Simuler le futur : données représentatives d'un climat en profonde mutation

17 janvier 2014
Par François Cantin, M. Sc. Arch.

Qu'on le veuille ou non, et comme en fait foi le plus récent rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)1, le climat mondial est en profonde mutation. Les changements climatiques annoncés, ou plutôt les impacts que ceux-ci auront éventuellement sur nos manières d'habiter nos édifices et nos villes dans un avenir plus ou moins rapproché, soulèvent plusieurs interrogations. Les communautés scientifiques œuvrant  dans les domaines du bâtiment et de l'urbanisme pressent le pas et multiplient les efforts afin de mieux en comprendre les enjeux.

 

En plus de nous aider à mieux concevoir nos milieux bâtis, une meilleure compréhension des phénomènes reliés à l'évolution du climat permettrait aussi d'en quantifier les impacts sur la performance des installations dédiées à l'exploitation des énergies renouvelables. Par exemple, quelles seront les conséquences des changements climatiques sur la couverture nuageuse planétaire et dans quelle mesure les variations de cette dernière affecteront la performance d'une installation photovoltaïque ou solaire thermique ? Ou encore, quelle performance des installations éoliennes pourront-elles offrir advenant le cas où les changements climatiques modifient de manière significative les vents dominants (vitesses et directions) de certaines régions ?

 

Nouvelle approche en simulation

Malgré l'importance de ce questionnement et la bonne volonté des chercheurs, il n'en demeure pas moins que le nombre d'études consacrées aux effets des changements climatiques sur les milieux bâtis demeure pour le moment relativement restreint. Selon plusieurs, l'absence de données climatiques représentatives des changements anticipés et formatées de manière à pouvoir être aisément utilisées dans le cadre de simulation peut expliquer la rareté des travaux sur le sujet.

 

Cet état de fait est cependant appelé à changer, et ce, à court terme, puisqu'un un outil permettant de modifier les données contenues dans un fichier climatique conventionnel de manière à prendre en compte les prédictions associées à un scénario d'émissions de gaz à effet de serre de type « moyen élevé » (A2) tel que défini par le GIEC a récemment été développé. Fruit des travaux d'une équipe de chercheurs de la School of Civil Engineering and the Environment de l'Université de Southampton2, ce générateur novateur est désormais disponible en téléchargement gratuit3.

 

Concrètement, les algorithmes de cet outil lui permettent, à partir d'un fichier climatique de n'importe quelle région du globe, de générer des données représentatives des climats pour les années 2020, 2050 et 2080. Pour la première fois, les professionnels oeuvrant dans le domaine de la construction peuvent ainsi avoir accès à des banques de données leur permettant d'étudier efficacement l'impact des changements climatiques sur des concepts architecturaux et urbains.

 

Se réinventer

À l'heure où la notion de cycle de vie des bâtiments gagne en popularité et anime le discours de plus en plus de gens, la possibilité d'étudier et de quantifier la résilience d'un projet face aux climats futurs arrive à point. En leur offrant la possibilité de réfléchir et de travailler le projet autrement, ce nouvel outil permettra aux équipes de conception de générer des solutions mieux adaptées à leur contexte d'implantation actuel et à venir. Les professionnels les plus allumés et ayant le souci du détail sauront tirer profit de ce genre d'outil et auront la capacité de proposer des projets qui sortent du cadre traditionnel.

 

À l'aube de la parution du cinquième rapport du GIEC qui, à l'image de ses prédécesseurs, fera fort probablement état d'une urgence d'agir, le monde de la construction se doit de se réinventer. Alors que 2020 approche à grands pas, 2050 et 2080 peuvent, à première vue, sembler encore bien loin. Il ne faut cependant pas oublier qu'avec les techniques et les matériaux de construction d'aujourd'hui, les bâtiments que nous érigeons actuellement et qui bénéficieront d'un programme d'entretien consciencieux devraient normalement perdurer suffisamment longtemps afin de leur permettre de connaître l'an 2080.

 


L’auteur est stagiaire en architecture chez Coarchitecture (anciennement Hudon Julien Associés), bénévole au sein de la section du Québec du CBDCa et membre d'ECOOP, une coopérative offrant divers services de consultation en science du bâtiment.

 

1. http://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/wg1/ar4-wg1-spm-fr.pdf

2. Jentsch, M., James, P., Bourikas, L., Bahaj, A. (2013) Transforming existing weather data for worldwide locations to enable energy and building performance simulation under 

3. http://www.energy.soton.ac.uk/ccworldweathergen/

Conseil du bâtiment durable du Canada - section du Québec

Cette chronique est parue dans l’édition du vendredi 25 octobre 2013 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !