Éclairage naturel en architecture; la nécessité d'une approche multidimensionnelle

13 janvier 2010
Par François Cantin, M. Sc. Arch.

Au cours des dernières années, l’éclairage naturel a reçu une attention accrue de la part des architectes, et ce, pour diverses raisons incluant le potentiel de conservation d’énergie qu'il peut représenter ainsi que son impact positif sur le confort visuel des occupants. Quant à la documentation scientifique dans ce domaine, elle regorge d'articles soulignant l'importance de la qualité de l’éclairage, celle-ci pouvant entre autres affecter l’humeur, la motivation et la productivité des travailleurs. Autre aspect non négligeable, l’apport de lumière naturelle par le biais de fenêtres a l’avantage d’offrir une vue sur l’extérieur, ce qui est très apprécié des occupants.

 

N'étant pas en reste, LEED, la référence dans le domaine de la certification environnementale des bâtiments en Amérique du Nord, accorde un crédit en lien avec la qualité des environnements intérieurs (QEI 8.1) si 75 % des espaces régulièrement occupés d'un projet bénéficient d'un éclairage naturel horizontal d'au moins 25 pieds-bougies (environ 250 lux). Afin de démontrer que le projet satisfait cette exigence, l'équipe de concepteurs peut avoir recours à des simulations informatisées réalisées l'aide de logiciels scientifiquement validés tels que Radiance ou encore effectuer un calcul du facteur d'éclairage naturel (FEN). Ce dernier, exprimé en pourcentage, représente grosso modo le rapport entre l'éclairement extérieur et l'éclairement intérieur.
 
Les limitations de LEED en éclairage
Certes, l'obtention du crédit QEI 8.1 constitue une bonne base pour amorcer la discussion entourant la conception lumineuse. D'entrée de jeu, il importe toutefois de mentionner que ce crédit ne tient pas compte de la présence du mobilier (cloisons amovibles et tables de travail au sein des espaces à aire ouverte), et ce, malgré que celui-ci ait un impact majeur sur la pénétration de la lumière naturelle au sein d’un édifice.

 

De plus, bien qu'il permette de quantifier l'éclairage au niveau du plan de travail, le calcul FEN tel que détaillé dans la documentation LEED, tout comme le facteur lumière du jour couramment utilisé dans le domaine de l'éclairage, ne prend pas en compte la lumière non horizontale, tout aussi critique pour la perception humaine et le confort visuel. Aussi, il a été démontré que le FEN a tendance à surestimer les niveaux d'éclairement, entre autres parce qu'il ne considère pas l'obstruction extérieure (bâtiments voisins, dispositifs d'occultation externes, végétation, etc.). En fait, le calcul du FEN est dérivé de formules publiées pour la première fois au milieu des années 60 par R.G. Hopkinson, formules qui à l'origine avaient fort probablement été obtenues par suite des expérimentations basées sur une fenestration composée de verre clair simple, étant donné l'époque de leur élaboration. Ainsi, une équipe de concepteurs qui utiliserait un tel calcul pour amorcer et guider sa prise de décision pourrait aisément faire fausse route. Idéalement, le FEN ne devrait être utilisé que dans le cadre de projets présentant une géométrie relativement simple.

 

En ce qui a trait à l'approche reposant sur des simulations informatisées, LEED n'exige de simuler qu'un seul scénario, soit à midi à l'équinoxe (21 mars ou 21 septembre) sous des conditions de ciel parfaitement clair. À première vue, ne considérer qu'un seul moment constitue une négation de la grande variabilité des conditions lumineuses naturelles occasionnée par différents niveaux de couverture nuageuse et le déplacement constant du soleil. De plus, rappelons qu'au Québec, le ciel est majoritairement couvert environ 60 % du temps. Il apparaît donc avantageux, voire nécessaire de considérer plus d’un scénario, et ce, dès les prémisses de la conception.

 

Quantifier la qualité, prudence et rigueur
Tel que discuté précédemment, un projet atteignant les standards LEED sur le plan lumineux n’est pas garant d’un éclairage de qualité ni d’ambiances lumineuses spatialement intéressantes. Malheureusement, LEED amène les concepteurs à poursuivre l'approche traditionnelle en éclairage, celle qui mise en grande partie sur un seul paramètre pour l’évaluation des conditions d’éclairage, soit l’éclairement horizontal.

 

Certes, la qualité d'un éclairage se définit par la présence d’une quantité adéquate de lumière permettant à l’occupant d’accomplir ses tâches et activités, mais aussi par une distribution uniforme de la lumière au sein de l'espace, par l’absence de source d’éblouissement et par une directivité de la lumière permettant de bien découper les objets dans l’espace. Le confort visuel, en lien avec la qualité lumineuse d’un espace, est multidimensionnel, dépassant largement la notion d’éclairement horizontal au niveau du plan de travail. La clé de la réussite en éclairage pour le concepteur : ne pas hésiter à consulter des spécialistes en éclairage qui pourront encadrer et approfondir le travail d’évaluation des ambiances lumineuses. En bref, il sera alors possible de considérer la position de l'occupant dans l'espace, d’effectuer des simulations permettant d’explorer et de comprendre les conditions lumineuses présentes dans le champ de vision global de ce dernier.

 

Bien que la certification LEED ait le mérite de considérer l'éclairage naturel et d'en faire un sujet d'importance en conception architecturale, la prudence demeure de mise au moment de quantifier et surtout de qualifier un éclairage. De plus, il ne faut pas perdre de vue qu’une évaluation rigoureuse de la qualité d’un espace éclairé naturellement implique la considération d’une multitude de facteurs qui, pour leur part, comporteront toujours une partie d’objectivité et de subjectivité.


L’auteur est stagiaire en architecture chez Hudon Julien et associés ainsi que membre bénévole au sein de la section du Québec du CBDCa.

 

Conseil du bâtiment durable du Canada