Une activité perturbée en 2020 sur les chantiers

1 avril 2020
Par Marie Gagnon

Bien qu’un record d’heures travaillées était anticipé en 2020 et ce, malgré un léger repli dans certains secteurs, il faudra inévitablement revoir les prédictions à la baisse. Portrait d’une année qui s’annonçait pourtant prometteuse.

L’industrie de la construction a fracassé un nouveau record d’activité en 2019. Le nombre d’heures travaillées à l’échelle de la province a en effet atteint 177 millions, surpassant le sommet de 2012, qui s’établissait à 165,5 millions d’heures. Il s’agit d’une hausse de 9 pour cent (%) comparativement à 2018, qui inscrivait un volume appréciable de 163 millions d’heures travaillées. Et bien que la Commission de la construction du Québec (CCQ) anticipe un léger recul de 2 % en 2020, l’industrie tournera malgré tout à plein régime avec un volume d’heures attendu de 173,5 millions.

 

C’est du moins ce qui ressort de Perspectives 2020, le rapport conjoncturel annuel de la CCQ, qui présente les prévisions pour l’ensemble de l’industrie de la construction. « Même si on s’attend à un léger repli, 2020 sera quand même une année faste, nuance Mélanie Ferland, économiste à la CCQ. Entre autres pour le secteur institutionnel et commercial, qui a profité d’importants investissements l’an dernier et qui poursuivra sur sa lancée cette année. C’est seulement du côté du secteur industriel que l’année s’annonce couci-couça à cause de certains projets différés pour des raisons économiques. »

 

Activité soutenue

 

CHU Québec - Photo : SQI

 

Loin de ralentir, le secteur institutionnel et commercial flirtera en effet avec des niveaux vertigineux, marquant à lui seul quelque 98 millions d’heures travaillées pour une deuxième année consécutive. Une excellente performance que Mélanie Ferland explique notamment par des investissements soutenus dans le secteur institutionnel. L’activité dans ce secteur névralgique s’appuiera entre autres sur la dernière phase du CHUM (3,6 milliards de dollars) et le chantier du nouveau complexe hospitalier du CHU de Québec (650 millions de dollars), dont le rythme s’accélère cette année avec le début de sa seconde phase.

 

Du côté de l’éducation, l’activité sera également au beau fixe si l’on se fie aux investissements annoncés par le gouvernement québécois pour la construction et la rénovation d’écoles à l’échelle de la province. À ces investissements s’ajoutera le chantier du nouveau pavillon de HEC Montréal (235 M$), dont le coup d’envoi a été donné en octobre dernier. Toujours du côté institutionnel, la construction du nouveau centre de préservation de Bibliothèque et Archives Canada (330 M$) à Gatineau contribuera tout autant à cette effervescence.

 

Ralentissement en vue

En parallèle, les projets commerciaux généreront une activité tout aussi foisonnante qu’en 2019. Parmi ceux-ci, la CCQ relève de nombreux projets à vocation mixte dans la région du Grand Montréal. Il suffit de penser à Espace Montmorency de Laval (450 M$), au Westbury (250 M$) et au Square Children’s (500 M$) de Montréal, sans oublier les poids lourds que sont Solar Uniquartier (1,3 G$) à Brossard et District Union (900 M$) à Terrebonne. Quant au segment multirésidentiel, il restera relativement stable, bien que la CCQ estime que la demande pourrait fléchir quelque peu en cours d’année.

 

Même chose pour le secteur génie civil et voirie, où l’activité perdra en intensité cette année. La CCQ s’attend en effet à une baisse de 6 %, attribuable à la décroissance du sous-secteur des routes et infrastructures ainsi que de celui des centrales électriques. « La fin de la construction du nouveau pont Champlain explique en partie ce ralentissement », signale Mélanie Ferland, en précisant que la Ville de Montréal et le gouvernement du Québec prévoient des investissements équivalents à ceux des dernières années.

 

Parmi les projets à surveiller cette année, elle signale par ailleurs la poursuite du Réseau express métropolitain (REM), un chantier de 6,3 G$ qui prendra fin en 2023, puis le début de la réfection du pont-tunnel Louis- Hippolyte-La Fontaine, dont les couts restent à préciser.

 

Malgré un fléchissement dans le sous-secteur des centrales électriques, l’intensification des travaux de construction de la ligne de transport à 735 kV Micoua-Saguenay (793 M$) survoltera néanmoins ce segment et contribuera à l’atteinte des 33 millions d’heures prédites par la CCQ.

 

Stigmatisé par l’incertitude qui entoure les marchés internationaux et le ralentissement de la production industrielle mondiale, le secteur industriel, qui a enregistré en 2019 une hausse de 13 % par rapport à 2018, connaitra vraisemblablement un déclin cette année. Cette baisse estimée à 4 % devrait en effet ramener les heures travaillées à 11,5 millions en 2020. Le volume de travail se maintiendra toutefois au-delà de son creux historique de 2015 grâce à des projets comme ceux de Kruger (575 M$), de Medicago (245 M$) ou de l’usine de biométhanisation de Québec (190 M$).

 

D’une décennie à l’autre

Selon la CCQ, l’activité devrait rester très élevée à moyen terme, notamment grâce à la construction de la ligne bleue, qui s’échelonnera jusqu’en 2026, et celle du complexe Royalmount, qui doit prendre fin en 2033. Toutefois, s’il reste difficile, voire impossible de prédire l’avenir, rien n’empêche de revenir en arrière. Et de faire un bilan de la dernière décennie, qui s’est ouverte sur un ralentissement économique. En 2009, l’industrie enregistre en effet 133 000 millions d’heures, soit le niveau le plus faible de la décennie. Mais c’est surtout le secteur industriel qui écope.

 

Puis, en 2012, le volume de travail atteint le sommet historique de 165,5 millions d’heures, soit une hausse de 6 % par rapport à 2009. Tous les secteurs vont bien, et le secteur industriel fait bonne figure grâce à des projets miniers comme Éléonore (1,8 G$), Mont-Wright (1,2 G$) et Québec Lithium (230 M$). De 2012 à 2015, faute d’investissements dans l’industriel et le génie civil et voirie, l’activité connait un nouveau creux, pour s’établir à 140 millions d’heures.

 

Portée par le secteur institutionnel et commercial, avec des projets comme District 55 (800 M$) et la phase I du nouveau CHUQ (650 M$), l’industrie entre dans un nouveau cycle haussier pendant quatre ans, atteignant en 2019 le sommet historique de 177 millions d’heures. « On a atteint aussi un nombre record de salariés, note l’économiste. En 2018, l’industrie employait 165 300 travailleurs. Pour 2019, on devrait atteindre autour de 176 000 salariés. »

 

FAIRE FACE À LA PÉNURIE

Mais l’industrie a besoin de bras pour tenir le rythme. « Depuis 10 ans, l’industrie a connu des moments yoyo, mais l’activité s’est remise à croitre et la question de la main-d’oeuvre devient préoccupante, mentionne Diane Lemieux, présidente et directrice générale de la CCQ. Les employeurs ne se demandent plus s’ils auront du travail pour leurs employés, mais si la main-d’oeuvre sera au rendez-vous. »

Selon l’Association de la construction du Québec (ACQ), l’industrie aura besoin de 20 000 nouveaux travailleurs par année, jusqu’en 2028. Pour faire face à la demande, elle devra miser sur la diversité, et ce, d’autant plus que les jeunes sont moins attirés par les métiers de la construction. « L’industrie devra faire le plein auprès des femmes, mais aussi recruter des travailleurs issus de la diversité culturelle, comme les immigrants et les autochtones », ajoute-t-elle.