Des relations d’affaires en toute transparence

26 mars 2014
Par Marie Gagnon

Depuis juin 2012, les révélations faites dans le cadre de la Commission d’enquête sur l’octroi des contrats publics dans l’industrie de la construction font la manchette. Si les médias font leurs choux gras des allégations de corruption et de collusion qui entachent l’industrie, il en va autrement pour les entrepreneurs du secteur qui en font les frais.

 

Ce climat malsain n’est pas sans conséquences. Dans le secteur public, le processus d’octroi des contrats s’allonge et la paperasse s’alourdit. En plus de devoir montrer patte blanche, certificat de l’Autorité des marchés financiers à l’appui, nombre d’entrepreneurs se demandent comment mener le développement de leurs affaires sans susciter de méfiance.

 

« Une véritable psychose s’est emparée du milieu, constate maître Donald Riendeau, directeur général et fondateur de l’Institut de la confiance dans les organisations, un organisme qui a entre autres pour mission d’aider les entreprises à améliorer leur structure, leur culture et leurs relations d’affaires avec leurs partenaires. Tout le monde marche sur des œufs, on est passé d’un extrême à l’autre. »

 

Alors qu’auparavant tout était permis, de la soirée au Centre Bell au voyage d’affaires sous les Tropiques, le simple fait d’offrir le café à son fournisseur suffit aujourd’hui à éveiller les soupçons. La situation se corse d’un cran lorsque deux entrepreneurs, jusque-là considérés compétiteurs, unissent leurs forces et leur savoir-faire pour réaliser un projet d’envergure.

 

Faire preuve de jugement

Pour maître Riendeau, il n’y a pas 36 solutions. « En affaires, la confiance est souvent longue à construire, mais elle peut s’effriter très rapidement, dit-il. Il faut donc faire preuve de jugement et de transparence. Pour transiger avec le secteur public, je suggère fortement de s’inscrire au Registre des lobbyistes et d’y déclarer toute activité de représentation exercée auprès des titulaires de charges. »

 

Il recommande en outre de prendre connaissance des codes d’éthique adoptés par les municipalités et de se conformer aux règles prescrites. S’il est monnaie courante de conclure une transaction autour d’un bon repas, on comprend que les rencontres à huis clos dans des clubs privés peuvent être moins bien vues.

 

« Les cadeaux de cordialité ont toujours leur place à condition qu’ils demeurent dans les limites du raisonnable, mentionne l’avocat. Si, par exemple, la valeur dépasse les 200 $, on veillera à ce que le cadeau soit déclaré au Registre des lobbyistes. On peut aussi l’accompagner d’une note invitant le destinataire à le remettre à une œuvre de charité ou à le faire tirer parmi ses collègues, si les règlements internes ne lui permettent pas de l’accepter. »

 

Certains dons ou faveurs, plus sensibles, sont toutefois à éviter. Comme inviter un titulaire de charge publique au tournoi de golf annuel de son entreprise. La même activité, dans le cadre des affaires publiques d’une association d’entrepreneurs, devient tout à fait acceptable.

 

Construire la confiance

Mais en plus de faire preuve de bon sens, l’entrepreneur ne doit pas perdre de vue que toute relation d’affaires est avant tout basée sur des relations humaines. « Il est normal, à la signature d’un contrat, que toutes les parties prenantes prennent place autour d’une table pour établir les fondements de la relation d’affaires et tisser des liens entre les intervenants », note Donald Riendeau.

 

Il soutient par ailleurs que nombre de litiges contractuels seraient évités si les gens prenaient le temps de se parler, de faire connaissance et de comprendre leurs attentes réciproques. Toutefois, les activités d’affaires doivent rester en lien avec le travail. Bref, il ne s’agit plus de faire la fête… pour le simple plaisir de faire la fête. Il faut aujourd’hui invoquer des motifs sérieux.

 

Le fondateur de l’Institut de la confiance dans les organisations met en garde les entrepreneurs contre la tentation d’adopter un code d’éthique pour se conformer aux exigences de l’Autorité des marchés financiers sans toutefois veiller à son application. « Une véritable frénésie s’est emparée du milieu, relève-t-il. Ces documents sont élaborés par des consultants externes et collent rarement à la réalité de l’entreprise. »

 

Une opinion que partage d’ailleurs Ian Gosselin, avocat et associé au sein du cabinet Norton Rose Fulbright. « Un code d’éthique, ce n’est pas du prêt-à-porter, fait-il valoir. C’est le résultat d’une démarche réfléchie, qui vise à démontrer que l’entreprise et ses dirigeants font bel et bien preuve d’une culture éthique. Et l’adoption d’un code d’éthique n’est pas une fin en soi, encore faut-il le mettre en œuvre et veiller à son application. »

 

Il rappelle que le but d’un tel code de conduite est en effet de permettre aux dirigeants de fournir un guide et des lignes directrices sur ce qu’ils considèrent comme étant la meilleure attitude à adopter dans une situation donnée. Ce code devra notamment être cohérent avec la mission, la vision et les valeurs fondamentales de l’entreprise.

 

Autrement dit, il définit des normes comportementales se rapportant davantage à des valeurs qu’à des obligations légales. Et doit comprendre des sanctions pour toute violation à ses prescriptions. Sans quoi, c’est un coup d’épée dans l’eau.

 


Cet article est paru dans l’édition du mardi 4 mars 2014 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !