19 juin 2012
Par Marie Gagnon

Le remplacement de neuf goussets sur la rampe amont du pont Honoré-Mercier, sans jamais désolidariser l’assemblage, a valu à Cegertec WorleyParsons le prix Génie innovation 2012 de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ). En récompensant l’entreprise de génie-conseil, le jury a non seulement souligné le caractère inédit de la méthode employée, mais également la rapidité avec laquelle les travaux ont été réalisés.

 

Des goussets déficients

En 2011, une inspection suivie d’une évaluation de la capacité de la structure du pont amont révèle que les goussets de neuf nœuds de la corde inférieure des poutres triangulées présentent une capacité déficiente en raison de leur détérioration avancée. À la lumière de cette expertise, le ministère des Transports (MTQ), qui est responsable de cette portion du pont, ordonne le 14 juin la fermeture immédiate de cette voie à toute circulation automobile pour des raisons de sécurité.

 

Le MTQ demande alors à l’entrepreneur général responsable des travaux de réfection en cours, Mohawk Bridge Consortium (MBC) de remplacer les goussets déficients au plus tard le 5 septembre suivant afin de permettre la réouverture des voies à temps pour la rentrée des classes. MBC fait appel à Cegertec WorleyParsons pour le seconder dans la recherche d’une solution.

 

Une tâche complexe

Car la tâche ne s’annonce pas de tout repos. La structure de la rampe amont du pont est en effet constituée de poutres triangulées avec tablier supérieur. Une poutre triangulée est une poutre dont les membrures supérieure et inférieure (cordes) sont reliées par des membrures diagonales et des membrures verticales (montants). Quant aux goussets, ils servent à connecter les membrures diagonales et les montants aux cordes de la poutre triangulée.

 

Tous les efforts présents dans les membrures diagonales et les montants à cause du poids de la structure et de la surcharge de la circulation routière transitent donc par ces goussets. « Habituellement, le remplacement d’un gousset nécessite la désolidarisation complète des membrures qui lui sont connectées, note Marc-Olivier Bessette, directeur Ponts et ouvrages d’art – Transports chez Cegertec WorleyParsons. Cette approche exige donc la mise en place d’un étaiement temporaire de transfert et de reprise des charges. »

 

Une alternative inspirée de l'Illinois

Pour compliquer un peu plus la donne, les neuf nœuds défectueux se présentent suivant cinq configurations complètement différentes les unes des autres. Il aurait donc fallu concevoir, fabriquer et mettre en œuvre cinq systèmes temporaires d’étaiement. Cette solution, bien qu’irréprochable, n’aurait cependant pas permis de respecter l’échéancier imposé.

 

Un tour d’horizon de la documentation permet aux ingénieurs de découvrir une méthode mise en œuvre au Cedar Street Truss Bridge, un pont situé à Peronia en Illinois. Ce pont est constitué de poutres triangulées et d’un tablier supérieur similaires à la rampe du pont Mercier. L’assemblage a été renforcé par l’ajout de nouveaux goussets à l’extérieur des nœuds. Pour ce faire, les rivets des goussets ont été remplacés par de nouveaux boulons maintenus en place par des écrous serrés à bloc.

 

Une solution inédite

« Comme les membrures du pont Mercier sont configurées de façon différente, cette approche n’a pu être appliquée, mentionne Marc-Olivier Bessette. La corde inférieure et certaines diagonales de l’ouvrage sont en effet composées de profilés en C, placés dos à dos à une distance d’environ 340 millimètres. À l’extérieur du nœud, la présence des cornières des profilés empêchait la juxtaposition d’un nouveau gousset. »

 

La solution retenue, élaborée de concert avec MBC et son sous-traitant Parmétal, consiste au renforcement des goussets par l’ajout de nouveaux goussets à l’intérieur des poutres triangulées. Pour ce faire, le cœur des montants et de certaines diagonales a été découpé. Avant de procéder à cette chirurgie d’un jour, les montants et membrures diagonales ont été renforcés de l’extérieur du nœud. Tout au long des travaux, la connexion entre les membrures de la poutre triangulée et les goussets existants a été assurée au moyen d’une combinaison de tiges d’assemblage et de boulons conçus expressément à cette fin.

 

Cette méthode, à la fois sécuritaire, simple et rapide, a permis de gagner du temps par rapport à la méthode conventionnelle. Le chantier a en effet été raccourci de 65 %, ce qui a permis la réouverture de l’ouvrage dans les délais prévus.

 


Cet article est paru dans l’édition du vendredi 15 juin 2012 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !