Toitures bleues et vertes : une solution novatrice

4 novembre 2021
Par Benoit Poirier

La nécessité de densification des quartiers habités alliée aux dérèglements climatiques induit une pression de plus en plus problématique sur les infrastructures urbaines, notamment en ce qui a trait à la gestion des eaux de ruissellement lors de pluies abondantes. Une solution novatrice vient d’être mise en place pour l’Université McGill, à Montréal : une « ligne bleue ».

Le système a été développé par l’entreprise Hydrotech, située à Anjou. Celle-ci propose diverses solutions pour l’étanchéisation à l’aide de membranes et le drainage des toitures. Trois d’entre elles sont liées à l’installation d’une toiture bleue, permettant de retenir temporairement les eaux de pluie au toit pour les libérer progressivement à l’égout municipal, dans les 24 à 48 heures suivant une surverse, au moyen de drains à débit contrôlé.

 

« Le tout débute par l’installation d’un système à membrane protégée et d’isolation, selon les cas, appliqué directement sur la dalle de béton afin d’assurer l’étanchéité du système », indique le chargé de mandat, Bastien Gagné, de la firme DMA architectes. « Les différents revêtements ou bassins végétalisés pourront par la suite contribuer à la détention temporaire de l’eau.

 

« Que l’on pense aux interstices d’une couche de gravier pour y loger l’eau pluviale, à l’espace créé sous des dalles de béton ou sous une terrasse sur toit déposés sur des plots ajustables, à la détention de l’eau par l’entremise d’unités de stockage sous les espaces végétalisés, tous ces dispositifs sont des options pour l’emmagasinage d’eau temporaire servant à contrôler le débit des eaux pluviales. »

 

 

Bastien Gagné,  chargé de projet pour la firme DMA architectes. Crédit :DMA architectes

Dans le cadre du projet de réfection du pavillon des sciences de l’éducation de l’Université McGill, la solution de la toiture bleue s’avérait la plus judicieuse. Les diverses méthodes de détention d’eau mentionnées précédemment ont pu être utilisées pour répondre au besoin de la terrasse avec bassins végétalisés accessible aux usagers.

 

Comment choisir ? « Les discussions sur le sujet débutent en amont du projet selon les normes de la Ville quant aux besoins de rétention sur les toitures constatés par les services et règlementations de la gestion des eaux, dans le cas qui nous concerne le Service des eaux de la Ville de Montréal », précise Bastien Gagné, pour qui ce type de projet était l’une des premières toitures bleues. « Il y a une rétention qui se fait naturellement avec une toiture verte. Mais on atteint un niveau supplémentaire, par le principe de détention avec le système de toiture bleue. Il permet un emmagasinage temporaire et une plus grande capacité de détention des eaux. »

 

Le béton, un préalable

« Quand on parle d’un système de toiture bleue, on envisage majoritairement une structure de béton pour le supporter. Il est difficile d’imaginer et de concevoir une structure d’acier pour un tel système, souligne Bastien Gagné. Étant donné qu’il s’agit d’un bâtiment existant, il a d’abord fallu vérifier que la dalle pouvait recevoir l’ensemble du poids et des charges des différents systèmes. C’est un préalable. »

 

Les toitures bleues permettent de retenir temporairement les eaux de pluie au toit pour les libérer progressivement à l’égout municipal au moyen de drains à débit contrôlé. Image : Hydrotech

 

Comme il faut tenir compte de la charge de l’eau à pleine capacité tout comme de celles du substrat, des plantations et des dalles, ce type de toiture est habituellement tout indiqué pour des bâtiments commerciaux et institutionnels. Le défi et les considérations peuvent s’apparenter à une toiture verte conventionnelle, constate le chargé de mandat, qui est rompu à l’aménagement de toitures végétalisées pour divers projets.

 

À la base, la réfection d’un bâtiment s’avère toujours un défi, indique-t-il. Dans le cas d’une toiture bleue, il importe de connaitre les conditions existantes. Il faut connaitre la dalle, comprendre les superficies, les besoins de la Ville et du client.

 

« Il s’agit en quelque sorte d’une suite logique d’un concept de toiture verte. En format amélioré. Une fois les différents principes établis, les contraintes déterminées et résolues lors de la période d’exécution, l’installation se fait assez simplement lors de la réalisation au chantier. »

 

Toutefois, un tel chantier requiert une excellente coordination des équipes, particulièrement en début de projet. Avec les représentants municipaux, les ingénieurs en structure, pour vérifier la capacité portante des lieux, et les ingénieurs en mécanique, qui doivent effectuer des calculs précis quant aux volumes des eaux pouvant être momentanément retenus et au débit avec lequel elles peuvent être libérées vers les égouts.

 

Pallier les paliers

Dans le cas du pavillon des sciences de l’éducation de l’Université McGill, « la dalle de surface en béton existante d’origine, accessible aux usagers, montrait par sa configuration des accumulations d’eau. Les drains désuets notamment ne permettaient pas la bonne évacuation de l’eau pluviale. L’ensemble de la dalle de surface existante a pu être démoli afin de pouvoir nous rendre à la dalle structurale. Celle-ci étant d’une épaisseur considérable à l’origine, cela nous a permis d’envisager l’installation de dalles sur plots et ainsi de nous assurer que cela s’agence adéquatement avec les ouvertures et les accès du bâtiment conservés; élément important à considérer lors de travaux de réfection ». Les concepteurs ont toutefois eu à composer avec un toit à plusieurs sections dont certaines difficiles à atteindre, rapporte Bastien Gagné.

 

Des unités de stockage d’eaux de ruissellement ont été prévues sous les segments végétalisés ainsi que sous des espaces piétonniers conçus à l’aide de pattes ajustables sous le dallage et dans des murets. La capacité d’accumulation d’eau se trouve ainsi accrue et crée « une sorte de ligne bleue » uniforme et inapparente qui empêche tout débordement à la surface du toit. La durée de vie de celui-ci s’en trouve optimisée, car la structure de béton, ayant d’abord été imperméabilisée, ne peut entrer en contact avec l’eau.

 

Mis à part un gain environnemental plus qu’appréciable, ce système offre plusieurs avantages. Il permet aux propriétaires de respecter, voire de dépasser les exigences municipales en matière de gestion des eaux de ruissellement et d’aménager des bassins de rétention aériens plutôt que dans des espaces au sol souvent raréfiés en zone densifiée. Quant à la toiture elle-même, « l’effet d’une grosse piscine » découlant d’une surverse s’avère improbable et elle bénéficie d’une meilleure esthétique et d’une plus grande polyvalence d’aménagement, tous les drains étant inapparents.

 

LA TOITURE BLEUE DU PAVILLON DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION DE L’UNIVERSITÉ MCGILL EN BREF
  • Client : Université McGill
  • Projet : Réfection du pavillon des sciences de l’éducation
  • Fabricant : Les Membranes Hydrotech
  • Architecture : DMA architectes
  • Ingénierie (mécanique) : Tetra Tech
  • Ingénierie (structure et génie civil) : LGT
  • Entrepreneur couvreur : Groupe Lefebvre
  • Aménagement paysager : Les Toits Vertige (système végétalisé toiture bleue) et Ceveco (système terrasse toiture bleue)
  • Entrepreneur général : Corporation de Construction Germano (CCG)