23 septembre 2016
Par Marie Gagnon

La présence de lignes électriques sous tension laisse planer une menace constante sur le chantier. Voici comment la tenir à distance.

Malgré les efforts de sensibilisation déployés par l’industrie et ses partenaires, le bilan des victimes d’accidents d’origine électrique s’alourdit chaque année au Québec. Pour la seule année 2014, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) fait état de 39 travailleurs blessés à la suite d’un tel accident. À ce portrait déjà sombre, la CNESST ajoute les 16 travailleurs décédés, au cours des cinq dernières années, par électrocution.

 

Parmi eux un jeune apprenti électricien qui a succombé en août 2015 en chutant de son escabeau après avoir reçu une décharge électrique de 120 volts (120 V). Et ces deux hommes qui, un mois plus tard, sont électrocutés lorsque le lampadaire qu’ils s’apprêtent à soulever à l’aide d’un camion-nacelle, bascule et touche une ligne électrique triphasée d’une tension de 25 000 volts (25 kV). Sans oublier tous ceux qui ont subi des brûlures lorsqu’ils ont été accidentellement traversés par le courant.

 

« Je dirais qu’entre cinq et sept travailleurs sont touchés chaque année par un incident impliquant une ligne électrique sous tension, avance Michel Ayotte, conseiller technique et SST à la Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ). C’est vrai qu’on constate une hausse des incidents depuis 10 mois. En même temps, les heures travaillées diminuent depuis trois ans. Il y a moins de boulot et on a tendance à vouloir aller plus vite. Or quand on va vite, on commet plus facilement des erreurs. Les règles de sécurité sont pourtant simples à appliquer. »

 

Des règles claires

M. Ayotte rappelle qu’il suffit bien souvent de respecter les distances d’approche minimales édictées par le Codede sécurité pour les travaux de construction (CSTC), pour se prémunir des risques associés à la proximité d’une ligne électrique aérienne. Si ces limites ne peuvent être respectées, car les travaux nécessitent qu’une pièce, une charge, un échafaudage, un engin de chantier ou un travailleur s’approche à moins de la distance minimale permise, il précise que le CSTC peut tout de même les autoriser, mais sous certaines conditions.

 

Cela peut être le cas si la ligne électrique est mise hors tension ou lorsque l’équipement de chantier est pourvu d’un limiteur de portée. L’employeur peut également outrepasser la distance minimale prescrite s’il a convenu, avec le distributeur d’électricité, des mesures de sécurité à appliquer au chantier. Le cas échéant, il doit transmettre à la CNESST une copie de cette convention, ainsi que la procédure de travail élaborée. Avant le début des travaux, il va sans dire.

 

Le système de blocage des Entreprises Rosario Martel permet de contrer les éventuelles défaillances techniques et les erreurs de programmation. - Photo de Rosario Martel inc.

 

La planification d'abord

« Qu’on utilise un échafaudage près d’une ligne aérienne ou qu’on creuse au pied d’un poteau électrique, on commence par un bon débroussaillage : on visite les lieux, on fait des croquis, on établit des mesures de sécurité, conseille Michel Ayotte. Si la ligne appartient à un redistributeur d’électricité, on communique avec lui pour déterminer les mesures à prendre pour sécuriser le chantier. Il y a une dizaine de redistributeurs au Québec, dont Hydro-Québec. Et ils ont tous leurs règles. »

 

Afin de faciliter la planification des travaux à proximité de ses installations, la société d’État a d’ailleurs publié un aide-mémoire à l’intention des entrepreneurs. Ce document d’une cinquantaine de pages fournit, étape par étape, la marche à suivre pour sécuriser ce type de chantier. Il répertorie les risques à surveiller, décrit la démarche de sécurisation et présente les principales mesures applicables en fonction du type d’installation.

 

On y trouve ainsi 11 mesures pour les lignes aériennes et une pour les lignes souterraines. Par exemple, pour isoler un branchement aérien basse tension (750 V ou moins), la société d’État installera des protecteurs de conducteurs isolants, assujettis au branchement au moyen de connecteurs à serrage mécanique. L’entretien d’un lampadaire sur un réseau moyenne tension (125 000 V ou moins) nécessitera pour sa part une nacelle isolée à 5 000 V et un gabarit non conducteur pour limiter le rayon d’approche à 1,2 mètre.

 

Plus le voltage augmente, plus les mesures de prévention sont sévères. Pour les travaux souterrains, le guide recommande d’abord d’appeler Info-Excavation, puis indique la marche à suivre pour excaver à moins d’un mètre d’un conduit électrique. Car les risques sont très importants, surtout dans les puits d’accès, rappelle Michel Ayotte. Il rapporte d’ailleurs que la WorkSafeBC, l’organisme britanno-colombien voué à la santé et la sécurité du travail, souhaite que soit accolée, aux travaux effectués à l’intérieur de puits d’accès, l’étiquette « danger extrême », et ce, même si les câbles sont isolés.

 

« C’est toujours plus simple de couper l’alimentation, mais ce n’est pas toujours possible, commente le conseiller de la CMEQ. Notre guide Travailler Hors-Tension couvre de 80 à 90 % des situations à risque, et c’est un très bon outil pour protéger les travailleurs et le public. »

 

UN LIMITEUR DE PORTEE INFAILLIBLE

L’an dernier, les Entreprises Rosario Martel (ERM) sont mandatées par RioTinto pour installer deux séparateurs d’huile à l’émissaire A de son usine d’Arvida. Jusque-là, rien de nouveau. Sinon que les réservoirs doivent être enfouis directement sous des lignes à 161 kilovolts (kV). Et impossible de les installer ailleurs, ils doivent absolument être situés en amont de l’exutoire et à proximité du poste de contrôle.

Pour être en règle avec le CSTC, l’entrepreneur doit donc respecter une distance d’approche minimale de cinq mètres. Une chose facile puisque les pelles sont équipées aujourd’hui d’un limiteur de portée. « Sauf que, sur les chantiers de RioTinto, il n’y a aucune place pour l’erreur, souligne le président d’ERM, Pierre Boudreault. On doit tout prévoir, les omissions comme les erreurs de programme et les éventuelles défaillances techniques. On a donc développé un système de blocage mécanique absolument infaillible, en appui au limiteur de portée. »

Installé à même les vérins hydrauliques du mât de la pelle, ce dispositif coupe automatiquement l’alimentation électrique du moteur aussitôt franchie la hauteur maximale spécifiée. Contrairement au système de blocage électronique que l’on trouve habituellement sur ces engins, ce système n’est pas actionné par l’opérateur et il demeure fonctionnel en tout temps.

 

RÉFLEXES À DÉVELOPPER

L’employeur appelé à travailler à proximité de lignes électriques doit observer ces six obligations en vertu du Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC).

  • Envoi d’un avis d’ouverture de chantier à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST)
  • Élaboration et application d’un programme de prévention comprenant un plan de localisation des lignes
  • Signature d’une convention avec le distributeur d’électricité
  • Transmission de la procédure de travail à la CNESST
  • Installation de pancartes de mise en garde
  • Formation des travailleurs sur les risques et dangers