Des outils pour mieux encadrer les marchés publics

18 novembre 2015
Marie Gagnon

Les marchés publics gouvernementaux constituent des enjeux essentiels pour l’économie et de formidables occasions d’affaires pour les décideurs de l’industrie de la construction. 

En effet, à lui seul, le gouvernement du Canada dépense en moyenne chaque année près de 14 milliards $  en achats de biens et services de toute sorte. Au Québec, c’est un budget annuel moyen d’environ 9 milliards qui a été consacré à l’approvisionnement au cours des cinq dernières années.

 

Mais pour faire affaire avec un organisme public, il faut montrer patte blanche. Dans un souci de transparence, les différents paliers de gouvernement se sont en effet dotés d’outils législatifs et réglementaires pour mieux encadrer les marchés publics. Et ceux-ci évoluent comme l’ont souligné les avocats Luc Lissoir et Phuong Ngo, à l’occasion d’un séminaire présenté par le cabinet Gowlings le 22 septembre dernier.

 

Au Québec, les contrats de services, d’approvisionnement ou de travaux de construction d’une valeur égale ou supérieure à 100 000 $, sont soumis à la procédure d’appel d’offres public en vertu de la Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP). Cette loi s’applique aux marchés publics comme aux partenariats public-privé et vise les ministères, les organismes institutionnels et les sociétés d’État, à l’exception des villes, où les contrats sont régis par la Loi sur les cités et villes.

 

« On se souvient qu’en décembre 2012, la Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics est venue renforcer les règles entourant les contrats de construction, a rappelé Phuong Ngo. Cette loi modifie la LCOP en obligeant désormais les entreprises à détenir une autorisation de l’AMF pour tout contrat ou sous-contrat de construction d’une valeur de 5 millions $ ou plus. À compter du 2 novembre prochain, ce seuil sera abaissé à 1 million pour les contrats et sous-contrats de services. »

 

La loi sur l’intégrité élargit également le champ d’application de la LCOP de façon à ce que certaines entités de l’État soient désormais incluses dans la notion d’organismes publics. C’est le cas de la Ville de Montréal où, pour soumissionner tout contrat de travaux municipaux de 100 000 $ ou plus, les entreprises doivent détenir une autorisation de l’AMF. Même chose pour les sous-contrats rattachés à ces travaux, dont le seuil est fixé à 25 000 $.

 

Encore plus récente, l’adoption en mars dernier de la Loi visant principalement la récupération de sommes payées injustement à la suite de fraudes ou de manœuvres dolosives dans le cadre de contrats publics, introduit des mesures exceptionnelles pour permettre aux organismes publics, y compris les municipalités, de récupérer des montants qu’ils auraient payés en trop en raison d’infractions commises dans le cadre de l’adjudication, de l’attribution ou de la gestion de contrats publics.

 

« Cette annonce n’a pas fait grand bruit et plusieurs dispositions de la loi n’ont pas encore pris effet, a commenté Luc Lissoir. Son premier volet accorde cependant un délai de 12 mois aux entreprises qui voudraient régulariser leur situation et rembourser leurs gains frauduleux sur une base volontaire. On peut ainsi éviter des recours en dommages. Par contre, s’il y a poursuite, le fardeau de la preuve est inversé. »

 

Au fédéral

Pour assurer l’équité de son processus d’approvisionnement, le gouvernement fédéral s’est aussi doté d’un régime d’intégrité. Administré par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), ce régime s’appuie essentiellement sur la Politique d’inadmissibilité et de suspension, qui répertorie une liste d’infractions constituant autant de motifs d’inadmissibilité, comme la corruption, la collusion et le truquage d’offres.

 

« Le fournisseur doit produire un certificat démontrant que ses gestionnaires et lui n’ont pas été reconnus coupables de l’une ou l’autre de ces infractions au cours des trois années précédentes, a signalé Mme Ngo. Cette obligation concerne également les sous-traitants. Le cas échéant, il sera déclaré inadmissible pour une période de 10 ans. Il peut toutefois faire appel de cette décision. »

 

Le 3 juillet dernier, deux changements importants ont été introduits dans la Politique. D’abord, la période d’inadmissibilité, qui peut être réduite à cinq ans, entre autres si le fournisseur fait preuve de bonne volonté. Ensuite, l’obligation pour le fournisseur de recourir à un tiers indépendant pour vérifier l’application d’une éventuelle entente administrative ou évaluer son implication dans les actions d’un affilié reconnu coupable.

 


Cet article est paru dans l’édition du mardi 20 octobre 2015 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !