Vers des bâtiments vivants grâce à la certification Living Building Challenge

3 avril 2024
Par Benoit Poirier

Éclose en 2006 sur la côte ouest nord-américaine, la certification Living Building Challenge (LBC) est la plus rigoureuse jamais élaborée au chapitre du bâtiment et des projets durables.

Basée sur le principe du biomimétisme et prenant la forme d’une fleur, elle n’est accordée que 12 mois après la livraison d’un projet « vivant » que l’on doit démontrer être inspiré de la nature et entièrement autosuffisant.

 

Les architectes Antonin Labossière et Justin Boulanger, respectivement associé et chargé de projets chez Rayside Labossière, ont bien saisi l’ampleur de la tâche lors de l’agrandissement de leur immeuble datant d’une vingtaine d’années, de surcroît pendant la récente pandémie.

 

Pour ces précurseurs du mouvement LEED au Québec, l’occasion de pousser un peu plus loin la quête de solutions durables s’est présentée lors de ce projet de construction. « C’était de l’exploration, c’était l’idée d’être un laboratoire, d’être bien au fait de cette certification et de pouvoir en parler en connaissance de cause », indique Antonin Labossière.

 

La certification Living Building Challenge est la plus rigoureuse jamais élaborée au chapitre du bâtiment et des projets durables. Crédit : Rayside Labossière

 

« Living Building Challenge est unique parce que c’est très, très, très poussé. C’est plus puriste et ça dit que, s’il y a quelque chose de mauvais dans un produit, on ne le met pas, point ! »

 

Tout ou rien

Si un matériau s’avère toxique à produire ou à recycler en fin de vie ou s’il a un effet néfaste sur les usagers, il est tout simplement proscrit. « À cause de ça, on peut écarter des choses comme le plomb. Tout le monde est d’accord pour ne pas l’utiliser. C’est facile. Mais on retrouve également le polychlorure de vinyle (PVC). C’est un matériau pas cher, très universel, très flexible. On l’utilise partout, partout. Alors, essayer de construire un projet sans PVC est extrêmement difficile », déplore Justin Boulanger, pour qui LBC manque parfois de réalisme.

 

Justin Boulanger, chargé de projets chez Rayside Labossière. Crédit : Rayside Labossière

 

Il en va de même en ce qui a trait aux sources d’énergie, qui doivent être optimales. Sans concession. « Nous avons couvert 50 % de notre toiture avec des panneaux solaires et nous avons réussi à atteindre 12 % des besoins du bâtiment. Alors, il aurait fallu mettre des panneaux chez nos voisins, car il n’y avait pas assez de place sur le terrain », commente le chargé de projet. Autre exemple et nonobstant de nombreuses discussions sur le sujet, LBC ne considère pas notre hydroélectricité comme une énergie renouvelable, Hydro-Québec étant un producteur commercial.

 

Benjamin Zizi, directeur technique pour Évaluations Écohabitation, consultant technique pour les services d'efficacité énergétique et formateur. Crédit : Ecohabitation

 

En revanche, elle contient plusieurs aspects que salue Benjamin Zizi, directeur technique pour Évaluations Écohabitation, consultant technique pour les services d’efficacité énergétique de l’organisme ainsi que formateur. « C’est vraiment la seule certification qui empêche de construire une maison en milieu humide ou sur un terrain non développé, cite-t-il en exemple. C’est une vision simple, mais pas simpliste, ni élitiste. C’est de voir comment est-ce que nous pouvons arriver, avec nos impératifs de vie modernes, à garder cette simplicité-là. » À ce chapitre, il avoue être impressionné par ce que Rayside Labossière réalise. « Ce sont toujours de super beaux projets avec une composante sociale qu’on ne retrouve pas chez tous les professionnels. »

 

Les unes et les autres

Bien que peu de projets aient obtenu cette certification qui s’adresse à tous les types de bâtiments — à l’exception de projets plus modestes, question budget —, l’idée s’est répandue à travers le monde, comme une façon de mettre la barre plus haute. Peut-être un peu trop. Sans renier leurs intentions premières, les gestionnaires de la certification LBC ont diffusé une nouvelle version (Certification Core) qui se veut plus inclusive, en tenant compte que ce ne sont pas tous les promoteurs qui doivent faire face aux mêmes défis ou qui ont une proximité avec les mêmes ressources.

 

Car la certification LEED suscite maintes critiques. « Ce n’est clairement pas la meilleure. Nous le savons parce que nous le faisons; il y a plein de défauts », observe Benjamin Zizi. Antonin Labossière abonde dans le même sens, affirmant, à l’instar d’autres observateurs, que LEED a pris beaucoup de place, et ce, au détriment de « l’objectif ultime ». Quant aux certifications Well et Bâtiment à carbone zéro (BCZ), elles sont jugées « centrées sur le bienêtre des gens, parfois au détriment de l’environnement », pour la première, sinon « presque trop facile », dans le second cas.

 

Antonin Labossière, associé chez Rayside Labossière. Crédit : Rayside Labossière

 

« Comme dans le développement de toute norme, il y a inévitablement et heureusement une certaine naïveté je pense, à la base, ainsi qu’une volonté de sauver la planète. Et après, tu te rends compte, au fur et à mesure, que le diable est dans les détails et que ce n’est pas si simple. Et que si tu t’ajustes trop, finalement, il n’y a plus rien qui change. Que l’on vient juste certifier que ce que l’on fait déjà. » Mais, comme en politique, nuance-t-il, il y a les idéalistes et les pragmatiques. Les premiers montrent la voie, les seconds tentent de déterminer comment s’y rendre et l’emprunter.

 

Net Zéro, WELL, Passive House, LEED... Ces diverses références n’en viendront-elles pas à se nuire mutuellement, voire à s’amalgamer en se démocratisant ? Le directeur technique pour Écohabitation ne le pense pas. « Elles coexistent toutes. C’est vraiment un écosystème plus qu’une compétition. »