Transporter son équipement en région éloignée

Déplacer de l’équipement en région éloignée n’est pas nécessairement une mince tâche. Des solutions pour le transporter sans accroc, et au meilleur coût.

Par Michel De Smet

 

Les chantiers en zones éloignées sont appelés à se multiplier au cours des prochaines années. Le Plan Nord en particulier, s’il tient ses promesses, devrait amener des entrepreneurs en génie civil et voirie ayant peu ou pas d’expérience de projets de ce type à se lancer dans l’aventure. Mais pour y parvenir, il est évident qu’il faut aussi songer à transporter des équipements souvent lourds et surdimensionnés sur le chantier.

 

Pour transporter la machinerie de petite et moyenne dimension, une remorque et un camion polyvalent capable de transporter des agrégats une fois rendu sur le chantier pourront sans doute remplir la tâche. Mais les choses se compliquent lorsque le mandat à accomplir implique de parcourir une longue distance avec des équipements lourds et au gabarit imposant.

 

Dans ce cas, la question qui va nécessairement se poser sera d’acquérir des véhicules de transport, éventuellement usagés afin de réduire les coûts d’acquisition, ou encore de faire appel à des entreprises spécialisées dans le transport d’équipements lourds.

 

« L’entrepreneur devra au préalable évaluer l’ampleur et la nature de son chantier. S’il décide de tout faire lui-même, il devra être certain que son matériel de transport sera utilisé fréquemment et, éventuellement, qu’il sera capable d’enchaîner avec d’autres contrats du même type », souligne Pierre Brunet, gérant du transport chez Transport Camille Dionne, à Laval.

 

Les avantages de l’impartition

Faire appel à un transporteur spécialisé, si la formule peut s’avérer plus coûteuse sur le coup, présente bien des avantages et permet de s’éviter nombre d’imprévus. C’est un choix qui permet de s’épargner les tracas de devoir assumer seul des opérations complexes pour lesquelles les entrepreneurs ne disposent souvent d’aucune expérience significative. Sans compter que ces derniers n’auront pas à investir dans des véhicules de transport dont ils feront éventuellement peu usage une fois que leur contrat en région éloignée prendra fin.

 

Pierre Brunet explique que le transporteur prendra à sa charge l’obtention des permis et, d’une manière générale, l’ensemble des procédures pour se conformer aux réglementations qui, si l’entrepreneur a des activités ailleurs qu’au Québec, sont spécifiques à chaque province canadienne comme à chaque État américain.

 

Lorsque la réglementation l’exige en raison de la nature du convoi, le transporteur peut également procurer à son client une voiture escorte équipée de gyrophare pour garantir la sécurité de l’acheminement au chantier de matériaux ou d’équipements surdimensionnés.

 

« De même, si nécessaire, un repérage sera effectué avant le passage du convoi afin de voir si aucun obstacle particulier (tunnel, pont trop exigu, câble électrique) ne se dresse sur l’itinéraire programmé. En pratique toutefois, et c’est là un avantage supplémentaire de faire appel à un spécialiste, le transporteur est familier avec le choix des trajets qui s’offre à lui pour les avoir empruntés régulièrement dans le passé », note René Dufour, ancien directeur du département de génie minéral de l’École Polytechnique de Montréal et conseiller sur plusieurs grands projets d’exploitation publics et privés.

 

Du reste, un transporteur expérimenté devrait être en mesure de proposer à ses clients, lorsque la chose est possible, plusieurs itinéraires faisant à la fois appel au réseau routier, mais aussi au transport fluvial, vers les ports de Sept-Îles, Baie-Comeau et Port-Cartier, ainsi qu’au chemin de fer.

 

« En combinant plusieurs modes de transport, nous sommes souvent en mesure de proposer des tarifs très avantageux à notre clientèle. Finalement, nous disposons d’une flotte de véhicules conformes à la réglementation en matière de charge si les opérations de transport doivent être exécutées durant la période critique du dégel, grosso modo entre la mi-mars et la mi-mai », ajoute Pierre Brunet.

 

Sur le chantier

L’arrivée des équipements sur les lieux de travail ne met pas pour autant un terme à la problématique de leur logistique. « À partir de là, il faut au minimum prévoir de disposer d’un atelier pour les réparations et la maintenance du matériel. Cela requiert une gestion logistique bien particulière parce que, en territoire nordique en particulier, il faut impérativement concevoir un bâtiment fermé, à l’abri des rigueurs climatiques.

 

« La question de l’espace disponible va également se poser, car les équipements de chantier, les pièces de rechange, les opérations de maintenance, mais aussi les matériaux de construction vont probablement se retrouver sous un même toit », explique Adel Francis, professeur au département de génie de la construction de l’École de technologie supérieure (ÉTS).

 

Pour ce dernier, une question cruciale demeure celle du nombre et de la variété des pièces de rechange qu’il faudra faire transporter jusqu’au chantier. De fait, en région éloignée, il faut redouter comme la peste le moindre bris qui pourrait paralyser, en tout ou en partie, les activités de l’entrepreneur.

 

« Il y aura donc un compromis à faire, car on ne pourra acheminer au chantier une quantité pléthorique de pièces. L’entrepreneur se fiera à son expérience. Nul mieux que lui connaît les pièces les plus vulnérables de ses équipements. Ces dernières devraient être acheminées en nombre suffisant sur le chantier », poursuit Adel Francis. Cet expert suggère également aux entrepreneurs, dans la mesure du possible, de choisir des équipements de chantier de même marque, une autre manière de réduire le stock qu’il faudra immobiliser sur le chantier.

 

« De plus, les zones éloignées du Québec sont plutôt bien desservies par des transporteurs aériens régionaux. Si une pièce venait à faire défaut et, à condition qu’elle ne soit pas trop volumineuse ou lourde, il est possible de la faire transporter pas voie aérienne, une opération qui devrait prendre généralement moins d’une demi-journée », indique René Dufour.

 

Choisir le bon transporteur

Comme un homme averti en vaut deux, l’entrepreneur devra également sélectionner la firme de transport qui lui donnera le meilleur service. « Notre secteur d’activité au Québec est composé d’un nombre limité d’acteurs, fait remarquer Pierre Brunet. Ces dernières années ont d’ailleurs été marquées par une tendance à la consolidation. Nos clients nous sont presque tous référés par le bouche à oreille. »

 

La réputation d’un transporteur constitue donc sa meilleure carte de visite. De plus, l’entrepreneur sera bien avisé de consulter le Registre de la Politique d’évaluation des propriétaires et des exploitants de véhicules lourds (RPEVL) auprès de la Commission des transports du Québec (CTQ). C’est une excellente source d’information sur la fiabilité des transporteurs spécialisés qui y sont tous obligatoirement répertoriés. On y trouve un dossier pour chacun d’entre eux avec une évaluation de leur comportement sur le plan de la sécurité routière et de la protection du réseau routier.