Conception unique, topographie escarpée… Pour sa réalisation, le nouveau pont de Saint-Clément met en oeuvre plusieurs ingéniosités techniques, dont une méthode de construction novatrice venue d’Europe.
Un tout nouveau pont prend forme au-dessus de la rivière Sénescoupé, dans la municipalité de Saint- Clément, au Bas-Saint-Laurent. L’ancienne structure, un pont à poutres en béton armé datant de 1939, a atteint sa fin de vie utile et se devait d’être remplacée. L’équipe derrière le projet a opté cette fois pour un pont en arc métallique à tablier supérieur de couleur rouge vif et une méthode de construction des plus particulières.
Jouant un rôle crucial à Saint-Clément, le pont constitue son entrée principale et est fortement utilisé, notamment, par les éleveurs et agriculteurs locaux. « La configuration géographique rendait toute route alternative peu viable à long terme, la nécessité d’une nouvelle structure ne faisait aucun doute », explique Maxim Rousseau, chargé d’activités pour la construction du nouveau pont à la Direction générale Bas- Saint-Laurent–Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine du ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD).
Un pont « unique »
Le nouveau pont aura une longueur de 109 m, ce qui inclura les sections d’approche. Sa section principale, un arc central en acier, mesurera 85 m, avec une élévation de 40 m entre le lit de la rivière Sénescoupé et la surface de roulement. La structure aura une largeur de 10,1 m avec deux voies de circulation ainsi que des accotements de 1,6 m. La couleur rouge a été choisie en hommage au tout premier pont construit à cet endroit en 1904. « C’était une structure en bois peinte en rouge, d’où le nom historique de « pont Rouge » qui a subsisté malgré l’absence de cette couleur sur le pont depuis sa reconstruction en 1939 », révèle Etienne Gill-Lachance, ingénieur à la Direction générale des structures du MTMD.
Des ponts en arc métallique à tablier supérieur, il n’en existait que deux dans la province, un en aluminium, à Arvida, et un autre en acier, à Eeyou Istchee Baie-James. Le pont de Saint-Clément se distingue aussi par l’usage de sections ouvertes plutôt que de caissons fermés. « Contrairement aux autres structures, qui utilisent des éléments métalliques fermés et difficiles d’accès, toutes les surfaces du pont de Saint-Clément seront accessibles, facilitant ainsi son entretien et son inspection », indique Etienne Gill-Lachance.
Une méthode de construction venue d’europe
La méthode de construction de la structure participe aussi à l’unicité de ce nouveau pont. Les demi-arcs ont été érigés verticalement sur chaque rive, puis abaissés progressivement à l’aide de câbles pour se rejoindre au centre. Cette manoeuvre serait une première au Québec et, potentiellement, en Amérique du Nord. Le Puento Rio Taro, en Espagne, aussi appelé « Alconétar Bridge », a servi de modèle aux ingénieurs lors de la conception du pont de Saint-Clément. « Cette source d’inspiration a été cruciale pour adapter cette technique novatrice au contexte du projet », ajoute Etienne Gill-Lachance.
Pour réaliser la délicate opération de descente des demiarcs, l’entrepreneur a fait appel à un sous-traitant européen spécialisé provenant du Portugal. Celui-ci a apporté des équipements hydrauliques, acheminés par bateau. « L’assemblage final des deux demi-arcs nécessitait une précision de l’ordre du millimètre, ce qui est exceptionnel pour un ouvrage de cette envergure », souligne Etienne Gill-Lachance. « Une fois érigé à la verticale, les demi-arcs du pont équivalent à un immeuble de 15 étages », illustre-t-il.
L’utilisation de la structure en arc présente deux avantages. Premièrement, elle s’adapte à la topographie escarpée du site, permettant aux demi-arcs de s’ancrer directement dans les parois rocheuses. Deuxièmement, l’arc et la méthode de descente ont permis une construction à partir des rives, évitant ainsi des travaux plus complexes depuis le fond de la vallée.
Un attrait touristique
Le nouveau pont deviendra un attrait touristique pour la municipalité de Saint-Clément, s’insérant dans un secteur d’activités récréotouristiques, notamment un sentier pédestre du Sentier national et un circuit de VTT. Le site comprend déjà un chalet, une aire de camping municipale et un belvédère. Ce dernier sera reconstruit pour offrir une vue optimale sur la nouvelle structure.
La construction du pont et la reconfiguration de la route, qui profitent d’un budget total de 24,4 millions, ont débuté en avril 2024, avec le déboisement. Puis, une fois les fondations construites, la charpente d’acier a été montée et complétée en mars 2025. La construction du tablier vient tout juste de s’amorcer, en avril 2025. Au cours de cette année, la structure sera finalisée, tout comme les approches routières, qui représentent environ 1,1 km d’un bout à l’autre du projet. En 2026, l’ancien pont sera démantelé, et la route originale sera renaturalisée.
La déconstruction du pont existant, vieux de 86 ans, pose elle aussi plusieurs défis. Son état limite l’utilisation d’équipements lourds sur la structure, et ses piliers, situés directement dans la rivière, sont difficiles d’accès. Les solutions mises en oeuvre pour sa déconstruction incluent deux ponts temporaires et l’utilisation de pelles hydrauliques à très longue portée, montées sur une jetée en pierre. « Ces engins, dotés de bras de 120 pieds, permettront de défaire le béton, tout en respectant les contraintes d’accès et les exigences environnementales », explique Maxim Rousseau.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2025. Pour un accès privilégié à l'ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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