Plateformes élévatrices : prévenir les accidents par la formation

12 octobre 2023
Par Roxanne Caron

La négligence des mesures de sécurité lors de l'utilisation d'une plateforme élévatrice comporte des risques et elle peut même mener à de graves accidents. D’où l’importance d’avoir une formation adéquate pour utiliser cet équipement.

Le principal danger lié à l’utilisation d’une plateforme élévatrice mobile de personnel (PEMP) est la chute au sol des personnes à partir de la plateforme de travail. Cet accident peut notamment survenir lorsque le travailleur ne garde pas ses deux pieds au fond du plancher de la plateforme de travail. La meilleure façon de prévenir ce genre d’accident est le port du harnais — devant être conforme à la norme CSA Z259.10. Celui-ci est d’ailleurs obligatoire dans les nacelles, mais « les utilisateurs ne le mettent pas tout le temps », remarque Éric Belgarde, propriétaire de Formago et formateur agréé.

 

« Les travailleurs qui font juste déplacer la nacelle au sol pensent qu’ils n’ont pas besoin d’un harnais. Au contraire. Quand elle se déplace, la nacelle a un effet de catapulte. » Pour la plateforme à ciseaux, le harnais n’est toutefois pas exigé, mais le travailleur doit impérativement garder les deux pieds sur le plancher pour assurer sa sécurité. Certains transgressent néanmoins les règles en montant sur les rampes de la plateforme ou encore en utilisant un escabeau pour leur permettre d’aller plus haut. Pire encore, d’autres vont installer un plancher complet sur la rampe du haut. « Il faut que cette pratique soit arrêtée immédiatement », tranche-t-il.

 

Éric Belgarde, propriétaire de Formago et formateur agréé. Crédit : David Faucher

 

Des travailleurs peuvent aussi s’électrocuter s’ils s’approchent trop près de fils électriques. La distance minimale à respecter près des fils triphasés est de 3 mètres (10 pieds). Cette distance vaut autant pour la plateforme que pour les matériaux.

 

Autre mesure primordiale à respecter : le périmètre de sécurité à la base de la machine doit couvrir toute la zone sous la plateforme et la zone où des objets pourraient être projetés ou échappés.

 

Le bon équipement pour les bons travaux

La pire chose à faire est d’adapter la plateforme élévatrice aux travaux que l’employé veut réaliser au lieu d’utiliser l’équipement approprié répondant aux besoins, fait savoir Josée Ouellet, ingénieure experte en prévention pour les appareils de levage à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). « C’est là qu’on met les travailleurs en danger. »

 

Josée Ouellet, ingénieure experte en prévention pour les appareils de levage à CNESST. Crédit : CNESST

 

Tout ce qui peut augmenter la résistance au vent peut faire renverser la plateforme : manipuler des morceaux de contreplaqués au grand vent, ajouter des toiles, etc. Utiliser l’équipement pour lever des charges comme un monte-matériaux ou comme ascenseur de chantier sont donc des pratiques à proscrire, mais qui sont pourtant observées sur les chantiers dans le but de gagner du temps. Afin d’exécuter leur travail plus rapidement, certains opérateurs vont contourner les dispositifs de sécurité. « Des centres de location remarquent que les dispositifs de sécurité sont désajustés quand ils reviennent des chantiers », note Josée Ouellet.

 

L’importance de la formation

À travers les formations qu’il donne, Éric Belgarde est à même de constater que les opérateurs de plateformes élévatrices manquent de connaissances quant à l’appareil qu’ils utilisent. « On rencontre régulièrement des travailleurs qui utilisent cet équipement depuis 10-15 ans. Ils savent le démarrer, mais ils ne savent pas comment faire pour le descendre en cas d’urgence. Ça prend une formation plus complète. »

 

Selon lui, 75 % des travailleurs ne savent pas qu’il existe des valves de descente d’urgence sur les plateformes élévatrices et les nacelles. C’est l’une des raisons pour lesquelles Éric Belgarde mise beaucoup sur la théorie durant ses formations, afin d’informer les travailleurs sur les risques encourus. « On fournit trois heures au minimum de théorie et une heure de pratique par type de plateforme », indique-t-il.

 

« L’article 51.9 prescrit une formation, de l’entraînement et une supervision. Mais ce n’est pas précis. La formation pourrait par exemple être donnée par un collègue de travail. Mais on veut plus que ça : on veut expliquer les risques, montrer pourquoi des accidents arrivent et comment faire pour les éviter », poursuit le formateur agréé. D’ailleurs, selon Éric Belgarde, les superviseurs de chantier auraient tout avantage à participer à la formation afin d’être en mesure de faire un suivi sur les mesures de sécurité.

 

L’inspection, un incontournable

L’entretien de ces équipements est lui aussi essentiel pour assurer la sécurité des travailleurs qui les utilisent. À commencer par le respect des échéanciers d’inspection. Une inspection quotidienne doit être effectuée par l’opérateur. Mais de l’aveu d’Éric Belgarde, une certaine négligence subsiste quant à cette pratique de base. Certains opérateurs vont cocher par automatisme la liste d’inspection sans même avoir procédé à celle-ci. Tout cela dans le but de gagner du temps sur le chantier. L’objectif de cette inspection est de s’assurer que l’équipement fonctionne correctement. « Certains savent qu’il ne fonctionne pas bien, mais l’utilisent quand même », déplore-t-il.

 

Une inspection annuelle — ou aux 700 heures d’utilisation — doit aussi être pratiquée par un mécanicien. Puis, 10 ans après la date de fabrication, la machinerie doit être soumise à une inspection structurale auprès d’un ingénieur qui certifie que l’équipement est fiable pour les cinq prochaines années. Par la suite, une inspection est nécessaire tous les cinq ans.

 

Avant d’acheter une plateforme élévatrice usagée, Éric Belgarde conseille de la soumettre à une inspection structurale pour vérifier son état. Le même principe s’applique si des dommages structuraux ont été causés par un incident.

 

Vers une règlementation

La norme CSA B354 visant les plateformes élévatrices a été revalorisée en 2017. Trois normes s’appliquent désormais à ces équipements : la norme B354.6 pour la conception, B354.7 pour l’utilisation et l’entretien et B354.8 pour la formation. Elle a aussi permis de faire évoluer les pratiques et les manuels des fabricants qui suivent cette norme sont beaucoup plus élaborés quant aux risques et aux dangers associés à l’utilisation de cette machinerie.

 

Actuellement, il n’y a aucune disposition au Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC) concernant des références aux normes en vigueur, alors que ces équipements sont largement utilisés dans presque tous les secteurs d’activité de la construction, telles des règles de conception, d’inspection et d’utilisation ainsi que de formation des opérateurs de ces appareils. L’application de la série de normes B354.6/.7/.8 permettrait de mettre à jour et d’uniformiser les exigences en lien avec ces équipements. Des travaux de révision règlementaire sont en cours.

 

DEUX GROUPES DE MACHINERIE

On divise les plateformes élévatrices en deux groupes, soit les plateformes à élévation verticale (comme le scissor lift) et les plateformes à élévation multidirectionnelle (comme les nacelles). À l’intérieur de ces deux groupes, il y a des sous-groupes en fonction de la capacité de l’équipement à se déplacer avec la plate-forme de travail déployée ou non, fait remarquer Josée Ouellet.

Éric Belgarde note quant à lui que les nacelles sur chenilles sont de plus en plus communes sur les chantiers, puisqu’elles permettent aux travailleurs d’accéder à des terrains plus accidentés. « La nacelle s’autopositionne et elle peut être en angle. »