Portrait : Hélène Brisebois, une ingénieure passionnée !

15 décembre 2011
Par Marianne Roberge

Hélène Brisebois semblait destinée au bâtiment. « J’ai toujours adoré construire ! J’ai toujours construit des maisons, même dans mes jeux d’enfant. C’était en moi », affirme celle qui est maintenant ingénieure, DSA et présidente de la firme SDK et associés. Depuis janvier 2007, Hélène Brisebois est effectivement la seule femme présidente d’une firme d’ingénieurs-conseils au Québec. Plus récemment, elle a aussi reçu un prix Hommage de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ). Portail Constructo a souhaité s’entretenir avec elle afin de dresser son portrait, celui d’une femme qui a su percer avec brio une industrie encore majoritairement masculine.

 
 

Un parcours en ligne droite

 

Entourée d’ingénieurs dans sa famille, la jeune Hélène Brisebois connait bien le milieu. Elle possède, de plus, de fortes habiletés en mathématiques et en sciences. Combinés avec sa passion du bâtiment, c’est donc tout naturellement qu’elle se dirige vers la profession.

 

En 1987, son diplôme de génie civil (option Structures) de l’école Polytechnique en poche, Hélène Brisebois tient à commencer sa carrière sur le terrain. Après quelques emplois d’été dans le secteur du génie civil, elle obtient un stage de six mois en surveillance de chantier, à Manic-5, où elle fait ses premières armes comme ingénieure.

 

Tout en cumulant les connaissances sur ce chantier d’envergure, elle a déjà une idée bien précise de la carrière à laquelle elle aspire : « Ce que je voulais faire depuis le début de mes études, c’était du génie-conseil, faire des calculs de structure, concevoir des plans et devis. »

 

Dès son retour de Manic-5, elle se met donc à la recherche d’une firme de génie-conseil et s’arrête sur Saïa Deslauriers (qui deviendra plus tard SDK et associés). Déterminée, elle prend les devants malgré son peu d’expérience : « Je les ai convaincus qu’ils avaient besoin de moi. »

 

Son assurance porte fruits ; elle devient alors la quatrième ingénieure de l’équipe qui, à l’époque, est une petite boîte d’une douzaine d’employés (deux associés et trois ingénieurs).

 

Un marché en effervescence

 

« C’était une période effervescente en 1987. Il y avait beaucoup d’emplois en ingénierie. » Dans un tel contexte, les grands projets se multiplient. À l’époque, la firme s’occupe de projets d’ampleur comme le siège social d’Air Canada, à Dorval, et le Centre des opérations de l’Est du Canada de la Banque du Canada, à l’Île-des-Sœurs. Les occasions de faire ses preuves ne manquent donc pas pour Hélène Brisebois. Rapidement, on lui confie d’importants mandats, dont le travail de conception sur ces deux grands projets et sur plusieurs autres. « J’étais très jeune et j’ai pris beaucoup de choses assez complexes. »

 

Deux ans seulement après son arrivée chez Saïa Deslauriers, on lui offre de devenir actionnaire. « Je me voyais associée dans un bureau et je sentais que je manquais d’outils au niveau de la gestion. » En parallèle à cette carrière qu’elle mène de front, elle entreprend alors des études supérieures aux HEC. Elle mariera études, famille et travail plusieurs années, jusqu’à ce que la firme amorce le projet de l’OACI, qui deviendra plus tard le premier édifice au Québec à obtenir la certification LEED-EB.

 

En 1996, elle devient associée principale de la firme tout en agissant à titre de chargée de projets, puis, elle endosse la présidence de l’entreprise en 2007, succédant alors au président partant à la retraite. « Je n’avais pas nécessairement cette aspiration-là. » Pourtant, Hélène Brisebois prend déjà en charge une bonne part des responsabilités administratives à cette époque et c’est tout naturellement que ses collègues reconnaissent en elle les qualités requises pour un tel poste.

 

Aujourd’hui, avec plus d’une cinquantaine d’employés, dont 25 ingénieurs, la firme a grandi. Avec une moyenne de 600 projets par année, SDK et associés, une équipe tissée serrée dont tous les membres sont là depuis 15 à 20 ans, est loin de s’ennuyer !

