Pylônes électriques en aluminium : un potentiel à explorer

19 juin 2025
Par Roxanne Caron

Dans quels contextes un pylône en aluminium servant au transport d’électricité peut-il représenter un avantage par rapport à celui en acier? Une équipe de recherche se penche sur la question depuis quatre ans et affirme avoir développé un concept qui permettrait de rendre cette alternative viable.

Sous l’impulsion d’un regroupement incluant le programme Alliance du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le programme PSO d’InnovÉÉ, Hydro-Québec, Rio Tinto Alcan et le Centre d’expertise et d’innovation d’AluQuébec, l’équipe chapeautée par Sébastien Langlois, professeur de la Faculté de génie à l’Université de Sherbrooke, a obtenu en 2021 une subvention de 1,16 M$ pour entre autres explorer si l’aluminium peut devenir une option pour les pylônes du réseau électrique. Le projet regroupe des étudiants et chercheurs de l’Université de Sherbrooke et de l’UQAC, notamment les professeurs Alain Desrochers et Charles-Philippe Lamarche qui ont développé le concept de pylône.

 

Sébastien Langlois, professeur, Faculté de génie, Université de Sherbrooke. Crédit : Gracieuseté

 

À partir de plans de pylônes en acier utilisés pour des lignes à 120 kV fournis par Hydro-Québec, les chercheurs ont conçu une structure équivalente en aluminium. Ils ont ensuite soumis ce nouveau concept à plusieurs analyses numériques et essais en laboratoire.

 

Puis ils ont développé et validé un concept qui utilise les forces de l’aluminium et réussi à pallier certaines de ses faiblesses, notamment la limite élastique, généralement plus faible que celle de l’acier. « Notre modèle a des connexions plutôt concentriques, c’est-à-dire que tout arrive au centre des différentes membrures. On utilise aussi des sections octogonales fermées, par exemple », souligne Sébastien Langlois, professeur en génie civil.

 

Analyses du cycle de vie

En parallèle, toutes les étapes de construction, la production de matériaux, la maintenance et la fin de vie des pylônes sont étudiées. Les chercheurs sont à développer une méthodologie permettant de combiner l’analyse des coûts du cycle de vie et l’analyse environnementale du cycle de vie afin de prendre les meilleures décisions dans différentes conditions. Des scénarios avec des infrastructures plus proches des villes et en région éloignée ont été mis sous la loupe. Deux types de pylônes (autoporteur et haubané) ont également été analysés.

 

Pylônes électriques en aluminium : un potentiel à explorer. Crédit : Gracieuseté

 

L’ensemble du cycle de vie ne varie pas tellement entre un pylône en acier ou en aluminium, notamment parce que les caractéristiques de l’aluminium ont été exploitées de manière efficace. « L’une des raisons pour lesquelles on utilise l’acier dans les très grandes infrastructures, c’est parce que le coût d’achat est plus faible que l’aluminium. Mais en l’optimisant bien, on se retrouve avec un coût similaire », observe Sébastien Langlois.

 

Au niveau environnemental, chaque matériau procure des avantages, selon les analyses préliminaires. « Ce n’est pas le choix entre l’acier et l’aluminium qui est important, mais plutôt la provenance des matériaux. » Plus léger, le concept en aluminium engendre moins de dépenses pour le transport, nécessite des équipements moins gros et facilite l’assemblage.

 

Et ailleurs ?

Le cas de la Norvège attire particulièrement l’attention. Dans les dernières années, ce pays scandinave a développé un concept de pylônes en aluminium notamment pour limiter la surcharge de poids lors des travaux héliportés pour les constructions dans les fjords, des endroits difficiles d’accès. L’approche de conception de la Norvège est assez similaire à celle développée par l’équipe de Sébastien Langlois, fait-il savoir. « Leur modèle est toutefois différent du nôtre parce que leur point de départ sur lequel ils se basaient n’était pas le même que nous. »

 

Au Québec, quelques initiatives ont vu le jour, mais elles ne se sont jamais déployées à plus grande échelle. Bien qu’il soit encore trop tôt pour dire si un projet pilote verra le jour, des défis quant à l’assemblage du pylône risquent de poindre. « Dans une industrie où on a vraiment raffiné nos façons de faire depuis plusieurs années, on doit regarder comment on fait pour amener quelque chose de nouveau tout en maintenant l’efficacité de la conception, la fabrication et la construction. »

 

Pylônes électriques en aluminium : un potentiel à explorer. Crédit : Gracieuseté

 

D’ici 2035, Hydro-Québec prévoit investir un total de 50 milliards pour installer environ 5000 km de lignes de transport. Selon le professeur, l’utilisation de l’aluminium dans les futurs pylônes ouvre de nouvelles voies.

 

LES AVANTAGES DE L’ALUMINIUM

Dans le contexte des pylônes électriques, la légèreté de l’aluminium représente un avantage non négligeable. Bon à savoir : le matériau est également très résistant à la corrosion et facilement extrudable. « L’extrusion permet d’avoir une forme adaptée à nos besoins. Si on avait voulu faire la même chose en acier, ça aurait été plutôt coûteux », souligne Sébastien Langlois.