Toute l’information au bout des doigts

3 juin 2016
Léa Méthé Myrand

L’utilisation de technologies mobiles, par le biais des tablettes et téléphones intelligents, est prometteuse dans l’industrie de la construction. Mais la sélection d’applications spécialisées et leur intégration dans la chaîne de production présentent un défi de taille pour les entrepreneurs. 

L’information adéquate et à jour au bout des doigts, voilà le rêve devenu accessible grâce aux téléphones intelligents et aux tablettes numériques alimentées par un signal Wi-Fi. Cependant, le flux constant des courriels, photos et documents occasionne aussi confusion et pertes de temps.

 

Une foule d’applications informatiques dédiées au milieu de la construction propose d’ordonner toute cette information dans des plateformes performantes et conviviales.

 

« L’information centralisée et synchronisée est mise à la disposition de tous les intervenants en temps réel, explique Manon Pouteau, étudiante à l’École de technologie supérieure (ÉTS) et co-auteure du Guide des technologies mobiles « Construction 2.0 » « Ça permet d’améliorer le partage et la fluidité de l’information, renchérit sa co-auteure Souha Tahrani, associée de recherche à l’ÉTS. On connecte le chantier, qui est sur un site isolé, et ça génère des gains de productivité considérables en évitant des déplacements, mais aussi des erreurs de transcription et des coûts d’impression. »

 

Comment s’y retrouver ?

 

On distingue deux grandes catégories de produits informatiques destinés aux entrepreneurs. Les applications de gestion de chantier sont destinées aux chefs de chantiers, artisans et sous-traitants. Elles ont pour fonctions principales la consultation et l’annotation de plans, la gestion de listes de tâches et la production de rapports.

 

Les plateformes de gestion de projet, qui impliquent les cadres, architectes, ingénieurs et entrepreneurs généraux, sont plus riches, plus complexes et permettent un plus grand degré de collaboration. Elles incluent par exemple le visionnement de modélisations 3D, des listes de déficiences, des protocoles de contrôle de la qualité, de sécurité et de surveillance.

 

Selon Manon Pouteau, « Il faut faire une bonne étude préalable pour cibler les besoins et les attentes et anticiper les résistances de utilisateurs. Cette phase est difficile à réaliser pour les PME qui ont rarement les ressources nécessaires à une telle démarche. » C’est à leur intention que le Groupe de recherche en intégration et développement durable en environnement bâti (GRIDD) a élaboré le guide gratuit et téléchargeable « Construction 2.0 » qui inclut un survol des applications disponibles sur le marché, un tableau décisionnel et un guide d’implémentation.

 

Une fois l’application sélectionnée, la clé du succès est d’avoir une bonne stratégie d’introduction. « Si le déploiement n’est pas coopté par la direction, ce sera difficile, annonce Souha Tahrani, de l’ÉTS. Au niveau des ressources humaines, l’introduction des technologies mobiles bouleverse des habitudes et il faut s’attendre à ce qu’il y ait de la résistance au changement. » Il faut par ailleurs fournir un accompagnement aux usagers ; de la formation afin de les familiariser avec l’outil et un support technique en cas de problème.

 

Application maison

 

Estimant qu’elle serait mieux servie par une application développée sur mesure, l’entreprise Beaudoin Gestion Construction a développé sa propre plateforme de gestion de projet basée sur le web. « Parmi les logiciels existants qui nous intéressaient, certains étaient seulement en anglais, explique Martin Beaudoin, vice-président aux opérations. Mais au-delà de la langue, nous avons nos méthodes et on voulait que le logiciel reflète nos pratiques plutôt que de changer nos processus pour s’adapter à une plateforme existante. »

 

La plateforme intitulée Communico couvre l’ensemble des opérations d’un projet, de la gestion d’appels d’offres à la gestion d’échéanciers et passant par la consultation des dessins et la production de journaux et rapports.

 

L’élaboration de l’outil a justifié la création d’un comité de développement à l’interne et nécessité environ six mois avant d’être mis à l’essai sur des projets tests. Il est opérationnel depuis août 2014 et 10 personnes l’utilisent quotidiennement dans une boîte qui compte une vingtaine de gestionnaires et autant de menuisiers. Ce sont les contremaîtres qui agissent comme relais et ont accès à tout : tâches, plans, demandes de changements, instructions, photos et journaux de chantier.

 

« C’est difficile de mesurer le gain de productivité, mais on sait que nos gestionnaires sont capables d’en prendre plus, affirme Julien Lessard, ingénieur et gestionnaire de projet chez Beaudoin Gestion Construction. Ils sont moins dans la paperasse et sont plus disponibles pour suivre la production. »

 

S’il y a eu une petite réticence de la part des surintendants et quelques bogues à surmonter au début, les usagers ont rapidement réalisé qu’ils gagnaient du temps.


Dans la version 2.0 à laquelle l’équipe s’affaire déjà, on envisage d’intégrer des éléments de gestion financière, de la documentation standardisée et la gestion dynamique des échéanciers. « On aimerait que nos gestionnaires soient 100 % mobiles avec une tablette et passent tout leur temps sur la route », lance Martin Beaudoin, décrivant le futur idéal de plus d’un entrepreneur.

 

Cet article est paru dans l’édition du mardi 3 mai 2016 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.