 

Au-delà du travail

 

Ce n’est pas sans raison que l’OIQ lui décerne, au printemps 2011, un prix Hommage. Ambassadrice de son industrie et très impliquée dans le rayonnement d’une profession qui lui tient à cœur, c’est pourtant avec surprise qu’Hélène Brisebois reçoit le prix Hommage à un membre entrepreneur. « Mais en même temps, je me suis dit : ça veut dire que j’ai fait un bon travail. Ce sont mes pairs qui me récompensent. »

 

Reconnue pour ses réalisations et son engagement, c’est loin d’être sa place de femme dans l’industrie qu’elle doit défendre. Après plus de 20 ans à œuvrer comme ingénieure, c’est toute son industrie qu’elle soutient activement, notamment comme membre au conseil d’administration de l’Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ) et au comité de développement de la Fondation de Polytechnique. « J’essaie de rendre un peu de ce qui m’a été donné. »

 

Dans une industrie majoritairement multidisciplinaire, où les fusions et les acquisitions se multiplient, Hélène Brisebois tient particulièrement à s’engager pour donner une voix aux petites firmes de génie-conseil comme la sienne. « On apporte une expertise assez poussée puisqu’on est une masse critique d’ingénieurs qui ne font qu’une seule et même spécialité. On apporte un niveau d’excellence qu’il ne faut pas perdre ou diluer. »

 

Avec ses 10 associés, SDK et associés représente bien les particularités des petites firmes qu’Hélène Brisebois tient à mettre de l’avant : « Chez nous, chaque client (…) va avoir un lien privilégié avec un patron de notre entreprise. Il y a quelque chose de plus qui ressort de ça. Moi je crois à ça encore ! » Au-delà de l’expertise, le contact humain primerait donc.

 

Elle croit toutefois qu’il y a de la place pour chacun, les petites firmes spécialisées comme les grandes firmes multidisciplinaires. De son point de vue, elles répondent simplement à des besoins différents et ont une approche différente.

 

Des hommes et une femme

 

Être femme dans une industrie majoritairement masculine ? C’est un sujet qu’Hélène Brisebois aborde avec une bonne dose d’humour. « On est encore à l’étape où c’est une curiosité. On l’assume ! » De sa propre expérience, ça n’a pas teinté son parcours de façon très particulière. « Les gars sont plus ouverts qu’on a tendance à le penser. En général, les femmes sont assez bien acceptées. »

 

Consciente que la réalité est différente pour chacune, Hélène Brisebois soumet l’idée que c’est peut-être aussi une question de personnalité, de tempérament. Ainsi, dans son cheminement de carrière, cette femme confiante, décidée, fonceuse mais à l’écoute des gens, n’a pas fait d’une caractéristique individuelle un détail à souligner, pour les autres comme pour elle. Une attitude que l’industrie semble bien lui rendre.

 

C’est que pour cette femme passionnée par son métier, il n’y a là rien d’exceptionnel. Pour elle, l’industrie mérite simplement d’attirer les compétences des candidats les plus prometteurs, quel que soit leur sexe. Ce qui ne fait pas pour autant du parcours féminin un sentier évident pour toutes et pour tous.

 

Reconnaissant que les travailleuses sont bel et bien une minorité à œuvrer en construction, Hélène Brisebois soumet l’hypothèse que c’est « probablement un petit peu plus facile pour les professionnelles ».

 

La construction au féminin, d’hier à aujourd’hui

 

Durant les études d’Hélène Brisebois, il y avait beaucoup de filles ingénieures sur les bancs d’école. Par contre, il y avait peu de femmes dans l’industrie de la construction en général. « C’était assez marginal. À Manic, j’étais la seule ingénieure ! Il y avait 600 gars pour 30 filles et sur les 30 filles, je pense qu’il y avait trois professionnelles. »

 

En racontant son parcours, elle soulève aussi certains défis auxquels devaient faire face les femmes. « Ça prenait de l’humour ! Il fallait désamorcer les petites blagues plates. » De plus, à ses débuts, c’était commun d’amorcer les réunions de travail vers 16 h. « J’avais de jeunes enfants et je trouvais ça assez difficile, mais je n’en parlais pas, je ne disais rien », explique-t-elle sans amertume aucune, précisant simplement que « les préoccupations étaient différentes à l’époque ».

 

Mais les temps ont changé. Dans son milieu professionnel, Hélène Brisebois entend fréquemment des jeunes hommes refuser des réunions de fin de journée parce qu’ils doivent aller chercher leurs enfants à la garderie. Ces changements, portés maintenant par toute la nouvelle génération, « vont probablement permettre à beaucoup de femmes d’entrer dans l’industrie et d’y rester ».

