Valérie Bell, conseillère en prévention – Faire tomber les barrières

19 mars 2013
Par Dominique Lemoine

L'argument selon lequel les femmes ne seraient pas assez fortes pour travailler dans le milieu de la construction demeure l'argument principal utilisé pour les mettre de côté, un motif tantôt sincère, tantôt qui en cache un autre, mais parfois motivateur, selon Valérie Bell, conseillère à l'ASP Construction.

 

Occupant ce poste depuis un an et demi, elle a été électricienne pendant 10 ans. D'un chantier commercial ou industriel à l'autre pour plusieurs entreprises, elle dit avoir vu discrimination, blagues sexistes qui ne sont pas acceptées dans les autres milieux, mises à l'écart et absence de reconnaissance du travail.

 

Avant d'être électricienne, détentrice d'un BAC en beaux-arts, elle était serveuse et réalisait des travaux résidentiels artisanaux et artistiques de mosaïques, tuiles, peinture et murales. « Je suis très manuelle et j'aime beaucoup la matière ». Mais la réalité étant, elle s'est mise en quête d'une carrière stable et fiable.

 

Pour choisir, elle a commencé par poser des questions aux gens qu'elle côtoyait en travaillant dans le résidentiel, comme des plombiers et charpentiers-menuisiers. Jusqu'au jour, quelque part vers la fin du 20e siècle, où un électricien lui a dit : « Tu es une femme, tu ne peux pas faire ce métier ! ».

 

Il n'en fallait pas plus pour que Valérie Bell s'inscrive par défi au DEP en électricité. « C'est quoi cette niaiserie ? On ne me dit pas que je ne suis pas capable, pas assez forte. Tout le monde peut le faire. On n’est même pas censé penser dire ça à quelqu'un. Non seulement je vais le faire, mais je vais le faire bien ».

 

Au boulot, encore des blocages

Entrée dans le métier comme apprentie en 2000, la première année fut difficile. « Il n'y a pas d'autres femmes et peu d'hommes qui veulent prendre le temps de montrer le métier à une femme. Ni beaucoup d'employeurs qui veulent donner du travail. Elles sont les dernières engagées et les premières mises à pied ».

 

Pour se faire une place et apprendre, elle a suivi des cours de perfectionnement. Une avenue essentielle, car à son avis le système considère que, contrairement aux hommes, les femmes n'en font jamais assez et doivent en faire deux fois plus, faire leurs preuves, qu'elles sont bonnes ici et là, mais jamais dans l'ensemble.

 

Compagnon depuis 2007, mais conseillère en prévention depuis 2011, elle juge injuste ce traitement. Elle explique que les hommes aussi ont des atouts, mais qu'eux non plus ne peuvent pas tout faire, et donc que l'adaptation des méthodes pour aider les femmes soutient aussi les hommes et leur productivité. « Personne ne devrait forcer jusqu'à se blesser », dit-elle.

 

Pour cette raison, soit la nécessité de prouver au quotidien qu'elles sont capables, elle pense même que les femmes sont plus impliquées et motivées que les hommes, moins absentes lorsque malades et plus passionnées par leur métier. « On ne veut pas donner de raison pour se faire mettre à la porte », dit-elle.

 

Les employeurs devraient à son avis donner la chance et considérer les avantages d'engager des femmes plutôt que les raisons pour ne pas les engager. Elle ajoute que la mixité favoriserait une dynamique de fonctionnement plus fluide des chantiers et de productivité, avec moins d'agressions.

 

Réussite et fierté

Malgré les frustrations, elle est fière de son engagement syndical (comités du journal et de révision de la convention). Surtout de l'implantation pendant trois ans d'un comité de la condition féminine au local syndical et de son rôle bénévole d'intermédiaire sur les chantiers d'écoute des collègues en difficultés.

 

Sa seule déception syndicale est de ne pas avoir réussi à devenir un modèle féminin comme déléguée de chantier, « les portes s'ouvrent et se ferment ». Selon elle, il n'y a pas plus de femmes déléguées que contremaîtres ou dans les hautes directions, et celles qui ont un rôle important se comptent sur les doigts d’une main.

 

Barrières qui viennent peut-être à son avis de la perception que le milieu est le dernier principalement masculin. « C'est difficile d'accepter la nouveauté, de dépasser la crainte ». Depuis l'arrivée des femmes il y a 20 ans, elle déplore que leur nombre n'ait jamais significativement augmenté, à cause de va-et-vient lié aux difficultés d'intégration et de progression.

 

Elle ne manque pas d'idées pour changer les choses : valoriser l'axe travail-sécurité-vie, la conciliation travail/famille, interdire les photos obscènes, se saluer, s'encourager et se féliciter entre consœurs de tous les métiers, comme elles savent le faire, chacune en tant que mentore et modèle pour les autres.

 


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