Le Centre À Pas de Géant : une architecture axée sur les besoins particuliers

4 novembre 2021
Par Maude Ferland

Le futur Centre d’autisme À Pas de Géant, du maître d’œuvre Société de développement Angus (SDA), sera le premier du genre au monde. Un épicentre vocationnel multidisciplinaire voué exclusivement à la scolarisation d’élèves âgés de 4 à 21 ans, à la recherche et au communautariat, qui devrait ouvrir ses portes en 2023. Incursion dans un fascinant jeu de volumétrie et de compartimentation, où l’architecture mise sur la perception du monde.

Ce bâtiment bien particulier prendra forme sur le site du Technopôle Angus, à Montréal. Tout en courbe vu de l’extérieur, le futur édifice annonce déjà une infrastructure bien prometteuse. Construction hautement spécialisée, le bâtiment à venir sera à la fine pointe des connaissances sur le trouble du spectre de l’autisme.

 

D’abord, le hall d’entrée. Prolongement de la cour intérieure et surplombé d’un atrium, il se trouve au coeur même de l’architecture, accueillant des élèves âgés de 4 à 21 ans et possédant des besoins particuliers liés à l’autisme. Car ici, tout a été conçu en fonction des besoins nombreux et très spécifiques des personnes ayant une condition en lien avec le trouble du spectre de l’autisme, qui influence les perceptions et le traitement des informations sensorielles. En fonction de l’hyper ou de l’hyposensibilité sensorielle – qui peut fluctuer parfois même à différents moments de la journée – il a fallu concevoir un milieu hautement adapté… où rien n’est laissé au hasard.

 

Une conception à pas de géant

Sur la façade nord du bâtiment a été prévu tout le volet éducationnel, sur trois niveaux. L’orientation permet de contrôler un premier stimulus lié à la luminosité. Les espaces communs baignent ainsi dans une lumière directe, tandis que les salles de classe bénéficient d’une luminosité indirecte. Véritables lieux d’enseignement adaptés aux élèves et à la vocation de recherche du Centre, les classes font l’objet d’une conception sur mesure : regroupées au nombre de deux « mini classes », chacune d’entre elles est jumelée à un observatoire. Des zones de répit – qui se veulent des espaces sensoriels neutres – sont adossées aux observatoires. On atteint les « blocs de classe » via un seuil d’entrée commun.

 

Le centre d’autisme À Pas de Géant a nécessité aux architectes, lors de sa conception, de s’adapter aux besoins particuliers de sa future clientèle. Crédit : Provencher_Roy

 

La conception personnalisée ne se limite pas qu’aux seuls espaces d’enseignement et de recherche académique, pour ce centre dont la mission est entre autres d’offrir à terme un véritable milieu de vie à ses bénéficiaires. En plus de lieux conscrits propices à l’apprentissage, tous les lieux occupés par les élèves doivent répondre à la mission. L’organisation de l’espace est donc prévue selon une séquence spatiale qui permet le déplacement de l’élève dans un parcours linéaire et prédictible. Commence alors un continuum où l’espace est compartimenté en divers environnements uniques et à échelle variée selon un besoin sensoriel bien précis.

 

Outre les couleurs et les matériaux judicieusement choisis qui façonnent aussi bien le décor que la perception de l’élève sur le monde qui l’entoure, le plafond à hauteur variable et la gradation de l’acoustique constituent d’autres paramètres de ces environnements. Et puisque tout a été pensé jusque dans les moindres détails, des zones de transition parsèment le parcours et permettent de recalibrer les sens lors du passage d’un environnement chargé de stimulus à un autre.

 

Des coins ronds… mais que dans le design

« C’est un défi que de les allier », admet Sonia Gagné, architecte chez Provencher_Roy et responsable de la conception du futur Centre d’autisme À Pas de Géant, à propos de la conciliation entre les normes et l’idéalisme de construction. Pour respecter la raison d’être du bâtiment, il faut prendre en considération tous les aspects du trouble du spectre de l’autisme. La proposition d’un édifice arrondi sur sa face d’accueil vise par exemple à donner un caractère « enveloppant » à l’infrastructure, toujours du point de vue et en fonction du ressenti de l’utilisateur vivant avec cette condition.

 

Sonia Gagné, architecte chez Provencher_Roy et responsable de la conception du futur Centre d’autisme À Pas de Géant. Crédit : Gracieuseté

 

À l’intérieur, l’architecture évite les configurations classiques en coin et mise sur les surfaces courbes, pour la sécurité des occupants qui présentent une perception altérée de leur environnement. Cette même perception altérée peut aussi poser des problèmes à l’égard des normes ayant trait aux points de sortie, non adaptés à la réalité de certaines personnes autistes. Celles-ci pourraient en effet se retrouver dans une situation potentiellement dangereuse et hors de leur cadre en cas d’évacuation, par exemple.

 

Alors, comment concilier la réglementation et une adaptabilité nécessaire ? En prévoyant l’intégration d’un système de contrôle et de sécurité par vidéosurveillance. Une conception pensée jusque dans les moindres détails, dont il aura fallu à l’architecte d’expérience plusieurs allers-retours vers la table à dessin pour en faire les plans, selon les commentaires des parents qui portent ce projet à bout de bras depuis ses tout débuts. Car il n’existe pour l’heure aucun guide autre que l’expérience des intervenants de première ligne pour orienter la conception d’une telle infrastructure. Et la proposition actuelle emballe. « Le nouveau Centre d’autisme À Pas de Géant est la clé du futur des services en autisme du Québec », s’exclame Thomas Henderson, directeur général de l’école. Premier épicentre du genre au monde, le Centre d’autisme À Pas de Géant pourrait bien établir les grands principes architecturaux et devenir le guide de référence d’une infrastructure exclusivement destinée à une clientèle atteinte du trouble du spectre de l’autisme.

 

Construit sur un site de 6 028 mètres carrés et comportant trois niveaux, le futur Centre d’autisme À Pas de Géant abritera une école d’enseignement préscolaire, scolaire et secondaire, un centre de formation pour adultes, un centre de ressources et un centre de recherche portant sur le trouble du spectre de l’autisme. Évalué à 51,4 millions de dollars, le Centre poursuit sa campagne de financement afin que les travaux puissent commencer en janvier 2022, pour une ouverture en septembre 2023.

 

ÉQUIPE DE RÉALISATION
  • Développeur et propriétaire du terrain : Société de Développement Angus
  • Propriétaire : Giant Steps Montreal
  • Gestionnaire : Gestion Proaxis
  • Architecture : Provencher_Roy
  • Ingénierie mécanique et électrique : Pageau Morel
  • Ingénierie civile : Marchand Houle
  • Ingénierie structure : L2C
  • Entrepreneur : Pomerleau
  • Architecture de paysage : Grace‐Kells Consultant + Provencher Roy