 

Aujourd’hui, qu’elle soit sur un chantier ou en réunion de travail, Hélène Brisebois ne ressent aucune différence ou difficulté particulière, même lorsqu’elle est la seule femme sur place. De même, les jeunes professionnelles doivent, comme tous leurs collègues, « prouver leurs compétences, démontrer leur caractère ». C’est certainement chose acquise pour cette ingénieure expérimentée, qui lance d’une voix souriante : « Quand on arrive sur un chantier, les gars ne se retournent plus. On devient un gars parmi la gang. »

 

Pour Hélène Brisebois, être une femme dans un milieu d’hommes offre même certains avantages. « Ça me démarque des autres. Ça me permet de rayonner un petit peu plus puisque je suis la seule femme présidente d’une firme d’ingénieurs au Québec, ce qui provoque une certaine curiosité. »

 

Autre avantage constaté par l’ingénieure : une sorte de solidarité féminine. Que ce soit avec les femmes travaillant chez les entrepreneurs généraux, les femmes architectes ou les collègues ingénieures qu’elle côtoie, Hélène Brisebois ressent « une bonne connexion entre les femmes de l’industrie ». Plutôt que la compétition, c’est l’entraide qui prime entre elles, contrairement à certains milieux féminins, remarque-t-elle.

 

Et demain ?

 

Hélène Brisebois entrevoit très positivement l’avenir des femmes dans l’industrie, surtout du côté des professionnelles. « En plus, la vie est un peu plus simple maintenant. » Toutefois, bien que l’évolution se poursuive, elle lui semble moins marquée dans les entreprises privées. « Je vois beaucoup de femmes ingénieures et architectes, dans le génie-conseil et l’architecture notamment, qui après un certain temps se redirigent vers la fonction publique ou les entreprises leur facilitant la vie. Il faut vraiment que l’industrie s’adapte à ces réalités, comme toutes les autres industries d’ailleurs. »

 

Bien que moins familière avec la réalité des travailleuses, Hélène Brisebois pressent également de belles possibilités pour elles : « Dans les métiers, il y a des opportunités de carrière très intéressantes, avec une rémunération souvent meilleure que dans les métiers typiquement féminins. »

 

L’amour de la profession

 

Hélène Brisebois adore son métier ! Ce qui la rend fière ? D’abord, il y a son équipe : « C’est un des grands bonheurs de mon travail ! » C’est d’ailleurs avec une sensibilité particulière et un intérêt profond pour les gens que cette leader née sélectionne ses employés et collaborateurs. « Peut-être est-ce un côté féminin de moi qui ressort », remarque-t-elle, précisant du même coup qu’elle tient toujours à emmener les gens avec elle, à les rallier autour d’objectifs communs.

 

Puis, il y a les projets. Qu’ils soient complexes, qu’ils posent des défis particuliers, ils n’en sont que plus stimulants. Parmi les réalisations dont elle est le plus fière, Hélène Brisebois nomme spontanément le pavillon de musique de l’Université McGill (École de musique Schulich) où sont aménagés des studios d’enregistrement, des salles de concert, une bibliothèque et des locaux de pratiques. « Il y a une salle au sous-sol qui est extraordinaire ! C’est un endroit pour enregistrer un orchestre symphonique avec cœur. C’est immense ! Au niveau de la structure, c’était tout un défi : il fallait isoler cette salle de la circulation, des vibrations et du bruit de la ville. C’est une réalisation que les gens ne voient pas mais qui me tient particulièrement à cœur. »

 

À titre de chargée de projet, elle compte aussi le pavillon de recherche sur le cancer de l’Université McGill et la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, à Saint-Hyacinthe, dans la liste des projets marquants qu’elle a réalisés.

 

Hélène Brisebois lance enfin un appel au plaisir à celles et ceux se dirigeant vers le génie puisqu’à son avis, l’amour et l’intérêt qu’on a pour son métier est à la base de la réussite. « La construction, c’est un beau métier ! On réalise des choses et ces réalisations restent. On les recroise toute notre vie, on les montre à nos enfants, à nos conjoints ». Dans cette perspective, nul doute que l’industrie se trouvera entre bonnes mains si la relève, féminine comme masculine, y apporte autant de passion.

 


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