Dans les cartons depuis quelques années, le pont enjambant la passe d’Uupaachikus à Mistissini est en voie de se matérialiser. Long de 160 mètres et large de 9,25 mètres, il est fabriqué de poutres en bois lamellé-collé assemblées en arches semi-continues. Sa construction, qui est assurée par la coentreprise Nisk et BSL, s’est amorcée l’an dernier avec la coulée des fondations. À l’heure actuelle, le bétonnage des culées et des trois piles qui le soutiennent tire à sa fin. Quant à la charpente, sa mise en œuvre s’est amorcée en juillet et s’étalera jusqu’à la fin novembre.
« Les ponts de bois ne sont pas monnaie courante au Québec, reconnaît Alessandro Cirella, chargé de projet pour Dessau, la firme qui signe la conception de l’ouvrage et en assure la mise en œuvre. Et ce n’est pas facile non plus de convaincre son client d’opter pour une telle structure. Mais dans ce projet, le contexte favorisait le choix du bois. D’abord parce qu’à Mistissini, le coût du béton et de l’acier est d’environ 25 % plus cher que dans les grands centres urbains. Ensuite, parce que l’usine de Chantiers Chibougamau, qui a fabriqué les éléments structuraux, se trouve à moins de 90 kilomètres du chantier. »
Deux points qui ont emporté la faveur de la communauté Cri, dont la forte croissance démographique justifiait l’accès à un plus grand territoire et qui souhaitait, du coup, faciliter l’exploitation d’une gravière où elle puise les matériaux granulaires nécessaires à ses projets de construction. Le projet comprend également la construction d’un chemin d’accès à la gravière et le prolongement de la Main Street jusqu’au pont. Sa réalisation nécessite, en tout et pour tout, un investissement de 12,5 millions $.
Alessandro Cirella rapporte en outre que les aspects architecturaux et environnementaux de la structure de bois ont également plu aux membres de la communauté. Comparée à celle d’une structure mixte acier-béton, l’empreinte carbone du bois est de loin inférieure. En effet, au final, la différence entre les deux solutions est de 1 472 tonnes d’équivalent de dioxyde de carbone (CO2), ce qui correspond aux émissions de gaz carbonique émises lors de la combustion de 640 000 litres d’essence.
Par ailleurs, le design du pont constitue en soi une innovation. En plus d’assurer la liaison entre les deux rives de la passe Uupaachikus, la structure doit en effet permettre le décollage et l’atterrissage d’hydravions qui, selon les conditions météorologiques, se font du côté sud ou nord de la passe. « Pour franchir la passe, nous avons donc conçu quatre travées d’une longueur respective de 37, 43, 43 et 37 mètres, précise l’ingénieur. Ce partage a été retenu pour équilibrer les efforts dans les poutres droites et les arches et pour limiter les flèches du pont. »
Quant au rayon de courbure des arches, de 10,8 mètres, il s’est vu limité par le pliage maximal des lamelles de bois, qui ne peut excéder 38 millimètres. Les arches, qui sont insérées entre les deux poutres droites principales, sont attachées aux piles et aux culées au moyen de connecteurs de type « rotule ». Ces connecteurs, qui permettent le pivotement des éléments en arche, facilitent leur mise en œuvre et évitent le recours à des structures temporaires.
Enfin, l’eau étant le principal ennemi des ponts de bois, des précautions s’avéraient nécessaires afin de minimiser les risques d’infiltration. Ainsi, la pente longitudinale du pont, qui est en moyenne de 2,5 %, favorise l’écoulement rapide des eaux de ruissellement vers la rive ouest du pont. Cette inclinaison, jumelée à quatre puisards – deux à l’est et deux à l’ouest, élimine l’installation de drains sur le tablier et, du coup, limite l’infiltration de l’eau dans le platelage du pont.
Ce dernier est d’ailleurs d’une étanchéité à toute épreuve. Il se compose en effet d’une membrane d’étanchéité au-dessus des poutres droites, de pièces de bois lamellé-collé de 184 sur 927 millimètres faisant toute la largeur du pont, d’un contreplaqué recouvert d’une seconde membrane d’étanchéité et, enfin, de béton bitumineux de 65 à 135 millimètres d’épaisseur pour créer le dévers de 2,5 %.
Cet article est paru dans l’édition du vendredi 4 octobre 2013 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !