Un outil pour évaluer la SST sur les chantiers routiers

15 octobre 2018
Par Marie Gagnon

Montréal s’est dotée d’un outil d’analyse pour brosser un portrait fidèle de la maitrise d’oeuvre sur ses chantiers d’infrastructures routières.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Ville de Montréal prend au sérieux la santé et la sécurité du travail (SST) sur ses chantiers routiers. Il faut dire que, comme la plupart des donneurs d’ouvrage, la Ville délègue sur contrat la maitrise d’oeuvre à l’entrepreneur général qui réalise les travaux. Mais si elle peut facilement évaluer le rendement du maître d’oeuvre en termes de délais, de communication et de conformité technique, il en va autrement lorsque vient le temps de mesurer sa performance en matière de SST.

 

C’est pourquoi, en 2016, l’administration municipale a mandaté IGF axiom, une firme de génie-conseil spécialisée notamment en maitrise d’oeuvre, pour qu’elle mette au point un outil d’analyse quantitative afin d’apprécier la performance des entrepreneurs sur ce point crucial. « En septembre 2015, nous avons instauré une liste de fournisseurs à rendement insuffisant, explique Philippe Sabourin, porte-parole administratif de la Ville.

 

Philippe Sabourin, porte-parole administratif de la Ville de Montréal. Photo de Ville de Montréal

 

« Les entrepreneurs dont le rendement était inférieur à 70 %, selon nos critères, se voyaient automatiquement inscrits sur cette liste et écartés de nos appels d’offres pour une période de deux ans, pour toute forme de contrat dont la valeur était supérieure à 100 000 dollars, précise t-il. En 2016, on a voulu bonifier cette grille d’évaluation en y incluant la gestion de la SST afin d’obtenir un portrait précis des fournisseurs, qui prend en compte tout l’environnement du chantier. »

 

Cohabitation sécuritaire

Avec plus de la moitié des rues en mauvais ou très mauvais état, ainsi que la plus forte densité d’infrastructures et de population du Québec, il devenait impératif pour la métropole de s’assurer d’une cohabitation sécuritaire entre les chantiers routiers et le milieu environnant. Encore fallait-il développer cet outil qui devait permettre une collecte rapide et efficace des données, dans un contexte limité tant par la durée des chantiers que leur dispersion sur l’ensemble du territoire montréalais.

 

Un défi de taille pour les spécialistes en SST d’IGF axiom, qui partaient de zéro ou presque. Pour le relever, ils ont d’abord fait une revue de la littérature sur la qualification et la pondération du risque. Ils ont ensuite recensé les dangers associés aux chantiers d’infrastructures, puis élaboré une grille d’évaluation répertoriant les éléments de la maitrise d’oeuvre pouvant contribuer à éliminer ces dangers. Cinquante-cinq éléments ont ainsi été retenus à cette fin.

 

Évaluation équitable

Afin d’établir une pondération entre les différents éléments, l’équipe d’IGF axiom s’est inspirée de la définition du risque de survenue d’un accident proposée en 1971 par W.T. Fine, à savoir la probabilité de la survenue, l’exposition à un danger et la gravité des conséquences d’un accident. Enfin, les 55 éléments répertoriés ont été regroupés, en fonction de leur corrélation, en neuf catégories distinctes où la gestion de la SST ainsi que les excavations et tranchées occupent une place prépondérante, soit respectivement 37,5 % et 25 %.

 

« Chaque danger a été évalué selon son risque de survenue, indique Alexandre Beaupré, vice-président à l’ingénierie chez IGF axiom. Par exemple, dans la catégorie Excavations et tranchées, la probabilité qu’une chute survienne est vraisemblable. On lui a donc accordé le maximum sur une échelle de 0 à 10. Même chose pour l’exposition au risque de chute, qui est continue tant que l’excavation n’est pas fermée. Et comme les conséquences d’une chute peuvent être fatales, l’échelle va jusqu’à 100.

 

« D’autres éléments ont un poids moindre, comme la tenue du chantier, qui fait partie de la catégorie Gestion de la SST. Ce n’est pas parce qu’ils sont moins importants, seulement on comprend qu’un chantier moins bien tenu comporte des dangers moins graves qu’une tranchée, illustre-t-il. Qu’un employeur oublie de transmettre son avis d’ouverture à la CNESST, ce n’est pas si grave. Mais c’est une autre paire de manches s’il n’a pas de plan de levage, parce que les conséquences peuvent être très graves. »

 

Outil convivial

L’outil mis au point par IGF axiom est très facile à utiliser. Il s’agit d’une simple grille d’audit répertoriant les neuf catégories de danger à l’intérieur desquelles sont répartis les 55 éléments à évaluer. En vis-à-vis, des cases à cocher offrant trois choix : oui, non et non applicable. Par exemple, si le chantier ne comporte aucun espace clos, l’auditeur cochera tout simplement la case « non applicable ». Si le chantier comprend une excavation, il cochera « oui ». Il vérifiera ensuite les autres éléments associés à l’excavation, comme l’étançonnement des parois et la présence d’une clôture.

 

« Ces renseignements sont ensuite compilés dans une base de données, dont on se sert pour mesurer la performance des entrepreneurs, note Alexandre Beaupré. On peut, pour une catégorie donnée, évaluer la réussite spécifique d’un entrepreneur ou celle de tous les entrepreneurs. Le but est de déterminer les catégories qui ont le moins bien performé et d’apporter des solutions aux situations problématiques. Ces données peuvent également servir à inclure de nouvelles exigences dans les appels d’offres. »

 

Adaptation et évolution

Il précise que cette grille d’audit a été conçue spécifiquement pour les chantiers d’infrastructures routières en milieu urbain dense, mais qu’elle pourrait aussi bien servir en zone rurale moyennant certains ajustements, notamment en ce qui a trait à la densité de population. Elle pourrait également être remaniée pour servir dans le bâtiment.

 

« Pour Montréal, l’objectif premier consiste à diminuer les risques potentiels qui ont une incidence directe sur les risques d’accident, résume Philippe Sabourin. Si les accidents diminuent, les couts d’indemnisation devraient aussi diminuer. Parce que c’est la Ville qui paye la note lorsqu’un piéton se blesse en raison d’une signalisation déficiente. Oui, on veut diminuer la fréquence des accidents, mais on veut aussi amener un changement de culture chez nos fournisseurs. »

 

LES NEUF CATÉGORIES DE LA MAITRISE D’OEUVRE
  • Gestion SST : 37,5 %
  • Excavations/tranchées  : 25 %
  • Prévention des chutes : 7,8 %
  • Port des ÉPIs : 7,7 %
  • Signalisation  : 7,2 %
  • Gestion des espaces clos : 5,9 %
  • Gestion de la silice cristalline : 5,4 %
  • Tenue des lieux : 3,3 %
  • Gestion de la poussière : 0,4 %
  • Les pourcentages sont arrondis à la décimale près

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Cet article est tiré du Supplément thématique – Santé et sécurité 2018. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !