MCF Lab, un projet pour stimuler l’innovation en construction

27 janvier 2025
Par Aurélia Crémoux

Une entreprise a tout intérêt à investir dans l’innovation afin de rester à l’avant-garde. La jeune relève de l’entreprise de construction Marcel Charest et fils l’a compris et a mis sur pied le MCF Lab, un projet qui vise à « repenser les standards de l’industrie de la construction ».

Arrivé dans l’entreprise en 2018 après un parcours académique en architecture, Philippe Charest y a d’abord travaillé comme chargé de projet pendant cinq ans avant d’assumer les fonctions de pdg. En parallèle, il réalise un doctorat sur les structures en bois de longue portée au cours duquel il fait de la recherche et développement à l’intérieur de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB). Il constate que des entreprises de l’industrie de la construction viennent y faire de la recherche. Philippe Charest se demande alors comment MCF s’adapterait si une nouvelle technologie venait changer radicalement les méthodes de construction.

 

« Ma fibre entrepreneuriale a été ravivée et j’ai décidé de racheter l’entreprise familiale, qui avait déjà une structure, une réputation et des ressources, puis d’y implanter une branche de recherche et développement », relate celui qui a repris l’entreprise avec ses cousins François et Samuel en 2022.

 

Avec son équipe, il développe pendant cinq ans le MCF Lab, avant de le lancer officiellement il y a deux ans. « L’idée est de créer un [espace] effervescent dans lequel on crée, on est à l’aise de se tromper et qui n’est pas forcément orienté sur des visées mercantiles », explique-t-il. Dans cette optique, l’équipe du Lab a déterminé quatre axes d’innovation sur lesquels se pencher.

 

Optimiser la conception des bâtiments

Une partie des recherches vise à optimiser la conception des bâtiments. Le premier axe vise à améliorer la modélisation des chantiers pour accroître la prévisibilité, la rapidité et la qualité des projets. « J’ai constaté que si on utilisait [directement] la maquette qui a servi à la conception des professionnels et qu’elle contient des erreurs, on risque d’utiliser le même schéma de pensée et de les répliquer sur le chantier, précise Philippe Charest. On ne sera donc pas en mesure de prévoir les conflits. »

 

Philippe Charest, pdg, Marcel Charest et fils. Photo : courtoisie de Construction Marcel Charest

 

En parallèle d’une stratégie de conception intégrée (BIM), son équipe développe une méthode pour modéliser les éléments critiques d’un chantier afin d’éviter, par exemple, les demandes de changements qui augmenteraient les coûts et les délais.

 

L’incubateur explore également la possibilité de réaliser des logements modulaires. « Il existe désormais des outils qui nous permettent d’accélérer le processus de conception en paramétrant des unités de logement qui ne sont pas amenées à changer de façon radicale », illustre-t-il. Ainsi, son équipe a développé des formats de « module idéal » de logements allant du trois et demi au cinq et demi. Ils espèrent ainsi contribuer à réduire la crise du logement. « Le module répond aux besoins de la majorité des promoteurs immobiliers et des usagers, précise-t-il. Cela permet de créer des habitations efficaces, performantes et écologiques.» Son équipe travaille d’ailleurs sur des projets de construction clés en main destinés, par exemple, aux développeurs immobiliers.

 

Parallèlement, MCF développe une offre de planification de terrain à l’aide d’une plateforme d’optimisation itérative. Avec des données et des contraintes comme le nombre d’unités, de stationnements ou la densité souhaitée, l’intelligence artificielle génère en quelques heures différents scénarios d’aménagement du site et des projections financières. « Si l’option semble intéressante, on rassemble une équipe à l’interne pour concevoir un projet et aller le présenter au client qui est propriétaire du site », poursuit Philippe Charest.

 

Développer l’application des matériaux

Les deux autres axes du MCF Lab sont orientés sur l’application des matériaux comme le bois et le béton. À travers ses recherches, Philippe Charest espère démocratiser l’utilisation des structures en treillis de bois à grande portée, qu’il a étudiées durant son doctorat, dans des ouvrages génériques. Ce type de structure est peu utilisé au Québec, notamment en raison de l’industrialisation des méthodes de construction, mais l’entrepreneur assure qu’il a du potentiel : « C’est un système structural qui est hyper efficace, qui utilise la double courbe et qui permet de répondre aux enjeux de la conception architecturale contemporaine », souligne-t-il. Il espère, grâce au MCF Lab, étendre l’utilisation de ce système à des bâtiments agricoles ou des hangars d’avion par exemple, celui-ci étant habituellement réservé à des édifices « d’exception » comme les musées.

 

Projet de maison sur le fleuve qui utilise du bois brûlé en guise de parement. Photo : Gracieuseté

 

Mais la recherche du MCF Lab ne s’arrête pas là. Inspiré des imprimantes 3D qu’il utilisait au Fab Lab de l’École d’architecture de l’Université Laval, le pdg a eu l’idée d’imprimer des modules et des éléments d’un bâtiment à grande échelle. « Le mortier vient des grandes cimenteries qui sont principalement en Europe, cela crée, en plus de la problématique environnementale, un enjeu par rapport à l’approvisionnement du mortier », observe-t-il. C’est pourquoi son équipe travaille désormais sur le développement d’un mortier biosourcé et local.

 

De la recherche à la construction

Grâce à sa formation académique, son expérience de chercheur et sa présence sur le terrain, Philippe Charest a une bonne connaissance des rouages qui mènent à la réalisation d’un projet. « Je suis un généraliste, mais le fait d’avoir touché à tout me permet d’avoir un discours qui résonne quand je parle à un architecte, un ingénieur ou [une personne sur un chantier]», assure-t-il.

 

À travers les recherches de l’incubateur, Philippe Charest espère fluidifier les étapes d’avant-projet, de conception et de chantier dans les projets que l’entreprise MCF développe, mais pas seulement. « Le Lab nourrit MCF avec ses travaux de recherche et développement et les données de MCF nourrissent le Lab avec la réalité du chantier », illustre l’entrepreneur. Il envisage d’ailleurs de développer à l’interne une plateforme de gestion de projets.

 

« La surabondance des options de personnalisation rend les produits existants peu intuitifs et rebutants pour nos partenaires, constate-t-il. On espère que notre outil répondra aux impératifs locaux de l’industrie [aux enjeux de responsabilité des professionnels] et aux façons de faire de nos sous-traitants. »

 

Philippe Charest espère d’ailleurs que l’implication prochaine du MCF Lab dans la nouvelle programmation du CIRCERB conduira à de nouveaux projets. « Même si nous n’en sommes pas encore là, à terme [le rêve serait] d’avoir des gens occupés dans un atelier à faire de la création pure », confie-t-il.

 

LES QUATRE AXES DU MCF LAB
  1. Modélisation des chantiers
  2. Construction de logements modulaires
  3. Démocratisation des structures en treillis de bois à grande portée
  4. Développement d’un mortier biosourcé pour l’impression 3D à grande échelle