La date de fin des travaux au certificat du professionnel est-elle contestable ?

13 septembre 2012
Par Normand D’Amour, B. Ing., LL.B.

Le certificat de fin de travaux émis par un professionnel tel un architecte constitue un outil important pour déterminer le point de départ des délais ultimes aux fins de publier l’hypothèque légale.

 

On sait en effet que pour conserver son hypothèque légale le bénéficiaire est tenu de publier, par voie d’inscription au registre foncier, un avis désignant l’immeuble grevé de l’hypothèque et indiquant le montant de la créance qu’il détient. Cette publication doit être faite avant que ne soit écoulé un délai de trente (30) jours suivant la date de fin des travaux.

 

La notion de fin des travaux est définie à l’article 2110 du Code civil du Québec. Cet article prévoit que « la fin des travaux » a lieu lorsque l’ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine. Même si le certificat de fin de travaux est un instrument utile pour les fins de tenter d’établir une date de fin des travaux, la date de fin de travaux indiquée au certificat émis par le professionnel peut être contestée dans la mesure où il est démontré que celle-ci ne correspond pas à celle que définit l’article 2110 du Code civil du Québec. C’est ce qu’illustre d’ailleurs le jugement rendu par la Cour supérieure du Québec dans l’affaire 9154-6093 Québec inc. c. Construction Érimar inc.

 

Les faits

En janvier 2007, la société 9154-6093 Québec inc. (ci après « Québec inc. ») acquiert un immeuble vacant pour les fins de le transformer en copropriété divise à vocation principalement résidentielle. Aux fins d’exécuter les travaux, Québec inc. retient notamment les services de Construction Érimar inc. (ci-après « Érimar »), spécialisée dans la réalisation de systèmes intérieurs. Les travaux confiés par Québec inc. à Érimar comportent essentiellement la construction de murs et de plafonds de placoplâtre.

 

En cours d’exécution des travaux, un litige se développe entre Québec inc. et Érimar sur la portée des travaux visés par la soumission d'Érimar et de celle du contrat qui en découle.

 

Malgré le différend qui se pointe, Érimar poursuit l’exécution des travaux et réclamera à Québec inc. le paiement de travaux qu’il considère supplémentaires. De son côté Québec inc. réclamera les crédits pour des travaux qui, selon elle, n’ont pas été réalisés. En fin de projet, soit le 19 décembre 2008, une dernière séance de négociation entre les parties se solde par un échec. Érimar procédera donc à la publication d’une hypothèque légale le 22 janvier 2009.

 

Le litige sur les travaux supplémentaires et sur les crédits réclamés de part et d’autre est éventuellement porté devant la Cour supérieure du Québec. Le différend porte non seulement sur les sommes payables de part et d’autre mais aussi sur la validité de l’hypothèque légale publiée par Érimar car Québec inc. soutient que celle‑ci a été publiée tardivement. C’est l’honorable juge Christiane Alary qui sera saisie du différend.

 

Le jugement

Après avoir examiné en détail les prétentions de part et d’autre sur les sommes réclamées, la juge en vient à la conclusion que Québec inc. doit à Érimar la somme de 212 950,03 $.  Ayant ainsi statué sur quelles sont les sommes payables et par qui, la juge se penche ensuite sur la validité de l’hypothèque légale.

 

Québec inc. situe la fin des travaux au 15 décembre 2008 et Érimar soutient pour sa part que la fin des travaux se situe après le 22 décembre 2008, si bien qu’Érimar soutient que son hypothèque légale publiée en janvier 2009, est valide.

 

Afin de disposer du différend portant sur la date de fin des travaux, la juge Alary rappelle que la fin des travaux est une question de fait. Par conséquent elle doit se livrer à une analyse de la preuve soumise lors de l’audition. En guise d’argument principal, Québec inc. fait valoir que le certificat de fin des travaux émis par l’architecte établit que la date de fin des travaux se situe au 15 décembre 2008.

 

La juge rappelle que bien qu’il s’agisse d’un indice dans l’établissement de la fin des travaux, le certificat ne fait que créer une présomption réfragable. L’entrepreneur a donc le fardeau de démontrer que les travaux prévus à l’origine n’ont pas tous été exécutés nonobstant l’émission du certificat de fin des travaux. À ce sujet, elle retient de la preuve que l’installation des solins, laquelle faisait partie des travaux à corriger et/ou compléter selon le certificat émis par l’architecte, n’était pas complétée au moment de l’émission du certificat de ce dernier.

 

Cette preuve étant faite, il revient au propriétaire de démontrer que d’une façon définitive, il n’entendait pas terminer certains travaux prévus à l’origine et de situer la date de l’abandon des travaux. La juge considère que le propriétaire n’a en l’espèce pas su la convaincre qu’il y avait effectivement eu abandon des travaux relatifs à l’installation des solins d’autant plus que ceux-ci ont une fonction importante, soit celle d’assurer l’étanchéité entre le mur et les fenêtres où ils devaient être installés.

 

La juge viendra donc à la conclusion que nonobstant l’émission du certificat de fin des travaux émis par l’architecte, il n’y avait pas encore date de fin des travaux au sens du Code civil au moment où le certificat fut émis.

 

La validité de l’hypothèque légale sera donc maintenue.

 


Pour toute question ou commentaire, n’hésitez pas à communiquer avec l’auteur de cette chronique par courriel à ndamour@millerthomsonpouliot.com ou par téléphone au 514 871-5487.

Miller Thomson avocats

 

Cette chronique est parue dans l’édition du vendredi 31 août 2012 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !