Hydro-Québec se connecte avec le nord-est des États-Unis

3 avril 2024
Par Benoit Poirier

Deux nouvelles lignes de transport à courant continu reliant les réseaux électriques québécois avec ceux de New York et de la Nouvelle-Angleterre ont été entreprises en janvier 2024 par la société d'État.

Ces travaux, exécutés de part et d’autre de la frontière, visent à consolider ce lien stratégique entre les états limitrophes tout en optimisant leurs capacités d’échange.

 

«Nous avons notre réseau, au Québec, qui fonctionne à un certain rythme, comme un coeur qui bat. Puis on a les réseaux américains, qui battent aussi à leur propre rythme. Nous voulons ainsi créer une autoroute entre le réseau du Québec et celui de nos différents partenaires, que ce soit à New York ou en Nouvelle- Angleterre, pour être capables d’échanger de l’énergie, mais sans affecter le rythme d’aucun de ces réseaux », explique Louis-Philippe Bérubé, chef de projets à Hydro-Québec. De plus, contrairement aux interventions visant des endroits bien délimités comme des postes, les ouvrages linéaires ont la particularité de traverser des zones habitées.

 

L’enjeu, fait valoir le chef de projets, consiste à déterminer les tracés qui auront le moindre impact sur les plans environnemental et humain. La caractérisation du terrain permet quant à elle de cibler les endroits où sont anticipés des besoins particuliers et d’arrêter des choix. C’est ainsi qu’ont été retenues l’option d’une ligne en sous-sol, pour la ligne Hertel-New York, et celle d’un parcours aérien, pour la ligne Appalaches-Maine.

 

De multiples défis

Dans le premier cas, le défi s’est annoncé à la frontière, qui se situe sous l’eau. « Nous avons quelques câbles sous-marins, mais jamais d’interconnexion de cette ampleur-là, précise Louis-Philippe Bérubé. Cette particularité demande beaucoup de coordination. » En effet, deux tunnels devront être forés dans la rivière Richelieu, desquels seront tirés hors de l’eau 800 mètres de câbles haute tension fabriqués en Suède. Les équipements seront apportés sur des barges et les travaux seront effectués simultanément de part et d’autre de « l’interface ». Pour ce qui est du tracé enfoui sous terre dans son ensemble, « les joints entre les câbles, c’est relativement de la haute technologie. On ne parle pas de marettes, là ! », illustre-t-il.

 

Louis-Philippe Bérubé, chef de projets à Hydro-Québec. Crédit : Gracieuseté

 

Autres travaux, autres défis du côté de Thetford Mines, où prend naissance le tracé aérien vers le Maine pour lequel GLR a remporté les deux lots de construction. Son mandat : l’installation complète de 315 pylônes, parmi lesquels deux traverseront un bassin de la mine d’amiante avec une portée d’un kilomètre. Ce n’est pas la plus distante au Québec, mais c’est à tout le moins notable, et des études ont été requises pour assurer la stabilité des assises.

 

Pour l’entreprise cela requiert une grande préparation : « Ce projet demande beaucoup de planification, puis l’achat de matériel que nous n’utilisons habituellement pas, signale Pierre-Olivier Roux, gérant de projet chez GLR. Nous sommes obligés de modifier nos méthodes de travail étant donné la présence d’amiante et du fait qu’il s’agit d’un nouveau type de câble avec des tensions mécaniques plus élevées. »

 

Pierre-Olivier Roux, gérant de projet chez GLR, et Jean-Philippe Gagnon, directeur de projets chez GLR. Crédit : Gracieuseté

 

« Il faut adapter nos méthodes hors du commun pour être capable de respecter les critères d’Hydro-Québec », corrobore Jean-Philippe Gagnon, directeur de projets chez GLR, qui note que le découpage des travaux en sols canadien et américain a été bien fait. L’entreprise aura notamment le mandat de procéder au raccordement du côté américain.

 

Planification et coordination

Bien entendu, un savoir-faire et des équipements très spécialisés sont requis afin de mener à bien les travaux, tels les convertisseurs conçus sur mesure pour chacun des postes, et que tout soit livré dans les délais et fonctionne rondement. Mais pour l’ensemble des interventions et chacun des deux projets, qu’il s’agisse d’interactions avec les partenaires états-uniens, de retombées économiques pour les régions touchées et, surtout, d’enjeux de sécurité, une grande collaboration est nécessaire : « On ne peut pas développer un projet comme ceux-ci seulement avec des processus. On développe des projets comme ceux-ci avec des individus », souligne le chef de projets à Hydro-Québec.

 

Une « petite armée » de plusieurs centaines de travailleurs sera déployée, juste de ce côté-ci de la frontière, pour mener à bien les travaux. À cet effet, des rencontres sont régulièrement prévues avec les différentes équipes et les partenaires américains afin que chacun ait une bonne compréhension de ses rôles et de ses responsabilités.

 

Car, même lorsque les fins détails ont été anticipés des années à l’avance, les imprévus sont inévitables, ne serait-ce qu’en raison de la météo. Il importe donc, croit Louis-Philippe Bérubé, que chaque équipe fasse preuve d’ouverture et qu’elle soit capable de travailler avec des organisations qui ont des façons de fonctionner distinctes des leurs.

 

Deux projets montés en parallèle

L’interconnexion actuellement en construction entre le Québec, New York et la Nouvelle-Angleterre comporte deux tracés distincts. Sont ou seront entre autres mobilisées pour celui menant du poste des Appalaches au Maine les équipes d’Hitachi Énergie (avec Vinci Énergies Renouvelables/TCI et Canam), d’EGL Construction et de Gosselin Transport (avec Hitachi), pour ce qui est des travaux au poste, ainsi que de GLR, en ce qui a trait à la ligne. Du côté du lien entre le poste Hertel et New York, les interventions au poste sont ou seront notamment menées par Hitachi Énergie (avec Vinci Énergies Renouvelables/TCI et Canam), LA-Hébert, Construction Binet et Construction St-Arnaud. Pour ce qui est de la ligne en tranchée, Hydro-Québec a retenu les services de G-TEK, EBC, Transelec/Common (travaux civils), Robert B. Somerville (forage dans la rivière Richelieu) et Construction ARNO (tirage des câbles).

 

Ligne :

Appalaches-Maine

Hertel-New York

Type :

aérienne

souterraine (et sous-marine)

Distance :

100,9 km

57,7 km

Tension :

320 kV

400 kV

Travaux :

  • aménagement de chemins d’accès

  • ajout d’équipements de conversion au poste situé à Saint-Adrien-d’Irlande

  • déboisement

  • installation complète de 315 pylônes

  • déroulage des câbles

  • aménagement de chemins d’accès

  • ajout d’équipements de conversion dans un nouveau bâtiment au poste de La Prairie

  • construction d’une canalisation multitubulaire bétonnée en tranchée

  • construction de chambres de jonction souterraines et

    sous-marines en béton

  • installation des câbles et remblayage

Point d’interconnexion :

aérien

dans la rivière Richelieu

Coût estimé :

603 M$

1,15 G$

Mise en service :

fin 2025

printemps 2026