27 février 2012
Par Benoit Poirier

L’aînée s’intéressait à la politique et est comptable de formation. La cadette a en poche son certificat d’enseignante en arts visuels. Des études supérieures qui ont mené les deux jeunes femmes à la direction d’une entreprise spécialisée… dans la conception, la fabrication, l’installation, l’entretien et la réfection de chaudières industrielles, institutionnelles et commerciales à haute efficacité énergétique.

 

Il faut dire que c’est dans l’entreprise familiale, Groupe Simoneau, que l’une et l’autre ont choisi de travailler pour aider à payer leurs études. Nancy la première. Elle a finalement eu la piqûre pour le monde de la construction et pour cette entreprise dont son père René allait bientôt lui céder les rênes, au tournant du millénaire.

 

Maintenant trentenaire, l’entreprise montérégienne n’offrait à l’époque que des services d’entretien et de réparation de chaudières. Aujourd’hui, elle a ajouté plusieurs cordes à son arc, faisant passer ses effectifs à quelque 90 employés et déborder son marché hors de la frontière.

 

« On a des clients un peu partout dans le monde. En ce moment, on est en train d’exécuter des contrats pour l’Afrique du Sud. On en fait aussi beaucoup aux États-Unis et au Québec. Cette année, le Québec a été un bon marché pour nous. Le Québec est bien vivant au chapitre de l’énergie », constate Nancy Simoneau, présidente du groupe du même nom.

 

Quelques années plus tard, c’était au tour de Maud de suivre les traces de sa sœur. Entrée dans l’entreprise à l’âge de 15 ans, elle a fait le tour du jardin au sein de divers postes à temps partiel. Juste comme elle s’apprêtait à entreprendre sa carrière d’enseignante, on lui a offert un poste de direction. Elle a accepté, mais pour une période de deux ans. « Finalement, je ne suis jamais partie ! »

 

La flamme

Ce qu’elles aiment de leur travail ? « La relation avec les employés. Le contact client. Et le sentiment d’appartenance à une entreprise que je connais depuis toujours », lance Maud, qui passait, en novembre 2011, à la direction de l’exploitation.

 

Nancy, elle, apprécie le côté fonceur et direct des gens de l’industrie. Originaire, comme sa famille, d’un petit village des Cantons de l’Est, elle retrouve aussi dans l’entreprise un côté simple et convivial qui lui plaît. Tout comme elle trouve inspirant ce travail qui l’amène à voir plusieurs organisations, à rencontrer plusieurs personnes, à répondre aux besoins spécifiques des clients. « J’aime le côté “construire des choses”. »

 

Et changer les pratiques, au besoin. Comme celle de déléguer la fabrication des brûleurs, que la compagnie assumait auparavant, à des firmes spécialisées pour se concentrer plutôt sur la fabrication et la distribution de chaudières à haute efficacité, notamment dédiées à la combustion de biomasse.

 

Avouant ne pas avoir un fort penchant pour le bénévolat ou l’aide directe aux personnes, Nancy Simoneau tient à faire sa part, à sa façon, au mieux-être de la société. C’est ce qui l’a motivée à se tourner vers le domaine de l’énergie, pour amener l’entreprise à devenir plus verte. « Tant qu’à faire des bouilloires, aussi bien les faire les plus efficaces possibles ! »

 

L’entreprise se voyait d’ailleurs remettre, lors du concours Les médaillés de la relève, la médaille d’argent, en mai 2011. Le concours est organisé annuellement depuis 2007 par le Centre international des familles en affaires McGill-HEC Montréal, en collaboration avec des partenaires.

 

La gestion au féminin

 « Maud et moi avons décidé de gérer notre entreprise comme des femmes, pas comme des hommes. De rester qui on est comme personnes. Moi, ça ne me tente pas de devenir un homme pour gérer une entreprise dans la construction. »

 

Nancy convient que d’être une femme dans ce domaine apporte des avantages. « Les gens se souviennent beaucoup plus de nous, parce qu’on n’est pas nombreuses dans notre domaine. De se faire connaître, c’est peut-être un peu moins compliqué. »

 

La gestion au féminin se traduit entre autres par des discussions ouvertes et honnêtes avec les employés, mentionnent les deux gestionnaires. Une souplesse dans les prises de décisions.

