Portrait : Susan Rahal, une soudeuse parmi peu d’autres

2 novembre 2011
Par Étienne Soucy

Susan Rahal était loin de se douter que son parcours professionnel allait en surprendre plusieurs, elle comprise. Qui aurait pu prédire qu’elle deviendrait un jour soudeuse pour une des plus grandes entreprises en aéronautique au Canada ? Ce métier, habituellement occupé par des hommes, est devenu une passion pour elle. Lors de son passage au colloque La mixité au travail : une utopie ?, organisé par le Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT), elle a raconté avec fierté les points marquants d’une carrière qui sort des sentiers battus. Portrait d’une femme qui ne manque pas d’audace.

 

Fraîchement arrivée sur le marché du travail, au début des années 1980, c’est en arts que Susan Rahal gagne d’abord sa vie. « J’ai suivi une formation dans le domaine des arts et j’ai exercé le métier d’enseignante, un métier typiquement féminin, pendant plus de six ans. » Puis, la conjoncture économique et les débouchés de l’emploi font en sorte que la jeune femme se retrouve sans travail. Les offres d’emploi ne se bousculent pas à sa porte et le temps est long. Elle décide alors de se donner toutes les chances possibles en allant rencontrer les personnes en mesure de l’aider. Elle se souvient encore très bien du moment où elle entre pour la première fois dans le bureau d’Emploi-Québec : « Quand j’ai franchi la porte du bureau pour la première fois, j’ai tout de suite aperçu l’énorme affiche qui annonçait un kiosque d’information sur place pour pallier la pénurie de soudeurs. Je n’ai donc pas vraiment eu le choix de me diriger vers ce kiosque. »

 

D’artiste à soudeuse

 

Ce n’est pas sans raison que ce kiosque l’attire, un cours de sculpture sur le métal ayant fait partie de sa formation artistique. Le jour même, elle s’inscrit à la formation en soudure mise de l’avant par le bureau d’Emploi-Québec.

 

Mais cette formation s’avère un peu différente de ce que Susan Rahal s’imaginait au départ : « J’ai commencé la formation deux semaines après mon inscription, et je me suis rendue compte que ce n’était pas le petit cours de soudure que j’avais en tête. Il s’agissait plutôt d’un D.E.P. de soudeur-monteur professionnel de 400 heures sur une période de 16 mois ! J’ai tout de même gardé le cap parce que je sentais que c’était positif. Je me voyais même déjà enseigner la soudure. » Elle ne se laisse pas non plus décourager par les vives réactions suscitées par l’annonce de son nouveau choix professionnel à son entourage. « On me demandait souvent ce que j’allais faire avec cette formation et on la remettait souvent en question », souligne-t-elle.

 

La formation de soudure est une intense période d’apprentissage pour Susan Rahal. « Je ne connaissais rien du milieu et des équipements, et les garçons autour de moi avaient au moins l’expérience d’avoir travaillé dans leur garage et d’avoir bricolé, ce qui leur donnait une longueur d’avance par rapport à moi ». Ironie du sort, Susan Rahal doit apprivoiser dès le départ certaines frayeurs. « J’avais une peur bleue de l’électricité, et j’allais apprendre à souder à l’arc électrique. C’était difficile, mais je ne le disais pas, je restais concentrée simplement pour réussir ma formation. » Il faut dire, qu’à cette époque, la future soudeuse n’a pas du tout l’intention de travailler sur le terrain : « Pendant mon cours, je n’ai pas pensé deux minutes à travailler dans ce domaine-là. Je voulais simplement réussir ma formation. » Quelques semaines plus tard, elle avait son diplôme en poche.

 

Gravir les échelons

 

Très vite le téléphone sonne chez la nouvelle diplômée. Pratt et Whitney, l’important fabricant de moteurs d’avion, souhaite lui accorder une entrevue. Susan Rahal accepte d’aller en entrevue : « Je me suis dit que j’irais, sans être vraiment préparée, et qu’on verrait après pour la suite des choses. »

 

À l’entrevue, elle attend dans une salle l’arrivée du contremaître, seulement accompagnée par le gardien de sécurité. « Quand il est arrivé, il s’est présenté, a fait un tour d’horizon de la salle d’attente et a demandé au gardien de sécurité où se trouvait le soudeur. Le gardien de sécurité m’a désignée d’un signe de tête et je me suis levée pour me présenter. Je me souviens très bien que le contremaître a changé de couleur tellement il semblait gêné ! »

 

La suite est prévisible : Susan Rahal est embauchée. Pendant ses 12 ans à l’emploi de la compagnie en aéronautique, elle occupera plusieurs postes, en commençant par la soudure. Elle est ensuite mutée à l’inspection, avant de devenir contremaîtresse.

 

Prendre sa place dans l’industrie

 

En racontant son histoire hors de l’ordinaire, Susan Rahal tient à soulever les difficultés auxquelles elle a dû faire face à travers ce sinueux parcours. « Ce qui a été le plus difficile pour moi, c’est l’intégration à mon équipe de travail. Mon chef d’équipe n’était vraiment pas content de m’avoir à ses côtés et il le disait ouvertement. Selon lui, la place des femmes n’était pas dans une usine mais bien à la maison, à s’occuper des tâches ménagères. Et tout au long de ma carrière, j’ai le sentiment que j’ai eu à me battre pour faire valoir mes capacités dans un milieu masculin. » Aujourd’hui, elle en tire d’ailleurs la conclusion que peu importe le métier, la femme doit prendre sa place dans son milieu de travail.

 

Actuellement, Susan Rahal est intervenante chez Options non traditionnelles, à Longueuil. Cette organisation offre des services d’orientation professionnelle spécialisée dans les métiers non traditionnels pour les femmes. C’est sa façon à elle de faire profiter toutes les travailleuses qui en ont besoin de son expérience.

 

Plus de détails à venir sur Options non traditionnelles et le Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIFT) dans de prochains articles Info+ du Portail Constructo.