21 mai 2013
Par Me Patrick Garon-Sayegh

Le Stade olympique est demeuré tristement célèbre au fil des ans en continuant d’être la source de multiples déboires et questionnements. Parmi tous les éléments qui ont occupé les manchettes, son fameux toit rétractable a une place de choix. Si nous savons presque tous que le toit du Stade a dû être remplacé vers la fin des années 90, la saga judiciaire qui suivit demeure moins connue.  

 

Un des principaux litiges opposait Birdair inc. (« Birdair »), la conceptrice du nouveau toit, à Danny’s Construction Company inc. (« DCCI »), chargée d’exécuter les travaux de construction. La Cour d’appel vient récemment de rendre une importante décision (Birdair inc. c. Danny’s Construction Company inc., 2013 QCCA 580.) qui met fin à leur litige et, du même coup, clarifie et fait évoluer le droit sur deux points importants : (1) les obligations implicites que se doivent les parties dans le contexte d’un contrat de conception-construction et l’impact que celles-ci peuvent avoir lors de la résiliation du contrat d’entreprise, et (2) la méthode d’évaluation des dommages subis par la partie qui voit son contrat résilié dans droit.

 

Pour pouvoir traiter ces points convenablement, deux chroniques y seront consacrées. La présente traite du premier point sur les obligations implicites, et notre prochaine chronique traitera de l’évaluation des dommages.

 

Les faits

En mars 1997, Birdair et la Régie des installations olympiques (« RIO ») concluent un contrat dans lequel Birdair s’engage à réaliser la conception et ensuite la construction du nouveau toit pour la somme forfaitaire de 37 000 000 $. La date d’acceptation provisoire des travaux est fixée pour décembre 1998 et Birdair doit payer des pénalités si elle n’est pas respectée.

 

Les négociations entre Birdair et DCCI commencent également en mars 1997 et se terminent en août 1997 avec la conclusion d’un contrat de sous-traitance en vertu duquel DCCI s’occupera du volet construction du contrat principal pour la somme forfaitaire de 5 600 000 $. DCCI est tenue de terminer les travaux avant la date prévue au contrat principal, ce dernier étant incorporé par référence au contrat de sous-traitance.

 

Les travaux de construction sont censés débuter en mars 1998, mais un délai de 38 jours survient avant qu’ils ne commencent. DCCI se voit obligée de modifier son échéancier, mais la date de fin des travaux demeure inchangée pour elle. Une fois commencés, les travaux prennent rapidement du retard à cause de nombreux changements de conception et de livraisons de fournitures qui ne respectent pas les échéanciers.

 

En septembre 1998, les travaux doivent être accélérés pour respecter la date de fin des travaux. L’accélération augmente les coûts de DCCI, qui doit faire appel à plus de personnel et d’équipement que prévu. En parallèle, la RIO et Birdair manifestent des inquiétudes quant à la vitesse d’avancement des travaux, et DCCI nie qu’elle est responsable de la situation.

 

Le climat de travail se détériore encore plus au début du mois d’octobre alors que la situation financière de DCCI devient précaire et qu’elle demande le secours financier de Birdair, qui lui avance certaines sommes. Ces paiements s’avèrent insuffisants, et à la fin du mois d’octobre DCCI n’est plus en mesure de financer les travaux. Birdair et DCCI n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente, et le 30 octobre Birdair résilie leur contrat en exigeant que DCCI et ses employés quittent immédiatement le chantier, mais en laissant sur place tout le matériel, les équipements et les outils. Birdair entreprend de terminer elle-même les travaux, complétés à 67,97 % par DCCI.

 

DCCI et Birdair se poursuivent mutuellement, mais l’action de Birdair contre DCCI est rejetée. C’est l’action de DCCI contre Birdair en réclamation de dommages pour la résiliation sans droit du contrat de sous-traitance – accueillie par le juge de première instance et maintenue par la Cour d’appel – qui retient notre attention.

 

Le jugement sur les obligations implicites et la résiliation

La Cour d’appel conclut, comme le premier juge, que Birdair a résilié le contrat avec DCCI de façon abusive et illégale, entraînant ainsi des dommages importants à DCCI.

 

Birdair avait résilié le contrat en invoquant le fait que DCCI n’allait plus payer ses sous-traitants sans l’aide de Birdair, ce qui était un défaut selon leur contrat. Or, les retards – et l’accélération des travaux qu’ils ont entraînée – étaient attribuables à Birdair, qui a fait de nombreux changements en cours du projet.

 

Même s’il s’agissait d’un contrat de conception-construction dans lequel il était prévu que le design évoluerait au cours des travaux, les changements effectués par Birdair dépassaient ce qui était raisonnablement prévisible. En effet, il y a une limite aux changements qui peuvent être imposés sans compensation à un constructeur dans le cadre d’un contrat de conception-construction à forfait.

 

De plus, Birdair et DCCI avaient, au fil des ans, bâti une relation privilégiée. Birdair, leader mondial dans son domaine, avait une connaissance supérieure à DCCI et cette dernière lui faisait confiance. Cet élément est crucial au contexte du contrat et des travaux, et tant la Cour supérieure que la Cour d’appel concluent que Birdair avait une obligation de collaboration et de coopération envers DCCI.

 

Birdair ne pouvait imposer autant de changements importants à DCCI sans aide financière ou autre accommodement pour l’aider à gérer les conséquences des changements. En résiliant le contrat comme elle l’a fait, Birdair a résilié le contrat de mauvaise foi et abusé de ses droits. DCCI a donc le droit d’être indemnisée pour ses dommages.

 

Dans notre prochaine chronique, nous ferons état de l’analyse de la Cour relativement aux dommages accordés à DCCI.

 


Pour question ou commentaire, vous pouvez joindre Me Patrick Garon-Sayegh par courriel à pgsayegh@millerthomson.com ou par téléphone au 514 871-5425. 

Miller Thomson avocats

 

Cette chronique est parue dans l’édition du vendredi 17 mai 2013 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !