Plus de femmes sur les chantiers mais des efforts restent à faire

6 décembre 2022
Par Maïté Belmir

Le secteur d’activité de la construction est réputé pour la sous-représentativité des femmes. Même si elles sont de plus en plus nombreuses sur les chantiers, elles restent minoritaires et les changements se mettent tranquillement en place.

La Commission de la construction du Québec (CCQ) a récemment publié un bilan de ses deux premières phases du Programme d’accès à l’égalité des femmes (PAEF) dans la construction qui s’est tenu de 2015 à 2021. Les résultats montrent des chiffres records à plusieurs niveaux : le pourcentage d’entreprises qui embauchent au moins une femme, la part totale des femmes dans le secteur ou encore le nombre de nouvelles recrues du genre féminin. Malgré ces réussites, le chemin sera long avant de penser à une potentielle parité.

 

Plus de femmes, dans plus d’entreprises

En 2021, les femmes ont dépassé la barre des 3 % des personnes présentes sur les chantiers de construction, pour atteindre 3,27 %. Cela représente au total 6 234 femmes, soit 1 361 de plus qu’en 2020. « C’est un objectif que nous nous étions fixé en 2015 », raconte Marie Noëlle Deblois, conseillère, affaires publiques et médias de la CCQ. « Nous souhaitions atteindre l’objectif en 2018, mais cela a été beaucoup plus long que souhaité. » 

 

Un autre résultat qui montre une nette progression est le nombre d’entreprises de la construction qui embauchent au moins une femme dans leur équipe. En 2021, ces entreprises représentaient 15 % de l'ensemble des employeurs en construction du Québec. Selon le rapport, il s’agit d’un ajout de 592 entreprises de plus par rapport à 2020, soit la plus grande progression connue historiquement. Cette statistique doit toutefois être nuancée : « C’est très bien ce 15 % des entreprises qui embauchent des femmes. Par contre, dans cette part, 66 % d’entre elles n’embauchent qu’une seule femme. Il y a une importante hausse, mais souvent les femmes se retrouvent seules lorsqu’elles intègrent une entreprise », précise Marie Noëlle Deblois. À noter tout de même que selon le rapport, le nombre d’entreprises qui embauchent une ou plusieurs femmes a doublé depuis 2015.

 

Un travail de longue haleine

C’est en 2015 que la CCQ a lancé son programme d'accès à l'égalité des femmes composé de quarante mesures, réparties en trois volets : le soutien au parcours des femmes, la création d’un milieu favorable, inclusif et respectueux, et l’assurance d’une responsabilité partagée. « C’est un programme avant-gardiste, car c’était la première fois qu’on mettait en place un projet en collaboration avec les associations patronales et syndicales », raconte Mme Deblois. Ce travail d’équipe semble avoir porté ses fruits au vu des résultats et des objectifs atteints.

 

Pour Julie Marinier Desjardins, directrice générale de l’organisme Elles de la construction, les choses ont tendance à changer. « Le hashtag Me too a été assez important. Les comportements dits inacceptables en milieu de travail sont de plus en plus compris et évités. »

 

C’est aussi ce que constate Marie Noëlle Deblois : « Il y a un changement des cultures ces dernières années. La sous-représentation des femmes est maintenant reconnue. Il y a eu une mobilisation des parties et ça a eu une grosse influence sur l’arrivée des femmes dans l’industrie », ajoute-t-elle.

 

Des difficultés sur le terrain

Le rapport tire un portrait statistique du marché de la construction. Les causes et facteurs sociaux n’y figurent pas. Selon Marie Noëlle Deblois, les femmes subissent encore beaucoup de discrimination et de harcèlement sur les chantiers. « Cela peut décourager les femmes à rejoindre l’industrie », précise-t-elle.

 

C’est le même constat du côté des Elles de la construction. « Lors du  Rassemblement pour les femmes de métier qui s'est tenu début octobre, j'ai constaté à quel point les femmes de la construction avaient, dans la majorité d’entre elles, des expériences de harcèlement à raconter », explique Julie Marinier Desjardins. « Le but n’est pas de stigmatiser les travailleurs du genre masculin. Il suffit parfois d’une seule personne sur un chantier pour créer une situation, précise-t-elle.

 

Ces difficultés favorisent aussi le départ des femmes, qui ne restent en moyenne que quelques années. Alors qu’elles sont peu nombreuses à rejoindre l’industrie, c’est plus d’une femme sur deux qui quittera après cinq ans de métier. Il faut donc travailler sur la rétention des travailleuses.

 

« Selon les études de la CCQ, le climat de travail est l’une des causes de départ des femmes, tout comme l’intimidation et la discrimination. Les femmes font 74 % des heures des hommes, donc elles travaillent moins que ceux-ci. Et enfin, la conciliation travail-famille est un point à améliorer », explique Mme Deblois.

 

Quelles solutions ?

Pour lutter contre ces schémas et offrir un environnement de travail plus équitable et sécuritaire, de nombreuses initiatives sont mises en place. Il existe des programmes de sensibilisation, pour accompagner les travailleurs et les syndicats à ces sujets, explique la représentante de la CCQ.

 

« L’objectif ici est de donner les outils nécessaires pour ne plus tolérer les propos et comportements inacceptables sur les chantiers », ajoute Mme Deblois.

 

Le recrutement des femmes est aussi un levier à considérer. En effet, elles ne représentent qu’à peine 9 % des entrées totales dans l’industrie. C’est un des points stratégiques pour Mme Marinier Desjardins. Pour elle, la promotion des métiers de la construction devrait être faite dès le plus jeune âge. « Faire la publicité des DEP comme alternative intéressante au cégep pourrait contribuer à augmenter le nombre de femmes qui se dirigent vers les métiers de la construction. » C’est probablement le plus gros obstacle.

 

De leur côté, les Elles de la construction travaillent à un projet qui verra bientôt le jour. Il s’agit d’une certification qui permettra d’identifier les entreprises qui offrent un environnement de travail sain. « Cela garantira que les équipes auront reçu une formation contre le harcèlement psychologique et sexuel », détaille Mme Marinier Desjardins.

 

L'organisme mettra également en place un mentorat entre une travailleuse expérimentée et une travailleuse débutante. Pour les Elles de la construction, ce type de projet peut vraiment aider les femmes à se sentir mieux entourées et plus accompagnées.

Cet article est paru dans l’édition du 24 novembre 2022 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.