Les travaux de peinture sont-ils des travaux de construction ?

13 janvier 2010
Par Mathieu Turcotte

Parmi les nombreuses lois qui régissent le monde de la construction au Québec se trouve la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, mieux connue sous le nom de loi R-20. Cette loi, dont la portée est très large comme l’indique son intitulé, vise entre autres à mettre sur pied un système de surveillance de la qualification et de la compétence de la main-d’œuvre travaillant au sein de l’industrie.

 

C’est ainsi que pour réaliser des travaux de construction visés par la loi, un employeur et un salarié doivent être titulaires d’un certificat de compétence délivré par la Commission de la construction du Québec, à défaut de quoi ils pourront être poursuivis et se voir infliger une amende pénale de 200 $ à 400 $ pour un individu et de 800 $ à 1 600 $ pour une société.

 

Le champ d’application du régime de la loi R-20 est limité à la notion de travaux de construction telle que définie à la loi et à son règlement d’application. S’il ne fait aucun doute que la majorité des travailleurs de l’industrie sont visés par cette loi et assujettis à l’obligation de détenir un certificat de compétence, il existe toutefois de nombreuses zones d’ombre sur ce que constitue un travail de construction, notamment pour ce qui est des travaux de peinture, comme nous avons pu le constater dernièrement dans deux jugements mettant en cause des travailleurs de ce secteur.

 

Le cas des artistes peintres
Dans l’affaire Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Giroux, entendue cet hiver par la juge de paix Julie Dionne, il était reproché à M. Giroux d’avoir appliqué de la peinture sur un mur à l’aide d’un pinceau afin de créer un effet de faux-fini sur l’extérieur d’un édifice commercial en construction à Matane. Selon les inspecteurs de la Commission de la construction, ce travail est compris dans la notion de construction et M. Giroux devait conséquemment être titulaire d’un certificat de compétence du métier de peintre.

 

M. Giroux, quant à lui, se décrit plutôt comme un artiste peintre et muraliste, se spécialisant dans la création murale d’ambiance. Il témoigne utiliser une méthode qui lui est propre et rappelle que ses œuvres sont uniques et qu’il s’agit de créations artistiques.  Son rôle n’est pas de peindre le mur, qui est déjà peint par un tiers, mais plutôt de créer une œuvre. Il plaide que conformément à l’alinéa 13 de l’art. 19 de la loi R-20, celle-ci ne s’applique pas « à la réalisation ou à la restauration d’une production artistique originale de recherche ou d’expression ou à son intégration à l’architecture d’un bâtiment […] ».  La poursuite, quant à elle, plaide l’inapplicabilité de cette exception puisque M. Giroux n’est pas membre d’une association reconnue dans le domaine des arts, tel qu’exigé par la loi R-20.

 

La juge Dionne, dans sa décision, commence par rappeler que les travaux de peinture sont en soi visés par la définition de construction, en tant qu’élément de finition faisant partie intégrante de l’érection d’un mur. Dans le cas présent, elle constate toutefois que le mur en question avait déjà été peint par un tiers et que, comme le travail de M. Giroux n’était pas nécessaire à la finition de celui-ci, il ne constituait par un travail de construction. La poursuite a donc été rejetée et l’artiste peintre blanchi.

 

Le cas des meubles non incorporés
Dans la décision Directeur des poursuites criminelles et pénales c. 9172-0946 Québec inc., rendue en début d’année par la juge de paix Lucie Morissette, l’infraction reprochée consistait à avoir effectué des travaux d’entretien et de peinture sur les casiers d’une polyvalente située à Rivière-du-Loup, le tout sans détenir de certificat de peintre.

 

Pour l’inspecteur de la Commission de la construction dépêché sur les lieux, le fait que les casiers soient d’un poids qui en rende difficile le déplacement permet de les assimiler au bâtiment en tant que tel et assujettit les travaux de peinture sur ceux-ci à des travaux de construction visés par la loi R-20.

 

La juge Morissette rejette d’emblée cette prétention, et rappelle que même si les casiers étaient boulonnés entre eux, voire vissés au sol, ils n’en perdraient pas leur caractère d’amovibilité. 

 

La question centrale, pour la juge, est plutôt de déterminer si ces casiers font partie intégrante de l’école au point où ils doivent être considérés comme une extension du bâtiment,  par exemple une allée de quilles dans une salle de quilles ou des armoires dans une cuisine, pour reprendre des cas étudiés en jurisprudence. Or, pour la juge, bien que les casiers soient nécessaires au bon fonctionnement d’une école, ils ne font pas partie intégrante du bâtiment, et leur entretien n’est donc pas assujetti à la loi. La poursuite a donc été rejetée et l’entrepreneur a pu s’en tirer sans casier.

 


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Miller Thomson Pouliot