Rappel de l’importance de la licence RBQ

7 juillet 2014
Par Me Patrick Garon-Sayegh

Être titulaire d’une licence d’entrepreneur de la Régie du bâtiment, appropriée selon les types de travaux que l’on exécute, est une exigence essentielle pour tout entrepreneur ou sous-entrepreneur en construction qui œuvre au Québec. Les entrepreneurs en construction au Québec le savent déjà très bien mais se le font répéter. Les entrepreneurs de l’extérieur du Québec mais voulant y travailler ne le savent parfois pas, mais l’apprennent vite.

 

Cette exigence d’être titulaire d’une licence appropriée est surtout connue à cause de l’interdiction prévue à l’article 46 de la Loi sur le bâtiment, qui stipule que « Nul ne peut exercer les fonctions d’entrepreneur de construction, en prendre le titre, ni donner lieu de croire qu’il est entrepreneur de construction, s’il n’est titulaire d’une licence en vigueur à cette fin. Aucun entrepreneur ne peut utiliser, pour l'exécution de travaux de construction, les services d'un autre entrepreneur qui n'est pas titulaire d'une licence à cette fin. » Les conséquences pénales qui découlent du non-respect de cette exigence sont des amendes — qui peuvent être très salées — et l’entrepreneur fautif peut aussi voir sa licence suspendue ou annulée lorsque la gravité ou la fréquence de la violation le justifie1. Il s’agit là des conséquences les plus frappantes de ne pas être titulaire de la licence appropriée.

 

Mais à part les conséquences pénales, la Loi sur le bâtiment prévoit également des conséquences civiles lorsque l’on exerce les fonctions d’entrepreneur sans être titulaire de licence appropriée. Ces conséquences civiles sont souvent moins connues, mais peuvent être tout aussi désagréables pour un entrepreneur.

 

Parmi ces conséquences civiles se trouve l’effet sur la capacité d’un entrepreneur d’inscrire une hypothèque légale sur un immeuble, prévu à l’alinéa 2 de l’article 50 de la Loi sur le bâtiment, qui stipule : « Le propriétaire d'un immeuble grevé d'une hypothèque légale, visée au paragraphe 2° de l'article 2724 du Code civil et inscrite à la réquisition d'un entrepreneur qui n'est pas titulaire de la licence appropriée, peut demander la radiation de l'inscription de cette hypothèque, de même que celle de toute autre inscription s'y rapportant qu'aurait pu requérir l'entrepreneur. »

 

Cet alinéa a fait l’objet d’un certain nombre de jugements qui ont permis, au fil du temps, de mieux cerner comment il s’applique en pratique. Une décision2 de la Cour d’appel l’été dernier a d’ailleurs fait l’objet d’une de nos chroniques3. Une autre décision4 sur le même sujet, rendue par la suite par la Cour supérieure, et où l’entrepreneur s’est retrouvé perdant, suggère qu’il serait utile de rappeler les grands principes applicables en la matière. Voici donc un résumé de ces grands principes. 

 

D’abord, un entrepreneur doit être titulaire d’une licence appropriée durant toute la durée des travaux qu’il exécute et lors de l’inscription de l’hypothèque légale. Par conséquent, si un entrepreneur inscrit une hypothèque légale alors qu’il n’est pas titulaire d’une licence appropriée, le propriétaire pourra demander la radiation de cette hypothèque, et ce, même si l’entrepreneur était titulaire d’une licence appropriée durant les travaux.

 

Notons de plus que l’obtention d’une licence n’a pas d’effet rétroactif. Ainsi, si un entrepreneur devient titulaire d’une licence après avoir effectué des travaux, il ne peut tout de même pas inscrire une hypothèque légale pour les travaux qu’il a exécutés sans licence. Il en va de même si l’entrepreneur inscrit une hypothèque légale alors qu’il n’est pas titulaire de licence, mais qu’il obtient une licence par la suite. Dans les deux cas, le propriétaire de l’immeuble peut demander la radiation de l’hypothèque légale.

 

Il s’ensuit que l’entrepreneur qui n’est pas titulaire d’une licence au début des travaux mais qui obtient sa licence pendant les travaux et en est toujours titulaire lors de l’inscription de son hypothèque légale ne verra pas son hypothèque légale radiée. Cependant, la valeur de son hypothèque, dans la mesure où elle couvre l’ensemble des travaux exécutés, sera réduite par la Cour afin qu’elle ne couvre que les travaux qui ont été faits alors que l’entrepreneur était titulaire de sa licence.

 

Enfin, rappelons que si le propriétaire de l’immeuble était au courant du fait que l’entrepreneur n’était pas titulaire d’une licence, il ne pourra par obtenir la radiation de l’hypothèque, et ce, en vertu de l’alinéa 3 de l’article 50 de la Loi sur le bâtiment. Ceci est le revers de la médaille des conséquences pour l’entrepreneur, et tout à fait logique. En effet, un des objectifs de la Loi est de décourager le plus possible l’exécution des travaux de construction par des entrepreneurs qui ne sont pas titulaires d’une licence. Ainsi, la Loi punit les entrepreneurs d’une part, mais elle cherche d’autre part à décourager les propriétaires d’avoir recours aux services d’entrepreneurs non licenciés.

 

Les restrictions imposées à l’industrie de la construction par la Loi sur le bâtiment sont souvent critiquées, parfois à tort et parfois à raison. Peu importe la position que l’on adopte, il importe toujours de mettre sa critique en contexte en tenant compte des objets fondamentaux de la Loi, énumérés à l’article 1 de celle-ci. Ces objets sont d’assurer la qualité des travaux de construction des bâtiments et d’assurer la sécurité du public, en voyant notamment à ce que les entrepreneurs en construction soient des professionnels suffisamment qualifiés. À cette fin, l’exigence d’être titulaire d’une licence appropriée pour pouvoir exercer les fonctions d’un entrepreneur en construction prend tout son sens.

 

Alors, prenez bien soin de votre licence, et tâchez de la maintenir en bonne et due forme, car vos hypothèques légales — et bien plus — en dépendent.

 

1. Art. 70 para. 1 de la Loi sur le bâtiment.

2. Schnob (Entreprises J. Schnob) c. Parent, 2013 QCCA 923, demande d’autorisation à la Cour suprême refusée.

3. « Licence suspendue et hypothèque légale — l’eau et l’huile », journal Constructo, 6 août 2013, disponible en ligne.

4. «Thibodeau c. Thibault Électronique inc., 2013 QCCS 6093.


Vous pouvez adresser vos questions ou commentaires à Me Patrick Garon-Sayegh au 514-871-5425 ou par courriel à pgsayegh@millerthomson.com

Miller Thomson avocats

Cette chronique est parue dans l’édition du vendredi 13 juin 2014 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !