Vers une voirie verte, un rêve de société

17 décembre 2012
Par Mathieu Fleury, architecte, P.A. LEED BD+C

Les notions de développement durable influencent le design de notre environnement, et ce, dans tous les secteurs et à toutes les échelles : du bâtiment à l’objet jusqu’aux grandes infrastructures de génie civil. Le réseau routier ne fait pas exception : de plus en plus, les considérations écologiques deviennent un enjeu incontournable dans la conception des routes.  Si à première vue, écologie et travaux routiers semblent totalement irréconciliables, de nombreux visionnaires, un peu partout sur la planète, travaillent à développer des routes plus vertes, à impact environnemental réduit.

 

Impacts environnementaux des routes

Les impacts environnementaux liés aux routes, amplement étudiés et documentés, sont multiples. De leur construction jusqu’à leur mise en service, celles-ci génèrent une pollution constante. Elles ont des impacts sur les paysages, émanent des gaz à effet de serre (GES), fragmentent le territoire et causent de nombreux dommages à la biodiversité.

 

Si les tendances actuelles cherchent à permettre le maintien et le développement de la biodiversité en milieu urbain, il est primordial que les approches écologiques se généralisent et soient appliquées sur l’ensemble de notre territoire. Le Québec, particulièrement riche en paysages naturels, en biodiversité et en ressources énergétiques vertes, a le potentiel de devenir un acteur d’avant-garde dans l’univers de la voirie verte.

 

Des impacts nombreux et variés

Pour concevoir des routes vertes, il est essentiel de bien saisir les impacts de celles-ci sur l’environnement. En premier lieu, la présence des routes a plusieurs effets directs sur la faune dont, évidemment, les accidents de la route. Chaque année, au Québec, on recense plus de 6 000 collisions entre automobilistes et animaux sauvages. En effet, certaines espèces animales sont attirées par les routes. L’effet d’îlot de chaleur attire reptiles et insectes, la végétation haute et dense des abords de routes attire renards et coyotes qui y trouvent un endroit où se dissimuler. Finalement, en période hivernale, les sels de déglaçage attirent de grands mammifères, tels le chevreuil et l’orignal.

 

Dans ces cas, la route devient tel un piège, souvent mortel, pour animaux et humains. À l’opposé, certaines espèces, tel l’ours, vont fuir les routes. Loin de les protéger, cette répulsion divise les populations animales, ce qui entraîne un affaiblissement des espèces, notamment du fait de la détérioration génétique qui s’ensuit.

 

La pollution engendrée par la circulation automobile a également d’autres effets, plus insidieux, sur la biodiversité et sur le climat. La pollution de l’air et des eaux environnantes ainsi que la pollution lumineuse modifient et parfois annihilent les habitats fauniques de proximité. Les émanations constantes de GES contribuent au réchauffement global de la planète et affectent, entres autres, l’ours polaire qui vit pourtant à des milliers de kilomètres de toute infrastructure routière.

 

De nombreuses solutions possibles

Que peux-ton faire ? Plusieurs options s’offrent à nous. La diminution du besoin en infrastructures routières ainsi qu’une réduction des déplacements constituent le premier pas vers une écologisation du réseau. Pour ce faire, la densification des milieux urbains, le développement des économies régionales ainsi que l’utilisation accrue du transport en commun constituent des stratégies efficaces. Néanmoins, même si l’utilisation du réseau routier se voyait réduite de manière significative, le besoin en infrastructures routières demeurera.

 

De plus en plus, les organismes en charge de la construction des routes, tel le ministère des Transports du Québec, sont sensibilisés aux impacts des routes sur notre environnement. Les approches conceptuelles évoluent en tenant compte des enjeux environnementaux. Des moyens sont mis en œuvre et des projets de routes vertes voient le jour.

 

Route 175 : un concept novateur

La route 175 est un exemple concret de concept routier novateur. Traversant la Réserve faunique des Laurentides, la « route du parc » dessert un territoire naturel où la faune est particulièrement abondante.  À plusieurs endroits stratégiques, des écoducs ont été mis en place. Ces tunnels, localisés sous la route, permettent la migration des animaux à travers le territoire, diminuant ainsi les risques de collisions. Et les résultats semblent probants : des caméras installées dans ces écoducs prouvent que les animaux les utilisent.

 

Des axes routiers verts dans le monde

Ailleurs sur la planète, d’autres projets s’attaquent aux émanations de GES générées par les routes. En Suède et en Norvège, des compagnies d’énergie travaillent en collaboration avec les autorités publiques pour construire un axe routier vert incluant des investissements dans des véhicules électriques et des infrastructures de recharge. En Amérique,  l’autoroute verte de l’ouest reliera la Colombie-Britannique à la Californie. Ce projet, impliquant tant des acteurs du secteur privé que des instances gouvernementales, vise à développer un corridor de circulation exclusivement réservé aux véhicules fonctionnant à l’électricité et autres énergies renouvelables. Les stations de recharge rapide supporteront les véhicules électriques grand public. Elles permettront aux véhicules de se recharger en moins d’une demi-heure pour une autonomie d’environ 100 km.  

 

En route pour un réseau routier d'avant-garde au Québec ?

En multipliant les bornes de recharge rapide, tant le long des routes que dans les stationnements des bâtiments, il semble possible de créer un réseau automobile entièrement électrifié. Grâce à la grande disponibilité de l’électricité verte au Québec, nous sommes particulièrement avantagés pour la mise en place  d’un ensemble routier d’avant-garde qui pourrait constituer un modèle pour le monde entier.

 

Imaginez. Le réseau électrique québécois est présent aux abords de la majorité de nos routes. Des parcs éoliens sont actuellement mis en service afin d’injecter davantage d’énergie verte dans le réseau. Nous investissons massivement, chaque année, pour la reconstruction et l’expansion du réseau routier. Imaginez. Des routes, construites de matériaux recyclés liés par des « bitumes végétaux », où la faune circule librement et sur lesquelles les automobilistes jouissent d’une sécurité accrue. Des routes où les lumières s’allument intelligemment lors de la détection de mouvements. Un axe Québec-Montréal fonctionnant sans énergie fossile ou encore une ceinture verte reliant le Québec d’est en ouest : une route 132 entièrement électrifiée, perméable, silencieuse et bucolique.

 

Joyeuses fêtes à tous les fidèles lecteurs de Constructo et, pour ceux qui devront se déplacer, prudence et bonne route.

 


L’auteur est architecte pour la firme Vachon & Roy à Gaspé. On peut communiquer avec lui par courriel à mfleury@vachonroyarchitectes.com.

 

Conseil du bâtiment durable du Canada - section du Québec

 

Cette chronique est parue dans l’édition du jeudi 13 décembre 2012 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !