Bâtiments durables : vers de nouveaux principes directeurs

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1 novembre 2017 | Josée Plourde, Directrice du développement des affaires, Soprema Inc. et membre active de CREW M

Faisons un petit retour dans le temps, voulez-vous? Pas très loin, disons 10 ans… Vous rappelez-vous comment vous étaient présentés les matériaux de construction « verts »?

Chaque fabricant y allait de ses meilleurs arguments pour vous convaincre que son produit était le meilleur ami de l’environnement. Tel produit était plus durable. Tel autre était fabriqué d’ingrédients recyclés. Celui-là ne contenait pas de COV. Bien souvent, les fabricants ne fournissaient pas de preuves pour appuyer leurs dires. Comment faire un choix? Le monde de la construction faisait à cette époque ses premiers pas dans l’application des principes du développement durable au domaine du bâtiment et, du même coup, flirtait dangereusement avec le greenwashing… Le programme LEED®, apparu au Canada en 2002 sous la gouverne du Conseil du bâtiment durable du Canada (CBDCa), n’est pas étranger à cet éveil et à la progression de la prise en compte du développement durable dans notre très conservateur secteur de l’industrie.

 

La réaction du marché fut graduelle. Aujourd’hui, le secteur du bâtiment durable passe à une autre phase de sa transformation. La nouvelle version (V4) de la norme LEED® s’appuie notamment sur l’ajout de deux principes directeurs : la prise en compte de critères multi-attributs et la transparence.

 

Les critères multi-attributs

Les exigences visant les matériaux utilisés dans le bâtiment figurent parmi les grandes transformations du programme LEED®. Sélectionner ou favoriser des matériaux par un simple attribut (ingrédients régionaux, recyclés ou sans COV) ne suffit plus. Désormais, ceux-ci doivent être évalués en fonction de leur impact environnemental global et en considérant toutes les phases du cycle de vie du produit.

 

Plus spécifiquement, le crédit intitulé « Déclaration et optimisation des produits des bâtiments – Déclaration environnementale de produit » vise à favoriser l’emploi de matériaux qui sont couverts par une déclaration environnementale de produit (DEP). La DEP est un document rédigé selon un protocole normalisé ISO qui exige la réalisation d’une analyse de cycle de vie du produit. Cette analyse doit mesurer le potentiel d’impact environnemental du produit selon six catégories :

  • Le potentiel de réchauffement climatique (émissions de gaz à effet de serre), en équivalent de CO2;
  • Le potentiel d’appauvrissement de la couche d’ozone, en équivalent de CFC-11;
  • Le potentiel d’acidification des sols et des sources d'eau, en équivalent d’ion H+ molaire ou de SO2;
  • Le potentiel d’eutrophisation, en équivalent d’azote ou de phosphate;
  • Le potentiel de formation d’ozone troposphérique, en équivalent de NOx, d’ozone ou d’éthène;
  • Le potentiel d’épuisement des ressources énergétiques non renouvelables, en MJ.

 

Pour obtenir un point selon ce crédit, il faut utiliser un certain nombre de produits couverts par une DEP dans le bâtiment. De plus, il est possible d’obtenir un point supplémentaire en choisissant des produits dont la DEP démontre qu’ils présentent un potentiel d’impact environnemental inférieur à la moyenne de l'industrie pour au moins trois des catégories mentionnées ci-dessus.

 

La transparence

Le principe de transparence fait son apparition dans le programme LEED® V4 pour faciliter la vérification des allégations faites par les fabricants. Dans ce contexte, la transparence signifie l’intégration d’une étape de validation par une tierce partie indépendante. Pour que cette validation soit acceptable, le fabricant doit permettre à une tierce partie d’accéder à tous ses secrets, ses recettes, ses données de consommation, etc. Ce dévoilement se fait sous couvert de confidentialité et la tierce partie indépendante, en qui les professionnels de l’industrie ont confiance, peut attester que les informations du fabricant sont véridiques. Lorsqu’une DEP est ainsi validée par une tierce partie,  elle est empreinte d’un niveau de crédibilité bien plus élevé.

 

La transparence est aussi au rendez-vous du crédit intitulé « Déclaration et optimisation des produits des bâtiments – ingrédients des matériaux ». On y favorise l’utilisation de matériaux dont on connaît les ingrédients et les effets de ceux-ci sur la santé. La publication d’une déclaration transparente appelée « Health Product Declaration » (HPD) est d’ailleurs une des nombreuses options acceptables au sein de ce crédit. Le fabricant doit dévoiler dans une HPD tous les ingrédients qui composent son produit. Pour encore plus de transparence, une HPD peut aussi être validée par une tierce partie indépendante.

 

Les changements apportés au programme LEED® permettent de considérer les impacts du bâtiment dans leur globalité, ce qui ajoute une touche de cohérence avec plusieurs principes de développement durable. Ces exigences en matière de transparence faciliteront certainement le travail des agents de changements s’activant à mobiliser les acteurs de l’industrie vers des pratiques responsables. Au-delà du programme LEED, ces principes peuvent s’appliquer en tout temps et pour tous les bâtiments. Les fabricants soucieux de l’impact environnemental de leurs produits utiliseront maintenant leurs documents de déclaration transparente pour se mettre en valeur auprès des bâtisseurs et concepteurs.