23 septembre 2016
Par Léa Méthé Myrand

Déjà exigeant dans des conditions classiques, le travail sur un chantier peut devenir une véritable épreuve lorsque la température grimpe. Une préparation adéquate et une attention soutenue sont alors indispensables. Car les risques engendrés par la chaleur peuvent aller jusqu’à la mort.

C’est d’ailleurs en ayant à l’esprit le décès de deux travailleurs en 2003 et 2005, que la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a mis à l’ordre du jour la prévention des coups de chaleur et publié en 2015 le guide de référence intitulé Travailler à la chaleur... Attention ! à l’intention des employeurs et des travailleurs.

 

« L’employeur doit préparer un plan d’action, affirme Hassan Zarmoune, inspecteur à la CNESST et expert en hygiène du travail et risques physiques. Dès le printemps, il doit sensibiliser ses employés. Il est important d’évaluer l’intensité des tâches qu’ils auront à effectuer de manière à avoir les mesures en place à l’occasion des premières canicules qui peuvent se manifester de plus en plus tôt dans la saison. »

 

Du simple malaise au décès

Le coup de chaleur se produit lorsque la chaleur ambiante fait échec aux mécanismes dont le corps dispose pour se rafraîchir. Lorsque l’hydratation et la production de sueur ne suffisent plus, la température de la personne s’élève au-delà des 40 degrés Celsius et cause d’abord un malaise. S’il n’est pas pris en charge rapidement, le coup de chaleur peut endommager les organes internes et causer la mort.

 

Hassan Zarmoune, inspecteur à la CNESST - Photo de  Photo de René-Claude Senécal

 

Le Règlement sur la santé et la sécurité du travail prévoit les valeurs admissibles d’exposition à la chaleur en fonction d’un indice de température mesuré à l’aide d’un thermomètre à globe à boule humide. Or, ces valeurs sont difficiles à obtenir sans une prise de mesure laborieuse et des appareils sophistiqués.

 

Le guide de la CNESST, disponible en ligne, propose un calcul simple pour mesurer le risque posé par les conditions de travail, que l’on peut réaliser pour peu qu’on ait accès à un thermomètre et un baromètre, ou encore aux informations météo disponibles par Internet.

 

Plusieurs paramètres

La température ambiante ajustée pour tenir compte de l’humidité, de l’ensoleillement et du port d’un vêtement de sécurité permet de situer le risque sur une charte en fonction de l’intensité du travail fourni. La charte indique le temps de pause et la quantité d’eau fraîche à consommer afin de conserver des conditions de travail sécuritaires.

 

Lorsque le calcul révèle un risque élevé, on stipule que le travail doit cesser jusqu’à la mise en place des mesures nécessaires pour créer un environnement adéquat. « Un opérateur de machinerie lourde qui est affecté par un déséquilibre ou de la confusion, ça représente un danger pour ses collègues et pour les citoyens, dit Hassan Zarmoune. Il ne faut pas se rendre là. Pour pouvoir intervenir adéquatement, la personne doit être sensibilisée aux symptômes et ses collègues aussi. » Si toutefois un malaise lié à la chaleur devait survenir, la sensibilisation des collègues peut faire la différence.

 

Prêt a intervenir

Aux premiers signes de grande fatigue, maux de tête, crampes, frissons, ou maux de coeur, on interrompt le travail et on prend la personne en charge. On la met au frais, à l’ombre, on lui donne 250 ml d’eau fraîche à boire aux 20 minutes et on la garde sous surveillance jusqu’à ce qu’elle ait pleinement récupéré.

 

On doit obtenir une aide médicale d’urgence si la personne ne récupère pas ou si elle développe les symptômes suivants : de la confusion mentale ou de l’agressivité, sa peau rougit et cesse de produire de la sueur, de la nausée, une respiration et un rythme cardiaque rapide.

 

Entre 2010 et 2014, la CNESST a dénombré 22 cas de travailleurs victimes d’un malaise attribuable à la chaleur. Selon la Loi sur la santé et la sécurité du travail, l’employeur doit « s’assurer que l’organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l’accomplir sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur ». Il est également tenu d’ « utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur ».

 

Anticiper et surveiller

Dans la prévention des malaises liés à la chaleur, cela peut se traduire par une planification des tâches et des postes de travail qui tient compte de la course du soleil et de la progression de la température ambiante au cours de la journée.

 

On privilégiera l’exécution des travaux à haute intensité tôt le matin, ou du côté ombragé. L’employeur doit tenir compte du niveau d’acclimatation de chaque personne dans l’attribution des tâches, s’assurer de relever à intervalles courts et réguliers les travailleurs exposés à la chaleur et de ne laisser personne travailler seul.

 

Le maître d’oeuvre devrait installer les surfaces de préparation, les aires de repos, et la prise de repas dans des endroits frais et bien ventilés. Il est enfin fondamental de sensibiliser les travailleurs à l’importance de boire un verre d’eau aux 20 minutes, peu importe la soif ressentie, et de les inciter à s’interrompre et alerter un collègue au premier signe de malaise. « Ce n’est pas la peine d’ignorer les signes et d’empirer la situation, insiste Hassan Zarmoune. Mieux vaut prendre le problème à la racine en modifiant les conditions de travail ou le rythme d’exécution. »

 

FAITES LE PLEIN D’EAU

Dans la zone de danger, un travailleur doit boire 1 litre d’eau fraîche à l’heure pour se prémunir contre le risque de coup de chaleur. Sans un accès immédiat à de l’eau potable et fraîche, l’employeur devra donc assurer le transport sur le chantier d’un volume d’eau correspondant à 1,5 litre par heure par travailleur et prévoir le moyen de la conserver fraîche, soit entre 10 et 15 °C.