Un Réseau des travailleuses de la construction se tisse

28 septembre 2012
Par Christian Chaloux

La construction serait l’un des derniers milieux de travail où le nombre de femmes demeure minoritaire. C’est pour cette raison qu’un premier Forum Femmes CSN-Construction a été organisé les 22 et 23 septembre derniers à Drummondville.

 

Une cinquantaine de femmes provenant des quatre coins du Québec se sont réunies pour former le tout premier Réseau des travailleuses de la construction. L'un de ses objectifs sera de profiter de la prochaine négociation collective pour améliorer de façon importante les conditions qui favoriseront l'embauche de femmes dans la construction et permettre qu'elles travaillent plus longtemps.

 

« On voulait une opinion de ce qu’il faudra amener et inclure pour les femmes dans la prochaine convention collective », indique Karyne Prégent, responsable de la condition féminine à la CSN-Construction de Montréal.

 

Les situations problématiques rapportées lors du Forum sont nombreuses. Il y a la conciliation travail-famille, les situations de harcèlement, la difficulté à trouver son premier emploi, la rétention des travailleuses, sans oublier le manque de toilette sur les petits chantiers, par exemple.

 

 Karyne Prégent, responsable de la condition féminine à la CSN-Construction de Montréal. Crédit Normand Blouin/CSN

 

Famille monoparentale

Les femmes qui œuvrent dans la construction seraient souvent des mères monoparentales, d’où l’importance de la famille dans une semaine de travail. « Si elles doivent faire des heures supplémentaires, pas obligatoires selon la convention, ce n’est jamais facile pour celles qui ont des enfants à la garderie », observe Mme Prégent. La syndicaliste précise que des ajustements des heures de départ et d’arrivée sur un chantier pourraient également servir la cause des pères qui ont la garde de leurs enfants ou qui la partagent avec la mère.

 

Le harcèlement, une solution toute simple

Le harcèlement envers les femmes est également un sujet qui a été longuement discuté. Une solution est déjà appliquée par certaines entreprises de l’industrie. « Certains employeurs ont un code d’éthique qu’ils font signer à tous leurs employés. Les femmes qui travaillent dans ces entreprises ont dit qu’il y a avait moins de cas problèmes dans leur milieu, et les exemples ont été nombreux », précise Karyne Prégent. Les entreprises familiales ont également moins de cas de harcèlement envers les travailleuses.

 

Trouver un premier emploi

Malgré tout, l’accès à de nouveaux emplois pour les femmes de la construction est toujours un chemin rempli d’embûches. Elles sont victimes de préjugés autant du côté de la force physique que de la productivité. Un constat dont la CSN-Construction a pris bonne note. Certaines travailleuses qui sortent de l’école n’ont tout simplement pas accès à l’industrie, constate l'organisation.

 

« On se rend compte que les travailleuses qui ont déjà quelques années de métier ont plus de facilité à se trouver du travail, car elles ont maintenant réussi à se faire un nom. Elles ont déjà prouvé qu’elles sont bonnes », indique Mme Prégent pour souligner que les obstacles à franchir sont souvent en début de parcours.

 

« Il s'agit d'une faillite à tous les niveaux, a déclaré de son côté le président de la CSN–Construction, Aldo Miguel Paolinelli. Cette industrie et la grande majorité de ses acteurs sont fermées à l'entrée des femmes. Celles qui ont réussi à y œuvrer et à y gagner leur vie honorablement méritent beaucoup d'admiration, car elles ont persévéré et ont franchi plusieurs obstacles. »

 

Pas de carrière en construction

Les chiffres compilés par la Commission de la construction du Québec (CCQ) sont percutants. La rétention des travailleuses est problématique puisque 60 % d’entre elles quittent la construction après cinq ans. Parmi celles qui abandonnent le métier, 52 % sont victimes de discrimination, alors que les hommes qui changent de métier à cause de ce fléau représentent 6 %. Pour mettre en perspective les statistiques de rétention, il y a quand même 36 % des hommes qui ont quitté l’industrie après cinq ans de métier.

 

Selon la CCQ, les femmes ne représentent que 1,3 % de la main-d’œuvre disponible sur les chantiers. Ce chiffre peut apparaître minuscule, mais marque une progression remarquable si l’on compare au famélique 0,29 % de femmes actives en 1997.

 

Les métiers populaires auprès des femmes

Chez les apprenties, la présence des femmes est proportionnellement plus élevée dans les métiers de calorifugeur, carreleur, chaudronnier, peintre, plâtrier, et poseur de revêtements souples. Leur pourcentage y est supérieur à 3,5 %. À l’inverse, la part des femmes apprenties est inférieure à 1 % dans les métiers de briqueteur-maçon, couvreur, frigoriste, grutier, mécanicien en protection-incendie, monteur-mécanicien vitrier, opérateur de pelles et tuyauteur. Elles sont absentes du métier de mécanicien de machines lourdes.

 

Dans le cas des compagnons, le pourcentage de femmes dépasse 1 % dans seulement quatre métiers soit, calorifugeur (2,5 %), carreleur (1,1 %), peintre (3,0 %) et plâtrier (1,6 %). Ces chiffres sont tirés du rapport Présence des femmes en construction publié en 2011 par la CCQ.

 

Des participantes au premier forum Femmes CSN-Construction. Crédit Normand Blouin/CSN

 

Fin de semaine bien remplie pour les travailleuses

Les deux jours de réunion ont permis aux participantes d’entendre différentes conférences. Parmi celles-ci, l’avocate au service juridique de la CSN, Julie Sanogo, est venue dresser un portrait des droits des travailleuses face à la discrimination, le harcèlement  et les congés parentaux, entre autres. Audrey Murray de la CCQ a fait un bilan du nouveau programme d’accès à l’égalité qui sera déposé prochainement. Enfin, Hélène Vachon, membre du conseil d’administration du FRONT (Femmes regroupées en options dites non traditionnelles), a présenté les résultats d’une recherche qui expliquait pourquoi les femmes s’impliquent moins dans les mouvements syndicaux. Des tables rondes et des ateliers ont complété les activités de la fin de semaine.

 

L’avenir nous réserve d’autres rencontres du genre. Les négociations de la prochaine convention collective s’amorceront au courant de l’année 2013.