11 janvier 2016
Par Marie Gagnon

L’intégration d’un bâtiment patrimonial à une nouvelle construction n’est jamais une mince affaire. La conception du futur Centre de données de Montréal en témoigne.

Concevoir un édifice en milieu urbain est une chose. L'incorporer à un bâtiment existant en est une autre. Un tel amalgame suppose en effet plusieurs défis sur le plan architectural. D’abord, parce que le design doit prendre en compte le cadre bâti et la trame urbaine. Ensuite, parce qu’il doit s’appuyer sur une expression structurale qui facilitera la cohérence et l’harmonie volumétriques entre l’ancien et le nouveau.

 

Ce noeud gordien, les architectes de Lemay l’ont tranché avec succès lorsqu’ils ont conçu le futur Centre de données de Montréal. Réalisé en partenariat avec le Fonds immobilier de solidarité FTQ et le groupe torontois Urbacon, le projet de 70 millions de dollars comporte la construction d’un édifice de 10 étages de 24 230 mètres carrés intégrant un bâtiment patrimonial de quatre étages et haut de 16 mètres. Le tout dans une perspective durable.

 

Dès le départ, plusieurs embûches se dressent devant les concepteurs. Au premier chef, l’emplacement et l’exiguïté du site. Localisé aux limites de Griffintown, à un jet de pierre du Quartier des affaires, le terrain de 3 295 mètres carrés a une forme biscornue et est enclavé entre les rues Montfort, Saint-Jacques et de l’Inspecteur. Loin de les effarer, cette condition initiale a stimulé leur créativité.

 

Établir l’harmonie

« Comme le site a un peu la forme d’un croissant, on a donné au bâtiment une forme de « L », note l’architecte Jean-François Gagnon. Pour établir une harmonie et une hiérarchie entre les proportions des deux édifices, on a aussi joué avec les profondeurs en créant des retraits du côté de la rue de l’Inspecteur, mais aussi du côté de Montfort, où on a ajouté un appentis pour la mécanique. Ces lignes rappellent les bandes de béton verticales et horizontales qui quadrillent la brique de l’ancien bâtiment, et qui en composent l’exosquelette. »

 

Il ajoute qu’environ 50 % de la maçonnerie sera retirée et remplacée par des fenêtres. Le reste sera conservé et rejointoyé, mais l’enveloppe du bâtiment construit en 1901 ne sera pas réhabilitée. Comme un étage sera entièrement occupé par des serveurs hautement calorifères, les concepteurs ont en effet misé sur la récupération de chaleur et le contrôle de l’humidité à l’intérieur des locaux, plutôt que d’ajouter de l’isolation. Cette entorse à la réglementation a toutefois nécessité l’obtention d’une dérogation.

 

« On a appliqué la même logique à la conception de la nouvelle construction, souligne pour sa part son collègue, Dominique Dubuc. Pour maintenir un confort intérieur idéal, on a aussi choisi un système de climatisation très performant avec échange air-air au moyen d’une roue thermique. Chaque unité comprend quatre compresseurs qui fonctionnent en séquence, selon la charge requise. Par exemple, dès que la température extérieure descend sous 15 degrés Celsius, les compresseurs cessent de fonctionner. L’hiver, les frais de climatisation sont donc très faibles. »

 

Communier avec le milieu

Pour des raisons de sécurité, les architectes de Lemay ont conçu un immeuble aux murs presque entièrement opaques. Par exemple, le pourcentage d’ouvertures sur la façade ouest de l’édifice sera limité à 7,6 % aux étages. Cette contrainte a été contournée en composant un parement en communion avec son milieu et son usage. C’est pourquoi les premiers niveaux sont revêtus de panneaux de béton préfabriqué clair, dont l’effet monolithique est toutefois atténué par un relief. Au-dessus, des panneaux en béton de fibre de verre anthracite succèdent de façon aléatoire à des panneaux de verre opacifié de même couleur, tout comme les immenses persiennes qui font office de grilles de ventilation.

 

Les cages d’escalier, placées à chaque extrémité du bâtiment, font toutefois exception à la règle. Elles seront entièrement vitrées. En créant ainsi deux écrins de verre clair, les concepteurs ont voulu marquer d’un signal fort la présence du centre de données dans son milieu. Dans le même esprit et dans le but de créer un dialogue constant avec les passants, ils ont fait alterner le verre clair et le verre tympan au rez-de-chaussée du bâtiment patrimonial.

 

Ces conditions particulières, si elles ont dirigé la conception, ont également nécessité des précautions quant à leur mise en oeuvre. « L’ajout d’un étage avec mezzanine pour abriter la mécanique de la structure existante a demandé des investigations sur la capacité portante et l’état de la charpente, précise la directrice du projet chez Lemay, Mélanie Veilleux

 

« Pour la mise aux normes sismiques, il faut renforcer les colonnes et les planchers et installer un support latéral rigide en lien avec le nouveau bâtiment pour reprendre les efforts sismiques de l’existant. Le projet est complexe, mais il s’inscrit bien dans son contexte urbain. »

 

ÉQUIPE DE PROJET
  • Donneur d'ouvrage : Urbacon et Fonds immobilier de solidarité FTQ
  • Architecture : Lemay
  • Génie mécanique/électrique : DND Consultants
  • Génie structural : Elema Experts-conseils
  • Génie civil : Roche
  • Acoustique : Vinacoustik
  • Construction : Urbacon QMD

 


Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2015. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !