Persévérance, innovation et collaboration sont à la source d’une solution qui a permis à l’usine d’Atwater d’améliorer la purification de son eau.
Pour offrir une eau de meilleure qualité à ses citoyens, la Ville de Montréal a converti en 2011 quatre galeries de filtration de son usine d’eau potable d’Atwater en bassins de contact avec l’ozone. L’ozonation est un procédé qui permet de désinfecter l’eau, notamment en brisant les molécules récalcitrantes aux traitements habituels, telles que les molécules pharmaceutiques.
Ce nouveau système n’avait toutefois pas pu être mis en service en raison de divers problèmes. Lorsque la pompe qui aspire l’eau du fleuve Saint-Laurent — laquelle a une vitesse fixe impossible à moduler — était actionnée, le débit était tellement grand que cela créait de la turbulence et d’importantes variations de pression dans les bassins. Le réflexe était alors d’ouvrir les trappes au-dessus de ces réservoirs étanches pour faire sortir la pression, une situation loin d’être idéale. « Vu que l’ozone est un oxydant très fort, tu ne veux pas qu’il s’échappe dans l’environnement et que les travailleurs à proximité, la population, respirent ces gaz-là », explique Gabriel Dépatie-Blain, chargé de projet, secteur du génie des eaux, chez CIMA+. Son équipe a été mandatée pour trouver une solution.
Une première au québec
Puisque les options envisagées par la Ville jusqu’alors ne parvenaient pas à régler le problème dans son entièreté, les ingénieurs de CIMA+ ont proposé une solution innovante et unique au Québec : construire une chambre d’équilibre, un ouvrage qui s’insère entre les conduites d’eau et les bassins d’ozonation.
Cette chambre vient intercepter la totalité de l’eau non traitée qui est pompée, pour ensuite en réguler le débit à l’entrée du procédé d’ozonation. Les concepteurs ont aussi prévu une structure de débordement qui permet de conserver et faire recirculer l’eau qui ne peut être admise du premier coup dans les bassins. Enfin, l’ouvrage comprend un destructeur d’ozone, un mécanisme qui neutralise ce gaz avant de rejeter dans l’atmosphère l’air excédentaire issu des bassins.
Parallèlement, un système surveille en continu ce qui se passe dans les bassins et veille à optimiser les processus. « À ces grosseurs de débit-là et de pompe-là, la facture d’électricité est extrêmement chère. […] Et il y a un coût énergétique très important également à mal opérer l’ozonation, parce qu’il s’agit aussi d’un procédé très énergivore et très demandant en matière première. Donc la chambre est aussi là pour ça », fait valoir Gabriel Dépatie-Blain.
Modéliser en 3D… et dans un garage
Les défis de conception de la chambre d’équilibre ont été nombreux. Le premier concerne l’envergure du projet, l’usine d’Atwater étant la plus grosse au Québec et une des plus importantes au Canada. Sa capacité est de 17,4 m3 par seconde, soit un débit suffisant pour remplir une piscine résidentielle en deux secondes. En outre, il n’était pas envisageable d’interrompre la production d’eau potable. L’équipe a donc dû prévoir la construction de canaux de dérivation en acier inoxydable pour continuer à alimenter l’usine pendant les travaux.
Un autre défi consistait à faire la modélisation 3D de la future chambre d’équilibre, une énorme maquette à réaliser et à coordonner. En parallèle, les ingénieurs devaient effectuer une simulation hydraulique avec le logiciel STAR-CCM+, un outil imposé par la Ville mais très niché, qu’ils ont dû apprivoiser. « On est venu modéliser chaque coin de la chambre pour s’assurer que tout le modèle hydraulique fonctionne. Et quand on a mis la chambre en service dans les derniers mois, au centimètre près l’eau est placée exactement à l’endroit où cela a été modélisé », dit avec une pointe de fierté Gabriel Dépatie-Blain.
La directrice de projets chez CIMA+, Isabelle Pineault, souligne que, malgré la présence d’outils technologiques, l’équipe a quand même voulu tester le concept dans le réel. « On a fait un modèle réduit, puis nous sommes allés dans le garage d’un de nos collègues. On a collé les affaires, puis on l’a fait partir pour être sûrs que la chambre d’équilibre allait résoudre le problème à 100 %, pour être sûrs que ce qu’on recommandait allait fonctionner. »
Approche multidisciplinaire
En matière de construction, l’échéancier — soit environ six ans, des premières études à la mise en service — a exigé un séquencement très serré. Bâtir une nouvelle structure à proximité d’un édifice patrimonial qu’il ne fallait pas endommager ni altérer a aussi représenté un casse-tête. « Un des défis, c’était définitivement de tout contourner, puis de ne rien toucher, et on l’a fait. On n’a démantelé aucun bâtiment existant, on a tout réutilisé ce qui était déjà en place », indique Gabriel Dépatie-Blain. L’exiguïté du site a en outre compliqué les travaux, notamment pour l’entrepreneur qui devait construire un ouvrage à 14 mètres de profondeur. « Les méthodes de construction ont dû être vraiment précises parce que c’était très profond, et très à côté des bâtiments existants », fait remarquer Isabelle Pineault.
Les deux intervenants sont fiers du travail accompli et de la persévérance à la fois de leur équipe et de celle de la Ville à trouver des solutions malgré la complexité de la tâche. Ils ont apprécié la collaboration entre les multiples disciplines du génie (géotechnique, civil, structure, électricité, etc.), ce qui a favorisé l’innovation.
« Des fois, quand tu penses que ça te revient à toi de prendre une décision, en génie des eaux, par exemple, solliciter les experts d’autres disciplines qui ont une expertise complètement différente, une vision pas pareille à la tienne, et leur présenter des problématiques permet d’arriver avec une solution à laquelle tu n’aurais jamais pensé », estime Gabriel Dépatie-Blain. Isabelle Pineault ajoute : « Il y a vraiment eu une vraie ouverture de regarder le projet dans son ensemble, puis d’y participer. Parce qu’on n’avait jamais construit ça, il fallait que tout le monde sorte de sa boîte. Puis j’ai l’impression que c’est resté dans les autres projets [de CIMA+] cette belle synergie-là. »
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2025. Pour un accès privilégié à l'ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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