 

« Ça veut dire être moins rigide, indique Maud. On est davantage capables de discuter pour arriver à une solution. »

 

« Je ne suis pas en train de dire que tous les hommes en sont incapables, précise Nancy, mais c’est typiquement féminin d’avoir cette sensibilité-là, celle d’écouter. De dire aussi : “Ouais, je pense que sur ce point tu as raison. Je vais revenir sur ma position et je pense qu’on va avoir une meilleure solution en allant avec ton idée plutôt qu’avec la mienne.” »

 

Des femmes et des hommes

La présidente du Groupe Simoneau déplore cependant de ne pas être prise au sérieux parfois. « De temps en temps, les gens pensent qu’ils peuvent abuser de nous parce qu’on est des femmes. Mais ce n’est pas parce que “t’es fine que t’es nounoune” ! »

 

Les deux jeunes mères, respectivement dans la quarantaine et la trentaine, s’attristent surtout de constater que les mœurs évoluent parfois trop lentement. Nancy croit que la meilleure stratégie que les femmes doivent adopter est celle de la solidarité. Sans pour autant exclure tout masculin de leurs conjugaisons.

 

« Dans notre organisation, la direction est majoritairement féminine. On a beaucoup de femmes en postes de direction. J’aime ça m’entourer de femmes, confie Nancy. Pour travailler pour des femmes, ça prend une certaine personnalité. Nos employés hommes ont aussi une personnalité qui les rend aptes à travailler avec des femmes. »

 

Maud souligne cependant que ce ne sont pas tous les hommes qui sont prêts à devenir le subordonné d’une femme. « On l’a vu en entrevue avec des candidats qui ne prennent pas au sérieux l’idée que des femmes gèrent une entreprise comme ça. »

 

« On s’est déjà séparé d’employés parce qu’ils étaient misogynes », ajoute Nancy.

 

Connaître ses produits de A à Z, approfondir ses connaissances, être, en un sens, plus calées que les hommes dans leur champ d’activité.

 

« J’ai mis l’accent là-dessus et je pense que ça m’a servi au fil des ans, expose Nancy. Les femmes qui œuvrent dans la construction doivent être capables d’accepter qu’il faut qu’elles deviennent techniquement fortes. »

 

Elles donnent l’exemple d’une réunion où il n’y a qu’une femme et plusieurs hommes. Si la femme ne dit pas un mot, elle passera pour une personne qui ne connaît pas ses dossiers, alors que les hommes qui demeurent muets seront d’emblée jugés compétents, déplorent-elles.

 

« Cela étant dit, à un moment donné ta réputation se confirme, remarque Nancy. Je ne suis pas ingénieure, je suis comptable de formation. Mais il y a des ingénieurs qui m’appellent pour me demander conseil. »

 

Elle se sent, dans ces moments, heureuse que ses compétences soient reconnues par ses pairs et de constater que les pratiques évoluent. « Je trouve que c’est une belle récompense. »

 

Le vent l’emportera

Tout comme sa sœur Maud, Nancy Simoneau a à cœur l’évolution de la place qu’occupent les femmes dans l’industrie de la construction.

 

« On en rencontre quand même de plus en plus. Mais si j’avais un conseil à leur donner, c’est d’être très courageuse. Parce que, dans le fond, ton courage et ta persévérance viennent à rapporter le double que ça peut payer à un homme. Il ne faut pas se laisser abattre par les petits obstacles qu’on peut rencontrer.

 

« Tous les hommes en ont aussi. Il ne faut surtout pas devenir des victimes parce qu’on est des femmes ! Mais si on peut se soutenir les unes les autres, c’est tant mieux », conclut-elle.

 


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