Un premier pont arqué en bois pour le MTQ

23 juillet 2014

Le ministère des Transports du Québec poursuit l’expérimentation de ponts en bois, cette fois avec une structure arquée en lamellé-collé à Notre- Dame-de-Portneuf.

Par Rénald Fortier

 

En 2009, le moment est venu pour le ministère des Transports du Québec (MTQ) d’expérimenter l’utilisation du bois d’ingénierie dans la construction de ponts routiers. C’est ainsi qu’il s’engage successivement dans la réalisation de deux projets pilotes portant sur l’érection de structures à poutres droites en lamellé-collé : le premier à Albanel, au Lac-Saint-Jean ; l’autre à Sainte- Thècle, en Mauricie.

 

Reste cependant à identifier un emplacement se prêtant à la réalisation d’un tel projet ; un endroit offrant notamment une portée de quelque 37 mètres, un dégagement assez important sous le tablier et la présence de roc – les arches en bois devant s’appuyer sur des culées de béton. Et ce site, c’est à Notre-Dame-de-Portneuf qu’il le trouve, là où une vieille structure doit justement être remplacée : le pont Bishop, un ouvrage triangulé en acier datant du début des années 1900 et dont l’unique voie est fermée à la circulation depuis 2010.

 

La conception du nouveau pont en bois à deux voies, qui surplombera la rivière Portneuf, démarre début 2011. Elle mène au design d’une structure composée de 18 poutres arquées (184 mm de large et 965 mm de haut) et de 16 poutres droites (184 mm de large et 781 mm de haut), surmontées d’un platelage d’une épaisseur de 184 millimètres.

 

Le tablier aura une portée de 36,5 mètres et une largeur hors tout de 7,3 mètres – la voie carrossable fera 6,7 mètres. Enclenchée en octobre 2012 par Stellaire Construction, l’érection de ce pont de nouvelle génération s’achève en juin 2013. Elle nécessite l’utilisation de 250 mètres cubes de bois lamellé-collé – produit avec du sapin de Douglas de l’Ouest canadien, incluant les poutres arquées, les poutres droites et le platelage. En plus de 10 mètres cubes de bois massif pour constituer les dispositifs de retenue.

 

Question d’étanchéité

Construire un tel pont n’est évidemment pas sans s’accompagner de défis à relever, le plus important résidant du côté de l’étanchéité de l’ouvrage. Le concepteur, Luc Lapointe, ingénieur en structure au MTQ, explique : « Comme notre objectif était que le pont ait une durée de vie utile de 75 ans, avec un bon entretien préventif, il fallait nécessairement protéger le bois contre les intempéries. Parce que sinon, il aurait certainement commencé à montrer des signes de détérioration après 40 ou 50 ans. »

 

Les pires ennemis de ce type de pont en bois étant l’humidité et les rayons UV, un système de protection a donc été appliqué en usine, après que des tests se soient révélés concluants, sur toutes les surfaces des poutres en arche. Composé d’uréthane à base d’eau, il a été apposé sur le matériau en deux étapes : deux couches de base de teinte naturelle dite « pin clair », puis une couche de finition transparente.

 

Cette protection contre l’humidité et les rayons UV est obtenue au moyen d’un durcisseur incorporé au produit utilisé pour la couche de finition. De plus, le système de protection possède la propriété de laisser sortir l’humidité contenue dans le bois, tout en empêchant l’eau d’y pénétrer.

 

C’est sans compter qu’un contreplaqué a été installé directement sur le platelage, puis recouvert d’une membrane d’étanchéité autocollante sur laquelle a été posé un pavage en bitume ; une mince couche de roulement comportant un devers pour permettre l’écoulement de l’eau vers les abords de la structure de bois – 75 mm de pavage au centre et 40 mm de chaque côté.

 

« Nous avons fait des tests pour nous assurer que la membrane n’allait pas décoller et que le pavage allait tenir en place. Mais nous n’étions pas inquiets parce qu’il s’agissait de notre troisième pont en bois et que sur le premier, achevé en 2010, la surface de roulement s’est vraiment bien comportée et est toujours impeccable », note Luc Lapointe, en soulignant que des panneaux d’acier inoxydable avaient aussi été installés pour protéger le côté extérieur des poutres de rive.

 

Des panneaux, soulignons-le, qui servent également à dissimuler une conduite d’aqueduc et une autre d’égout sanitaire courant sur les côtés du tablier. Comme c’était le cas avec le vieux pont Bishop.

 

Suivi instrumenté

Instrumenté, le nouveau pont fera l’objet d’un suivi régulier de la part du MTQ dès cet été, histoire de vérifier si le bois absorbe ou non beaucoup d’humidité dans le temps. « Pour nous c’est important sur le plan du design, précise Luc Lapointe. Parce que si le taux d’humidité devient plus important, nous devrons ajuster nos facteurs de conception en conséquence.

 

« Et c’est par le biais de l’instrumentation installée sur ce pont, poursuit-il, que nous serons en mesure de déterminer si le matériau doit être considéré comme sec, semi-humide ou humide. Un suivi qui nous permettra aussi de voir si l’on doit réappliquer une couche de protection sur le bois après deux, quatre ou cinq ans. »

 

Pour l’heure, le MTQ n’a pas d’autres projets du genre dans ses cartons, du moins pas de l’envergure de celui de Notre-Dame-de-Portneuf, fruit d’un investissement de 2,8 millions de dollars. « À moyen terme, indique Luc Lapointe, nous allons faire un suivi serré pour voir comment se comportent les trois ponts en bois. Et si les résultats se révèlent satisfaisants, on pourra voir pour en réaliser d’autres sur une plus grande échelle. »

 

LES ARTISANS

Conception du pont : MTQ
Construction : Stellaire Construction
Fournisseur (bois) : Goodfellow
Conception des approches : CIMA +
Surveillance des travaux : SNC-Lavalin