû faire face à des conditions de sol instables et imprévisibles. Ce dernier réclamait 463 662,17 $ et le Tribunal lui a accordé 160 419,03 $.

 

Le tribunal rappelle les paramètres de l’obligation de renseignement :

 

  1. La connaissance réelle ou présumée de l’information par le maître de l’ouvrage ;
  2. La nature déterminante de l’information en question ;
  3. L’impossibilité du soumissionnaire de se renseigner soi-même, ou la confiance légitime du soumissionnaire envers le maître de l’ouvrage.

       

      En ce qui concerne le troisième paramètre, les tribunaux ont reconnu que le maître de l’ouvrage de « grands projets » est soumis à une obligation de renseignement plus élevée qu’un maître de l’ouvrage occasionnel qui peut, dans certains cas, être pratiquement dégagé de toute obligation de renseignement.

       

      Dans l’affaire Tro-Chaînes inc. la Cour écrit ceci : « l’entrepreneur est justifié de se fier à l’expertise importante d’un donneur d’ouvrage public et de présumer que les renseignements donnés quant aux conditions de sol le renseignent adéquatement ».

       

      La Cour poursuit en citant la Cour d’appel : « … lorsque le maître de l’ouvrage prend l’initiative de fournir certaines informations aux soumissionnaires, il doit le faire de façon complète puisque son geste a contribué à dissiper les doutes dans leur esprit (…) ». Ainsi, lorsque le maître de l’ouvrage fournit de l’information au soumissionnaire, cela atténue en quelque sorte l’obligation de renseignement de ce dernier qui peut légitimement présumer que les informations fournies sont véridiques et complètes.   

       

      Il est cependant nécessaire de rappeler que le soumissionnaire n’est pas à l’abri de ses propres erreurs et qu’il assume une obligation de vérification de l’étendue de son engagement ainsi que des problèmes pouvant en découler. En effet, c’est lui qui mesure ses risques de perte et ses possibilités de profits.

       

      Ce n’est que lorsque le soumissionnaire pourra prouver que sa soumission est erronée en raison d’un manque d’information ou de la transmission d’informations erronées de la part du maître de l’ouvrage qu’il pourra être dédommagé pour les pertes encourues.

       

      L’obligation du maître de l’ouvrage est de fournir de façon complète les informations dont il dispose et de faire une mise en garde des problèmes anticipés, et ce, plus particulièrement lorsqu’il s’agit d’un maître de l’ouvrage de « grands projets » détenant une importante expertise tel le MTQ.

       


      Cette chronique constitue une source d’information générale. Pour toute question plus précise sur le sujet ou pour faire part de vos commentaires, nous vous invitons à communiquer avec l’auteur de cette chronique : Me Jean-Benoit Hébert, par courriel à jbhebert@dufresnehebert.ca ou téléphone au 514 331-5010.


      Dufresne Hébert Comeau Avocats

       


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