L’industrie de la construction en action face au vieillissement

6 février 2012
Par Luc-Étienne Rouillard-Lafond

Vieillissement - Industrie de la construction (2/2)

 

L'industrie de la construction québécoise n'échappe pas au vieillissement de la population qui marque l'évolution démographique de la province. Plusieurs changements dans la formation et la gestion de la main-d'œuvre sont donc envisagés pour y faire face. Que ce soit par rapport au recrutement ou à la transmission des connaissances, l’industrie s'organise.

 

Afin d'assurer la productivité des prochaines générations de travailleurs, l'industrie doit assurer une transmission adéquate des connaissances entre les travailleurs âgés et leurs nouveaux collègues. « Les entrepreneurs sentent que, avec le grand volume de travaux qu'il y a actuellement et qui devrait perdurer, ça va devenir un problème, explique Louis Delagrave, directeur de la division recherche et organisation de la Commission de la construction du Québec. Il faut qu'ils s'assurent que les connaissances sont transmises à leurs plus jeunes. »

 

Cette fonction a jusqu'à maintenant été assurée majoritairement par les centres de formation professionnelle, dont la réforme a fait passer de 2 000 finissants il y a 10 ans à 6 000 aujourd'hui. Louis Delagrave croit que du travail reste à faire : «  Quand on finit l'école professionnelle, il y a de beaux systèmes et on est capable d'ajuster l'offre de main-d'œuvre. Sauf que ce qui manque en ce moment, c'est l'apprentissage en chantier. »

 

Une réforme du régime d'apprentissage

Pour remédier au problème, la CCQ a présenté en décembre 2010 un projet de réforme du Régime d'apprentissage et de gestion de la main-d'œuvre de l'industrie de la construction. Cette réforme permettrait d'encourager la transmission des connaissances entre les compagnons et les apprentis, par le biais de proposition précises. « Notamment il est prévu, pour les compagnons, qu'on leur offre un cours pour qu'ils puissent transmettre leurs compétences », précise Louis Delagrave.

 

On prévoit également mieux encadrer les apprentis, par exemple avec un carnet d'apprentissage expliquant les différentes tâches. « Il y a pas mal d'échecs aux examens quand vient le temps de se qualifier comme compagnon et on veut s'assurer qu'ils passent l'examen dès la première fois, poursuit-il. Ça ferait une offre de compagnons plus rapide. »

 

Les ratios apprentis-compagnons sont par ailleurs aussi visés par la réforme. Traditionnellement d'environ cinq compagnons pour un apprenti, ce ratio est désormais difficile à respecter pour les entrepreneurs. Avec l'aval des syndicats et des entrepreneurs, on prévoit donc amender le Règlement sur la formation professionnelle de la main- d’œuvre de l’industrie de la construction. « Ce sera dorénavant des ratios de 2 pour 1 qui devraient être en vigueur, d'ici un ou deux ans, avance l’expert de la CCQ. Il y a déjà eu une constatation qu'il faut faire de la place aux apprentis. »

 

Recruter dans de nouveaux bassins démographiques

L'autre solution qui s'offre à l'industrie de la construction pour assurer un recrutement adéquat se trouve au sein de deux groupes démographiques peu représentés sur les chantiers, les femmes et les immigrants.

 

« Les femmes, c'est la moitié de la population mais c'est seulement 1 % de notre main-d'œuvre, explique Louis Delagrave. Déjà, il y a des mesures particulières pour les femmes, par exemple l'obtention de certificats de compétence plus facilement. Cette année, on devrait relancer un programme pour attirer davantage de femmes. »

 

La CCQ constate cependant que, si un nombre de plus en plus élevé de femmes intègre le milieu de la construction, la moitié d'entre elles quittent généralement au cours des cinq années suivantes. « Il y a un problème de rétention. Ce n'est pas facile d'être une femme en construction, soutient-il. Personne ne prétend qu'il y a discrimination, mais les femmes sont quand même minoritaires, dans un milieu d'hommes. »

 

La construction est par ailleurs un milieu qui a peu intégré les citoyens issus de l'immigration à ses activités. « Dans la construction québécoise, la population immigrante forme 6,3 % de notre main-d'œuvre alors qu'au Québec il y a 12,1 % d'immigrants », expose Louis Delagrave. La solution pour rejoindre les nouveaux arrivants passe selon lui par l'encadrement. « Le système québécois est assez complexe et c'est difficile de comprendre tout ça. Je pense qu'il faut adapter notre système pour mieux s'adresser à ces gens, qui sont un peu perdus face à la réglementation québécoise », ajoute-t-il.

 

Un changement de culture nécessaire

Que ce soit par rapport aux relations intergénérationnelles ou à l'ouverture aux femmes et aux immigrants, un changement de culture semble donc s'imposer dans l'industrie de la construction. Selon Louis Delagrave, « il faut vraiment s'ouvrir aux immigrants et aux femmes. Ce sont nos deux solutions pour assurer le renouvellement de la main-d'œuvre dans le contexte du vieillissement. » 

 


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Un Québec grisonnant (Portrait de la situation 1/1)

 

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