Vent d’inquiétude dans le génie et la voirie

14 janvier 2014

Le temps est loin d’être au beau fixe pour les entrepreneurs du génie civil et de la voirie. Déjà préoccupés par la baisse des investissements dans le réseau routier québécois, voilà qu’ils appréhendent une multiplication des délais dans l’octroi des contrats publics.

Par Rénald Fortier

 

Malgré les retards qu’accusent nombre de chantiers d’infrastructures depuis le début de l’année, particulièrement à Montréal, l’Autorité des marchés financiers (AMF) faisait récemment part de l’abaissement, prévu pour l’automne, du seuil au-delà duquel certains contrats seront soumis à la Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics. Et elle invitait du même souffle les entreprises prévoyant soumissionner des contrats de 10 millions et plus à lui formuler une demande d’autorisation sans tarder.

 

Cette diminution annoncée de la valeur minimale des contrats touchés par la Loi 1 a eu l’effet d’une bien mauvaise surprise pour l’Association des constructeurs deroutes et grands travaux du Québec (ACRGTQ). « Nous savions que le seuil serait éventuellement abaissé, mais nous ne nous attendions pas à ce que ce soit dès l’automne prochain. Nous aurions souhaité que l’AMF prennent auparavant une bonne vitesse de croisière dans le traitement des demandes d’autorisation », commente Me Gisèle Bourque, directrice générale de l’organisme.

 

C’est que l’ACRGTQ observe que les délais encourus par les entrepreneurs pour obtenir une autorisation sont déjà longs, parfois très longs même. Comme ce fut le cas pour l’un de ses membres qui a déposé une demande à l’AMF en début d’année, après avoir formulé la plus basse soumission en réponse à un appel d’offres du ministère des Transports du Québec. Après report sur report, l’autorisation lui a finalement été délivrée peu après la mi-juin.

 

« Cet entrepreneur a attendu cinq mois avant d’obtenir son autorisation, c’est énorme, s’exclame Gisèle Bourque. Surtout que plus le temps passait, plus se profilait au-dessus de lui le spectre de l’annulation pure et simple de ce contrat majeur. Avec le contexte saisonnier que nous connaissons au Québec, ces contrats ne peuvent s’éterniser dans le temps. Il y a des échéanciers serrés à respecter. »

 

La directrice générale de l’ACRGTQ souligne que les délais ne sont généralement pas aussi longs que dans ce cas extrême, pour ainsi dire, se situant davantage autour de deux mois. Mais qu’ils ne posent pas moins de sérieux problèmes aux constructeurs, principalement sur les plans de la gestion et de l’organisation des chantiers. Comme ces entrepreneurs ne savent pas sur quel pied danser, il leur faut garder des équipes de travail en attente. Tout comme de l’équipement représentant un investissement important.

 

Si Gisèle Bourque convient que les choses semblaient s’améliorer ces derniers temps et que les autorisations de l’AMF étaient délivrées plus rapidement après une nécessaire période de rodage, elle n’en redoute pas moins l’abaissement de la valeur des mandats soumis à la Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics.

 

« Des contrats de 40 millions, il n’y en a pas tant que ça, explique-t-elle. Mais lorsque le seuil va se situer à 10 millions, le nombre d’entrepreneurs qui vont frapper à la porte de l’AMF va se multiplier. Nous ne pouvons donc faire autrement que de craindre un engorgement qui va occasionner encore plus de délais dans l’émission des autorisations et de retards dans le démarrage de projets. »

 

L’ACRGTQ a déjà adressé ses inquiétudes à des membres de la haute direction de l’AMF et du Conseil du trésor. Et elle entend bien continuer de mener des représentations en ce sens. « Ils sont bien au parfum de nos préoccupations à l’égard des délais, dit sa dirigeante. D’ailleurs, nous les avions déjà soulevées au moment où le projet de Loi 1 avait été présenté à l’Assemblée nationale. »

 

Volume d’ouvrage en baisse

Comme si ce n’était pas assez, l’ACRGTQ s’inquiète également de la tendance qui semble se dessiner du côté des investissements du ministère des Transports du Québec, lesquels totaliseront quelque 5,6 milliards de dollars au cours de la période 2013-2015. Une baisse significative par rapport aux sommes injectées dans le redressement du réseau routier supérieur dans les dernières années. Seulement de 2010 à 2012, ce sont 4 milliards qui y auront été consacrés annuellement.

 

« Le niveau des investissements est maintenu à un niveau acceptable du côté des structures, là où il y a des risques d’accident grave si l’on ne fait pas l’entretien requis, constate Gisèle Bourque. Mais dans le cas du réseau routier, il y a une baisse. C’est très préoccupant. »

 

Elle note que dans ce contexte, les membres de l’association peuvent plus difficilement planifier leurs besoins en équipement et main-d’oeuvre, notamment. « Pour les deux prochaines années, indique-t-elle, il y a un sous-investissement. Puis même si on nous dit que nous allons pouvoir planifier sur deux ans, lorsqu’il n’y a pas grand-chose à planifier, ce n’est pas une grande nouvelle. »

 

Pour l’ACRGTQ, cette baisse des investissements routiers freine le mouvement de rattrapage opéré sur le réseau ces dernières années. En plus de laisser présager le pire si elle devait se poursuivre plus longtemps encore.   Négliger l’entretien du réseau n’est pas sans conséquence, indique Gisèle Bourque. On reporte à plus tard un problème qui ne pourra que s’amplifier et devenir plus coûteux. Nous ne le savons que trop bien, nous l’avons déjà vécu dans le passé. »