Innover pour accélérer la cadence au chantier

11 juillet 2016
Par Marie Gagnon

La dérivation du collecteur Haut-Saint-Pierre, dans le cadre du projet Turcot, met en scène une solution rapide, efficace et novatrice : la conduite de polyester renforcé de fibres de verre (PRV).

Certains chantiers d’infrastructures sont parfois assortis de délais serrés. Très serrés, même. C’est le cas notamment des travaux préparatoires commandés par le ministère des Transports du Québec (MTQ) dans le cadre du projet de l’échangeur Turcot. Le MTQ doit en effet orchestrer la dérivation du collecteur Haut-Saint-Pierre afin d’éviter qu’il ne soit abîmé lors de la reconstruction du pont Saint-Jacques, un des chantiers phares du projet Turcot. Mais il faut faire vite pour ne pas retarder l’ensemble du projet, d’autant plus que les travaux ne peuvent être effectués qu’en hiver, lorsque le risque de pluie est quasi nul.

 

« Dans son appel d’offres, le MTQ laissait aux soumissionnaires le choix entre deux solutions, soit une conduite conventionnelle en béton ou une conduite de polyester renforcé de fibres de verre, rapporte Denis Boucher, le vice-président Opérations de L.A. Hébert, l’entreprise qui a remporté, en 2015, le marché de 16 millions de dollars pour la dérivation et la reconstruction de la section est de l’ouvrage. On n’avait jamais travaillé avec des tubes de PRV. On a donc étudié la solution en comité et on a finalement opté pour le PRV en raison de son rapport coût-bénéfices plus avantageux. »

 

Technologie éprouvée

Les tuyaux de PRV existent depuis plus d’une cinquantaine d’années et leur popularité ne se dément pas, signale Philippe Fischer, le vice-président Développement et stratégie pour le Canada du groupe autrichien Hobas, qui a fourni les conduites nécessaires aux travaux de dérivation. « On est présent aux États-Unis depuis plusieurs années, dit-il. Mais pour des raisons économiques, géographiques et linguistiques, on n’avait jamais déployé notre technologie au Québec avant 2013. »

 

Il ajoute que Montréal, la Ville de Québec et même Hydro- Québec ont testé la technologie Hobas dans le cadre de projets-pilotes qui leur ont permis de mesurer l’éventail de possibilités offertes par les tubes de PRV. « Nos produits sont en phase avec les activités qui ont cours au Québec, dit-il. On offre entre autres des solutions pour les infrastructures publiques, pour l’industrie, comme les mines et les pâtes et papiers, et pour le secteur de l’hydro-électricité. »

 

Des propriétés avantageuses

Combinant la résine de polyester, la fibre de verre et des matériaux de renforcement de type agrégats, les tubes de PRV sont fabriqués par centrifugation. Lors du processus, un bras d’alimentation introduit en continu, dans un moule en rotation long de 6 mètres, les trois ingrédients de base qui formeront, couche par couche, le produit fini selon les exigences du client – propriétés, rigidité et classe de pression. La forte pression exercée durant la centrifugation, jusqu’à 75 G (constante gravitationnelle), assure la compacité optimale du tube.

 

« Les tuyaux de PRV présentent des propriétés très avantageuses, à commencer par une durée de vie de plus de 100 ans, ce qui est de loin supérieur au béton et à l’acier, souligne Philippe Fischer. Ils sont aussi très résistants à la corrosion et offrent une résistance accrue à l’abrasion, entre autres aux sels de déglaçage présents dans les égouts pluviaux. De plus, la paroi intérieure très lisse des tubes, qui réduit les frottements, leur confère une performance hydraulique supérieure. »

 

Les produits sont aussi très légers, ce qui facilite d’autant leur mise en oeuvre, et leur faible épaisseur réduit l’emprise au sol de 30 à 40 % lors de travaux en tranchée. Du coup, ils sont aussi plus faciles à manutentionner. Un plus lorsqu’on considère le diamètre du collecteur Haut-Saint-Pierre, qui fait 3,2 mètres.

 

Les coûts d’acquisition des conduites de PRV, bien qu’ils soient plus élevés que ceux des tuyaux de béton, sont toutefois largement compensés par la rapidité d’exécution au chantier. « L’installation s’est faite très rapidement, précise Denis Boucher. Il a suffi d’excaver, de construire le radier et de mettre en place les tuyaux. Les tests de charge ont par ailleurs démontré la très grande étanchéité des raccords. »

 

Même chose en ce qui concerne les délais de livraison. Contrairement au béton, dont la cure nécessite près d’un mois, la technologie Hobas permet d’avoir à sa disposition des conduites très rapidement. « Dans le projet Turcot, où il y avait près de 800 mètres de conduites à dériver, les tubes de PRV ont été fabriqués en trois semaines et livrés quatre semaines après leur commande, indique Philippe Fischer. Dans les grands projets, cela permet de mieux gérer des plannings très serrés. »

 

UN ACCÈS FACILITÉ AU PRV

Le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) procède actuellement à la révision de la norme BNQ 1809-300 afin d’y inclure de nouveaux produits. Ce devis normalisé est la référence ultime dans le domaine des infrastructures municipales au Québec, tant sur le plan de la réalisation au chantier que sur le plan de la conception. Il spécifie les clauses techniques générales qui régissent la construction de conduites d’eau potable et de conduites d’égout au Québec, notamment en ce qui a trait à la fourniture des matériaux.

 

« Dans la version actuelle de la norme, les références au PRV sont très faibles, note Philippe Fisher. Dans sa prochaine édition, qui est attendue en 2017, les tubes de PRV seront détaillés comme les autres produits. Les donneurs d’ouvrage auront alors en main toute l’information nécessaire pour rédiger leurs appels d’offres. »