[Au tribunal] Réponse à un appel d’offres : l’importance d’avoir les catégories de licences nécessaires

11 novembre 2019
Par Me Tania L. Pinheiro, sociétaire

Lorsqu’ils soumissionnent en réponse à un appel d’offres, les entrepreneurs doivent s’assurer de détenir toutes les catégories de licences nécessaires à la réalisation du contrat. Sinon, leur soumission pourra valablement être rejetée par le donneur d’ouvrage.

Ce principe a été réitéré par la Cour supérieure dans la décision P.E. Pageau inc. c. Société des établissements de plein air du Québec[1].

 

Les faits

En février 2017, la Société des établissements de plein air du Québec (« Sépaq ») lance un appel d’offres visant le réaménagement des voies d’entrée du Parc de la Chute-Montmorency. Les travaux envisagés comprennent également la construction de trois bâtiments pour les nouvelles guérites.

 

En réponse à l’appel d’offres, P.E. Pageau inc. (« Pageau ») dépose la plus basse soumission. Néanmoins, la Sépaq écarte sa soumission au motif que ce dernier ne détient pas l’une ou l’autre des deux licences requises pour la construction des bâtiments projetés, soit la licence de sous-catégorie 1.2 (Entrepreneur en petits bâtiments) ou celle de sous-catégorie 1.3 (Entrepreneur en bâtiments de tout genre).

 

À titre indicatif, les couts de construction de ces trois bâtiments correspondaient à environ 16 % de l’ensemble du contrat.

 

Pageau réplique que sa licence de sous-catégorie 1.4 (Entrepreneur en routes et canalisation) l’autorise à exécuter l’ensemble des travaux prévus à l’appel d’offres, puisque les travaux de construction des bâtiments constituent des travaux « similaires ou connexes » à ceux pour lesquels il détient une qualification. Pageau ajoute que son intention est, de toute façon, de confier en sous-traitance la construction de ces trois bâtiments à un entrepreneur détenant une licence 1.2 ou 1.3.

 

Pour ces raisons, Pageau estime que le contrat aurait dû lui être octroyé et réclame donc de la Sépaq le profit qu’il aurait réalisé si sa soumission avait été retenue.

 

La décision

Le tribunal conclut que la Sépaq a eu raison d’écarter la soumission de Pageau puisque la licence 1.2 ou 1.3 était obligatoirement requise pour l’exécution des travaux, en plus de la licence 1.4 détenue par Pageau.

 

Le tribunal rappelle que le donneur d’ouvrage n’a pas l’obligation d’indiquer dans son appel d’offres quelles sont les licences précises que l’entrepreneur doit détenir et qu’il appartient à celui-ci de s’assurer qu’il détient la ou les licences requises. De l’avis du tribunal, l’entrepreneur qui ne possède pas la licence appropriée au moment du dépôt de sa soumission n’a pas la capacité juridique de conclure le contrat faisant l’objet de l’appel d’offres. Il est d’ailleurs impossible de remédier à cette irrégularité.

 

Par surcroit, le tribunal rejette l’argument de Pageau voulant que les travaux de construction des bâtiments soient des travaux « similaires ou connexes » aux travaux couverts par la licence 1.4, à savoir des travaux qui concernent les routes et les voies publiques, les égouts, les aqueducs, les pipelines, les ouvrages ferroviaires et les tunnels.

 

Selon le tribunal, des travaux ne sont pas connexes simplement parce que leur exécution est requise aux termes du contrat liant l’entrepreneur au donneur d’ouvrage. En effet, les travaux connexes sont ceux qui sont sous-jacents aux travaux principaux ou, du moins, qui sont requis pour assurer ou accroitre leur fonctionnalité, qualité ou pérennité.

 

En l’espèce, les automobilistes n’ont pas besoin des trois bâtiments pour accéder au site du Parc de la Chute-Montmorency et ces bâtiments ne sont pas davantage requis pour assurer ou accroitre la qualité ou la pérennité des voies d’accès. Partant, même si l’ensemble fait partie d’un même projet et d’un même appel d’offres, les voies d’entrée et les bâtiments sont des œuvres indépendantes l’une de l’autre.

 

Le tribunal rejette également l’argument subsidiaire de Pageau voulant que le contrat aurait dû lui être octroyé puisqu’il avait l’intention de confier les travaux de construction des bâtiments à un sous-traitant détenteur des licences 1.2 ou 1.3.

 

De l’avis du tribunal, l’entrepreneur titulaire d’une licence est seulement autorisé à faire exécuter les travaux de construction compris dans sa propre sous-catégorie de licence. Ainsi, à moins d’exception, un entrepreneur général ne peut sous-traiter tout genre de travaux de construction, mais seulement ceux pour lesquels il détient une licence.

 

En effet, l’entrepreneur général qui ferait exécuter en sous-traitance des travaux qu’il n’est pas lui-même autorisé à organiser, coordonner ou exécuter en vertu de sa licence n’aurait pas les connaissances nécessaires pour s’assurer de leur qualité.

 

Conclusion

Cette décision rappelle l’importance pour un entrepreneur de détenir toutes les licences nécessaires à l’exécution d’un contrat avant de déposer une soumission, même s’il a l’intention de sous-traiter certains travaux.

 

 


1. P.E. Pageau inc. c. Société des établissements de plein air du Québec, 2019 QCCS 3938.

 


Pour questions ou commentaires, vous pouvez joindre Me Tania L. Pinheiro par courriel au tpinheiro@millerthomson.com ou par téléphone au 514.879.2115.

 

Miller Thomson avocats

 

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Cet article est paru dans l’édition du 22 octobre 2019 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.