Les femmes veulent leur place dans l'industrie de la construction

5 novembre 2012
Par Marie Gagnon

Dans un rapport rendu public le 29 octobre 2012, le Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT) exige de la part des autorités compétentes la mise en œuvre de mesures concrètes et contraignantes afin de favoriser l’intégration et le maintien en emploi des femmes dans l’industrie de la construction.

 

Intitulé Quand la détermination ne suffit pas : la situation des travailleuses de la construction au Québec, ce rapport dénonce la discrimination systémique et le harcèlement psychologique et sexuel dont plusieurs femmes feraient l’objet sur les chantiers, et déplore l’absence de recours pour celles qui en sont victimes.

 

« Chacun doit prendre ses responsabilités, a déclaré en conférence de presse Jennifer Beeman, rédactrice du rapport déposé par le CIAFT et coordonnatrice, équité en emploi, pour l’organisme. Les travailleuses ne peuvent et ne doivent plus porter seules le fardeau de leur intégration. »

 

Fruit de trois années de travail sur la délicate question de la place réservée – voire refusée – aux femmes dans les métiers et occupations de la construction, cette enquête relate les expériences de 35 travailleuses au sein de l’industrie et lève le voile sur les problèmes auxquels elles font face.

 

Un secteur hostile

La majorité des travailleuses rencontrées rapportent les mêmes difficultés quant à leur intégration et à leur maintien en emploi. Elles disent notamment se buter à des préjugés tenaces de la part des employeurs, mais également trop souvent à une fermeture des syndicats à leur endroit. Les barrières sont à ce point difficiles à franchir que certaines travailleuses finissent par quitter l’industrie pour se former dans un autre métier.

 

Sylvie Déraspe, opératrice de pelle mécanique, mentor et chargée de projet pour le CIAFT, a collaboré à la recherche et l’analyse des données. Lors de la conférence de presse, elle a témoigné aux côtés de Karyne Prégent, charpentière-menuisière qui a rapporté les propos suivants : « Je suis allée porter mon CV à un employeur, c’est à peine s’il y a jeté un œil. Il est sorti du bureau de chantier sans dire un mot. Arrivé devant un groupe de travailleurs, il a déchiré mon CV sous mes yeux, me lançant un c’est beau, chérie, je t’appelle. »

 

Électricienne pendant une douzaine d’années, Valérie Bell est aujourd’hui conseillère en prévention à l’ASP Construction. « J’étais fatiguée de me frapper à un mur, dit-elle. Non seulement on est victime de discrimination à l’embauche et de harcèlement sur les chantiers, mais on est la plupart du temps les dernières engagées et les premières à être mises à pied lorsque le travail commence à manquer. Difficile de cumuler des heures dans ces conditions. »

 

Des recommandations

Même si une minorité de travailleuses (9/35) disent avoir vécu de bonnes expériences professionnelles, force est de constater que la situation s’est dégradée au fil des ans pour les femmes. C’est pourquoi le CIAFT réclame à l’endroit du gouvernement, de la Commission de la construction du Québec (CCQ), des employeurs et des syndicats, l’adoption de mesures structurantes et permanentes afin de corriger la situation.

 

Celles-ci prendraient d’abord la forme d’une structure de soutien indépendante en cas de harcèlement pour les travailleuses et un programme obligatoire de sensibilisation et de prévention du harcèlement destiné aux travailleuses et travailleurs, aux employeurs et aux syndicats.

 

Le CIAFT recommande de plus d’instaurer l’obligation contractuelle pour l’embauche de cohortes de travailleuses de la construction afin d’assurer un minimum de 4 % de travailleuses sur les chantiers de projets publics. Il suggère en outre l’application de pénalités en cas de non-respect de cette condition.

 

Enfin, l’organisme exige une structure permanente de formation, de placement et de suivi destinée aux femmes. « Il faut agir de façon concrète et contraignantes, car l’industrie n’a pas les moyens de se priver de sa main-d’œuvre féminine », a conclu Jennifer Beeman.

 

On peut consulter le rapport au www.ciaft.qc.ca.

 


Cet article est paru dans l’édition du jeudi 1er novembre 2012 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !