EBI - Valoriser l’énergie des matières résiduelles

7 février 2014
Par Marie-Ève Sirois

Valoriser l’énergie des matières résiduelles au moyen d’une centrale de cogénération visant la certification LEED-NC, niveau Platine. Bienvenue aux installations d’EBI à Saint-Thomas, dans Lanaudière.

Début 2010. Hydro-Québec lance un appel d’offres pour intégrer à son réseau une forme d’électricité provenant de la biomasse. Pour l’entreprise familiale EBI, c’est l’occasion à saisir pour concrétiser un projet de centrale de cogénération au biogaz. À l’époque, l’entreprise donne déjà dans la gestion intégrée des matières résiduelles en assumant la collecte et la mise en valeur par le recyclage, mais aussi par l’exploitation énergétique des biogaz.

 

« Nous étions en réflexion sur les modes de valorisation des biogaz captés au site d’enfouissement de Saint- Thomas, relate Luc Turcotte, directeur de l’ingénierie chez EBI. L’usine avait atteint sa capacité maximale de transformation et les prix du gaz étaient faibles. Il fallait agrandir ou valoriser la ressource autrement. » Il faut rappeler que depuis 2003, plus de 7 000 mètres cubes de biogaz à l’heure sont collectés à partir de ce site, près de Joliette.

 

Avec l’aval d’Hydro-Québec au printemps 2010, l’équipe d’EBI se donne comme objectif de concevoir, construire et démarrer une production électrique alimentée au biogaz en 28 mois, soit pour juin 2012. Luc Turcotte explique : « Au début, nous sommes allés visiter des projets semblables en Amérique du Nord, notamment en Pennsylvanie et dans l’état de New York. Les niveaux de production n’étaient pas toujours constants, comme l’exigeait Hydro- Québec. Nous nous sommes donc inspirés du meilleur de ces usines, sans répéter leurs erreurs. »

 

Valoriser l’énergie des matières résiduelles

 

Désormais, 60 % du biométhane capté est maintenant utilisé pour la production d’électricité alors que la balance est purifiée à un niveau supérieur pour l’obtention de gaz naturel vert. À ce chapitre, l’entreprise a d’ailleurs transformé une partie de sa flotte de camions au gaz naturel comprimé. « Sa combustion est plus propre que le diésel. Nos 60 camions sont exempts de système antipollution, ce qui augmente leur performance énergétique », précise Luc Turcotte.

 

La nouvelle centrale de cogénération possède une efficacité de production électrique de 64 %. Une portion de la chaleur résiduelle est utilisée pour chauffer le bâtiment d’un peu plus de 1 100 mètres carrés, où sont installés quatre employés. Là où EBI innove, c’est en utilisant sa chaleur pour chauffer à 15 degrés Celsius les eaux de lixiviation du site d’enfouissement, traitées à l’aide de microorganismes.

 

Visée LEED Platine

Côté construction, EBI voulait aller plus loin que le simple bâtiment industriel. « Nous voulions matérialiser et signifier notre engagement environnemental, indique Luc Turcotte, c’est pourquoi le plus haut niveau de certification LEED nous intéressait. » La conception a débuté en mai 2010 ; les travaux en juillet 2011.

 

« Nous n’aurions pas pu réussir ce projet à temps sans la modélisation 3D, fait remarquer l’ingénieur de formation. L’accent a été mis sur la préfabrication pour gagner du temps. Il y avait parfois 80 personnes qui s’affairaient à la construction de l’usine. Sans modèle bien précis, ça n’aurait pas été possible. »

 

Au-delà d’une précision exemplaire, durabilité et longévité de l’usine étaient aussi au menu. « Les socles des groupes électrogènes ont été coulés avant tout le reste, pour permettre au béton de maturer avant qu’il soit contraint. Et pour faciliter l’installation des groupes électrogènes, raconte Luc Turcotte, le bâtiment a été construit après leur installation, autour de ceux-ci. Nous avons aussi dissimulé la tuyauterie dans des caniveaux de manière à pouvoir déplacer, réparer ou remplacer des groupes électrogènes sans être gênés par les tuyaux. »

 

L’usine est équipée d’outils de levage, d’un pont roulant et il y a un dégagement entre les machines pour faciliter l’entretien et le travail des employés. Le bâtiment est chauffé, éclairé et climatisé grâce à la centrale, donc complètement autonome sur le plan énergétique. Aucune nouvelle émission de gaz à effet de serre n’est générée par ce dernier.

 

Le pari fut gagné : le 4 juillet 2012, l’exploitation était lancée. Au final, EBI aura investi 25 millions de dollars dans la construction d’une centrale de cogénération autosuffisante, automatisée et avec de très faibles coûts d’exploitation. L’entreprise est toujours en attente d’une réponse du Conseil du bâtiment durable du Canada pour sa demande de certification LEED-NC, niveau Platine. Lorsqu’elle a été déposée pour analyse, la grille soumise affichait 83 points sur une possibilité de 110.

 

ÉQUIPE DE PROJET
Client : EBI
Génie (structure, civil, électromécanique) : Aecom
Architecture : Christian Blouin Architecte
Construction : Construction Gilles Malo

 

UNE CENTRALE DURABLE
  • Bâtiment carboneutre et autonome sur le plan énergétique
  • Restauration et protection d’un milieu humide sur le site Captation de 100 % des eaux pluviales avec acheminement vers un milieu humide
  • Traitement des eaux usées du bâtiment sur place, à même les bassins de lixiviats
  • Réduction de la consommation d’eau potable de 42 % par rapport à un bâtiment équivalent grâce à des appareils de plomberie efficaces
  • Éclairage et ventilation contrôlés par détecteurs de mouvements
  • Matériau à contenu recyclé : acier (75 %), revêtement métallique (84 %), gypse (99 %)
  • Bois FSC pour les menuiseries, parapets et le mobilier Peintures, enduits et adhésifs à faible teneur en composés organiques volatils (COV)
  • Équipements de bureau sans urée formaldéhyde
  • Emploi de 40 % de matériaux régionaux
  • Volet éducatif au sujet de la gestion des matières résiduelles

 

VALORISATION DES BIOGAZ
Sept faits saillants entourant la valorisation des biogaz :
  1. Réduction annuelle de 625 000 tonnes de CO2 grâce à la captation des biogaz du site d’enfouissement, qui ne sont pas émis dans l’atmosphère sous forme de méthane
  2. Centrale conçue pour produire 10 MW d’énergie électrique (9,4 MW minimum) et jusqu’à 6,1 MW d’énergie sous forme de chaleur
  3. production journalière de 2 500 GJ d’énergie à partir des biogaz
  4. efficacité énergétique globale de la centrale de cogénération de 64 %
  5. utilisation de la chaleur résiduelle : 20 % pour le chauffage, 80 % pour l’activation du lixiviat
  6. pour 2013, l’électricité est vendue à Hydro-Québec au prix de 0,105 $/kWh, un taux qui est indexé chaque année
  7. sept groupes électrogènes, dont six en exploitation, d’une capacité unitaire de 1,6 MW.

 

 


Cet article est tiré du Supplément thématique – Environnement 2013. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !