Équiper les compacteurs d'un siège à suspension pour prévenir les lombalgies

16 juillet 2012
Par Michel de Smet

Les vibrocompacteurs à tambour unique sont largement utilisés au Québec, tant pour la construction des routes que pour le compactage des sols. Or, ces engins exposent les opérateurs à des niveaux de vibrations élevés représentant un facteur de risque important de développement de lombalgies. Au Québec, ces dernières sont à l'origine de 30 % des lésions indemnisées selon la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).

 

«  Avant que nous nous penchions sur le problème, il n'existait pas d'étude systématique applicable à l'environnement de travail québécois sur la nature des vibrations de ces véhicules et leur impact sur les  travailleurs qui les utilisent », explique Pierre Marcotte, chercheur en prévention des risques mécaniques et physiques à l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST). Ce dernier vient de publier une étude intitulée Évaluation de l'exposition aux vibrations globales du corps chez les opérateurs de compacteurs de sol, en collaboration avec le professeur Subhash Rakheja et un étudiant à la maîtrise, Ario Kordestani, tous deux appartenant au département de génie mécanique et industriel de l'Université Concordia.

 

Rappelons qu'un compacteur de sol à tambour unique se compose de pneus à l'arrière et d'un large tambour (rouleau) à l'avant dont la vibration assure les opérations de compactage et de pneus. Il s'agit donc d'un engin asymétrique qui, notamment par des mouvements de tangage et de roulis, soumet le corps de l'opérateur à des vibrations de grande amplitude à travers le siège du véhicule qui se réduit, dans la plupart des cas, à un simple coussin de mousse de polyuréthane.

 

Dangerosité et conditions d'utilisation

Pour les fins de la recherche, quatre véhicules représentatifs des engins généralement utilisés au Québec pour le compactage des sols ont été testés. Deux compacteurs neufs, de 10 tonnes chacun, ont subi des essais sous des conditions contrôlées sur une piste d'essai. Parallèlement, deux chantiers ont servi à mesurer le comportement des compacteurs en situation réelle de travail. Cette fois, il s'agissait d'un engin de 10 tonnes utilisé depuis sept ans, ce qui correspond à la moyenne des véhicules de ce type actuellement actifs au Québec, ainsi que d'un compacteur de 13 tonnes, utilisé depuis deux ans, représentatif d'une nouvelle génération de véhicules offrant une réduction des vibrations.

 

Ces essais ont démontré que l'intensité des vibrations des compacteurs dépendait fortement de leur utilisation. Globalement, en mode de compactage, les engins fonctionnent à faible vitesse, soit 3 kilomètres à l'heure. À ce moment, les vibrations émises sont caractérisées par une haute fréquence. À l'inverse, lorsque le compacteur circule, par exemple, d'un chantier vers un autre, il se déplace à une vitesse variant de 10 à 12 km/h et l'interaction pneus-sol et rouleau-sol produit des vibrations à basse fréquence.

 

« Il a été médicalement démontré que les individus soumis intensivement à des vibrations à basse fréquence sont particulièrement susceptibles de connaître des lésions lombaires. Il s'ensuit que les risques encourus sont plus élevés lorsque le véhicule se déplace que lorsqu'il se trouve en mode compactage », indique Pierre Marcotte.

 

De plus, les tests ont démontré que le véhicule de 13 tonnes, le seul à être équipé d'un siège à suspension, produisait des vibrations verticales de la cabine quatre fois moins élevées pour l'opérateur que les véhicules standard de 10 tonnes.

 

En conclusion, le chercheur conseille aux entrepreneurs d'équiper leurs vibrocompacteurs d'un siège à suspension en remplacement d'un simple coussin de mousse. Selon lui, le fait que la multinationale Dynapac, fabricante de la moitié des compacteurs à monocylindre en service au Québec, ait collaboré à l'étude en prêtant gracieusement sa piste d'essai au Texas laisse espérer que les nouvelles générations de compacteurs seront systématiquement équipées de sièges à suspension ajustables au poids des opérateurs.

 


Cet article est paru dans l’édition du mardi 10 juillet 2012 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !